mercredi 14 mai 2025

O.O.N. Podcast | Évolutions récentes | Épisode 7

 Dans cet épisode final de notre série « Exploration approfondie - deep dive », nous concluons notre enquête sur les accords interstellaires cachés et l’évolution du paysage exopolitique. Nous synthétisons le contexte historique des négociations extraterrestres et analysons les révélations les plus récentes, parmi lesquelles :

🔹 Les dynamiques de pouvoir changeantes entre les Gris et les Reptiliens
🔹 Le dévoilement des Archives Historiques d’Orion
🔹 La présence croissante de forces extraterrestres sur Terre

À l’approche de l’échéance de 2026, l’humanité se trouve à la croisée des chemins. Transitionnerons-nous vers une gouvernance planétaire ouverte, ou résisterons-nous à l’influence extérieure ?




Source : https://www.youtube.com/watch?v=iDrGeuV7CQQ

jeudi 8 mai 2025

Voyages dans le temps dans Spirou (5)

 

Sin Glas : Surgi du Futur (1982)

Thias m'avait appris l'existence de Sin Glas, une bd de science fiction qui n'eut qu'une histoire par Bosse & Darasse dans Spirou n°2317-2330 (1982). 

Sin-Glas est un ethnologue du sixième millénaire qui ressemble un peu à Valérian et qui étudie les colonies humaines qui se sont dispersées depuis la "catastrophe" du 34e siècle, environ deux mille ans avant. 


Il pilote le North-Tramp, vaisseau spatio-temporel avec un droïd nommé Or-Ter et un pilote dauphin intelligent nommé Dalmus WH-1. Il trouve une énorme épave de plusieurs kilomètres, qui a déjà été subi d'autres tentatives de pillages, le Shin Wasa Thai.

Il rencontre Sakuragi, un cyborg Waraï qui attend en stase depuis deux mille ans dans l'épave. Sakuragi lui dit que Sin Glas les avait sauvés contre les Pirates Lomars en 3337 (le vaisseau appartenait à une énorme flotte de vaisseaux comme celle de Battlestar Galactica) et que ces pirates avaient aussi voyagé dans le temps. 

Quand il revient dans le présent tout comme les pirates Lomars, il promet à Sakuragi qu'il l'aidera à retrouver sa flotte. 

Comme le dit Thias, il y a une certaine atmosphère plus sombre que le space opera habituel de Spirou, qui me fait penser au film Black Hole. Il est dommage que le décor et l'univers semblent plus creusés que l'intrigue. 

Zagazik : Du Shah des Shas au Premier Tsar (1980/1982)

Mais en lisant ce numéro n°2317 où commençait Sin Glas, je tombe par hasard sur un second épisode d'une autre série de voyage temporel, mais dans une veine plus "humoristique", Zagazik, qui ne fut pas reprise en album non plus. C'était écrit par un certain Eugène Crespin mais dessiné par Jo-El Azara (auteur venu de Tintin où il dessinait Taka Takata, le pilote japonais myope). 

Zagazik est un musicien hippie parti à Kathmandu qui a acquis d'un gourou malhonnête, Ramavishnou, le pouvoir de se téléporter dans l'espace et dans le temps (mais sans contrôler sa destination). Dans Spirou n°2209-2019 (1980) "Un Terme aux Piles", il participe à la Seconde Guerre médique où il conseille d'abord Xerxès, puis Thémistocle à Salamine (tout en essayant de ne jamais changer le passé, avec l'aide des dieux grecs et de nombreux gags absurdes). A la fin de la première aventure, il se venge du gourou en l'envoyant à son tour dans le passé et il apparaît en pleine Guerre napoléonienne. 

Dans la seconde histoire "Les Tsars dînent à l'Huile" (Spirou n°2317-2338, 1982), Zagazik revient en France (sans se téléporter, car il redoute son pouvoir). Il finit par se servir de son don et se retrouve en Russie à l'époque d'Ivan le Terrible, au XVIe siècle. L'épisode se termine en plein suspense avec Zagazik dans les geôles d'Ivan mais il n'y eut jamais de suite.

Sourcehttps://anniceris.blogspot.com/2025/03/voyages-dans-le-temps-dans-spirou-5.html

Voyages dans le temps dans Spirou (1)

 


Avant de parler des aventures de Spirou, il faut commencer par une autre série chez Dupuis qui était plus de la science fiction.

Yoko Tsuno par Roger Leloup est surtout connue par ses voyages dans l'espace (vers la planète Vinéa et ses colonies : tomes 1, 3, 6, 8, 10, 13, 18, 27, 30) mais il y a eu presque autant de voyages dans le temps (tomes 11, 17, 20, 22-23, 26, 29, 31). Quand on pense à voyage temporel en BD franco-belge "classique", on pense d'habitude surtout à Valerian & Laureline, Blake & Mortimer, les Naufragés du Temps, Time is Money, Bob Morane..., mais Yoko Tsuno eut aussi sa série de paradoxes temporels.


 

Dans l'album n°11 La spirale du temps (1980), Yoko est chez ses cousins japonais installés en Indonésie, à Borneo quand arrive soudain Monya, une voyageuse du XXXIXe siècle où la Terre a été détruite par une bombe à antimatière. Le véhicule temporel, le Translateur, a été construit par son défunt père et il ne peut pas être utilisé par n'importe quel passager, il faut une ceinture adaptée à sa biologie. Monya a voyagé vers le passé pour empêcher l'invention de cette arme destructrice et on apprend donc que le passé est tout à fait malléable dans le Yokoverse (on est 4 ans avant Terminator). L'inventeur de l'arme leur révèle que sa bombe hérite d'une technologie extraterrestre sur cette île indonésienne, technologie sur laquelle avait déjà travaillé l'oncle maternel de Yoko Tsuno 35 ans avant, pendant la 2e Guerre mondiale, l'officier japonais Toshio Ishida. Mona et Yoko repartent alors en 1943 et convainquent son oncle de les aider. Ils détruisent la source mystérieuse d'antimatière et changent donc le passé. Monya explique qu'elle ne peut plus revenir dans le futur car il y a déjà une "autre" Monya là-bas modifiée par le paradoxe temporel. Elle a sauvé son père rétroactivement mais ce n'est pas "son" père et elle ne pourra pas le revoir. Elle restera donc vivre en Indonésie, avec les cousins de Yoko et avec son Translateur comme une exilée temporelle. 

On retrouve Monya dans l'album n°17 Le matin du monde (1988). Monya était allée dans le passé et elle avait volé une statuette de Bali en l'an 1520 (avant une éruption volcanique qui devait détruire cet endroit) mais une jeune danseuse balinaise a été accusée du vol et doit être sacrifiée aux ptéranodons qui vivent encore dans cette région. Yoko et Monya repartent sauver la jeune fille et l'amènent à Bornéo où elle causera le bas-relief d'une danseuse que regardait Yoko dans le n°11 avant même de rencontrer Monya (ce qui prouverait alors qu'elle n'a pas changé le passé mais qu'elle l'a causé tel qu'il est, contrairement à l'album précédent). Cela commence une double tradition : (1) Yoko a tendance à voyager pour sauver (un peu arbitrairement) une femme du passé (certes, ici, elle était en danger à cause d'un voyage précédent), (2) son voyage vers le passé est souvent provoqué par une anomalie dans un document ou une oeuvre artistique au présent.

Dans l'album n°20 L'astrologue de Bruges (1994), on quitte l'Asie pour l'Europe et même pour la Belgique (ce qui est rare dans Yoko Tsuno qui a ses aventures en Allemagne, Ecosse ou Asie). Yoko a été invitée à Bruges par un certain Jan Van Laet qui lui montre un tableau la représentant au XVIe siècle. Van Laet et son complice Torcello ont obtenu un philtre d'immortalité depuis le XVIe siècle et ils avaient déjà rencontré Yoko à cette époque  ont alors tué l'alchimiste Zacharius. Yoko repart dans le passé avec Monya, Pol et Vic. C'est la première fois qu'ils vont ramener quelqu'un et non pas seulement un objet, car Pol tombe amoureux d'une paysanne du XVIe, Mieke, qui devient sa compagne au XXe siècle.

Dans les albums n°22 La jonque céleste (1998) et n°23 La pagode des brumes (2001), on revient en Asie, en Chine. Yoko et sa fille adoptive Ziu Lu / Chén Lù ("Rosée du Matin", adoptée depuis l'album n°16) trouvent la tombe d'une très jeune princesse chinoise, Sin-Yi  gardée par une femme, le Dr Lin-Po. La jeune Sin-Yi serait morte très jeune, en 1021 à peu au même âge que celui qu'a sa fille Rosée du matin. Elle était promise comme future épouse de l'Empereur Zhenzong (968-1022), 3e Empereur de la Dynastie Song. Yoko et Monya retournent dans le passé pour sauver Sin-Yi. On découvre qu'il n'y a pas de paradoxe : le tombeau qu'elles avaient vu dans le présent était un faux fabriqué par Yoko et elle ramène Sin-Yi au XXe-XXIe siècle. Mais dans l'album suivant, Sin-Yi demande d'aller aussi sauver sa servante Mei-Ling à laquelle elle était attachée. Yoko revient à nouveau en Chine au XIe siècle et retrouve les origines d'une légende que sa grand-mère chinoise lui avait racontée sur le dragon de cette pagode (Yoko est en effet sino-japonaise). Les origines du dragon sont en fait extraterrestres et c'est un vaisseau robot (comme beaucoup d'autres véhicules vivants dans le Yokoverse). 

Dans l'album n°26, Le Maléfice de l'améthyste (2012), Yoko et sa nouvelle amie la jeune pilote Emilia MacKinley (russo-écossaise, rencontrée depuis le tome 24) vont en Ecosse où Emilia hérite des biens de son arrière grande-tante décédée, Gloria qu'elle aurait sauvée 80 ans avant. Elle rencontre le vieux Malcolm qui dit avoir voyagé dans le futur depuis 1934 pour trouver un médicament pour sauver cette même Gloria. Mais il a sauté 33 ans, est arrivé en 1977, deux ans après la mort de Gloria, et a mis ensuite à nouveau 45 ans pour reconstruire une machine à voyager dans le temps qu'il ne peut plus utiliser lui-même en raison de son grand âge. Yoko et Emilia acceptent de repartir en arrière, en 1934 et découvrent des secrets concernant la maladie de Gloria, une pierre d'améthyste et l'histoire de la Russie. Le "Malcolm" qu'elles avaient rencontré était en fait son assistant, Ralph, qui se faisait passer pour lui pour voler le trésor. Elles ramènent avec elle une nouvelle femme du passé, Bonnie (cousine d'Emilia), et plusieurs trésors qui permettent à Yoko et son cercle d'obtenir leur indépendance financière. C'est la première fois que Yoko Tsuno voyage dans le temps avec un véhicule qui n'est pas le Translateur de Monya. Cette machine de Malcolm (qui ressemble à d'énormes bobines de Tesla) est bien plus encombrante et plus dangereuse. 


 

Dans l'album n°29 Anges & Faucons (2019), Emilia reprend à nouveau la machine de Malcolm pour retourner en 1935 et sauver deux enfants, Peter et Julia, qui doivent mourir dans un accident ferroviaire cette année-là d'après une indication d'une tombe dans le cimetière local. L'idée des voyages uniquement pour sauver des enfants reste une obsession de cette série et cela a un peu gâché la cohérence : si le passé est malléable, pourquoi utiliser le voyage uniquement pour sauver une poignée d'individus choisis arbitrairement parce qu'ils ont suscité la sympathie de Yoko ? En passant, cet album illustre bien la méthode poétique d'écriture de scénario de Roger Leloup. Autant les graphismes des véhicules sont précis comme de l'ingénieurie ou de la Hard SF, autant les scénarios sont faits de libres associations métaphoriques ou thématiques (ici, entre ailes d'anges et figures de dieu Horus), plus oniriques ou elliptiques que des relations causales claires. 

Dans l'album n°31 L'Aigle des Highlands (2024), Roger Leloup noue ensemble de nombreux personnages de son univers : Monya et son translateur (plus vue depuis le n°23), la colonie celtique cachée, Vinéa et le domaine écossais. Les moines de l'abbaye locale aurait détruit un "aigle" au XIIIe et Yoko découvre, grâce à la Déesse Brigit (en fait une IA) que c'était un robot de Vinéa. Elle repart au XIIIe siècle grâce à Monya pour sauver cet "aigle". Pour une fois, elle ramène non pas une jeune fille (comme Sin-Yi, Mieke ou Bonnie) mais un petit garçon, Sébastien (la maison de Yoko commence à ressembler à un orphelinat).

Yoko n'a à ma connaissance jamais voyagé vers "le futur" (sauf pour revenir à son époque). Cela donne la chronologie suivante des voyages de Yoko (deux au XIe, un au XIIIe, deux au XVIe et trois au XXe) : 

XIe 1021 Yoko part en Chine pour sauver Sin-Yi et la ramène. 

Elle revient ensuite peu de temps après pour tenter en vain de ramener aussi Mei-Ling et rencontre un robot. 

XIIIe Yoko sauve un autre robot vinéen. 

XVIe siècle : Yoko sauve une Balinaise d'un sacrifice. Elle lutte contre un alchimiste à Bruges avec tous ses amis, elle ramène Mieke. 

XXe : 1934 Macolm invente une machine à voyager dans le temps 900 ans avant le père de Monya. Yoko et Emilia aident la famille de cette dernière. Elles ramènent Bonnie (qui a donc dû naître vers 1918 à peu près ?).

1935 Yoko et Emilia modifient des détails du passé.

1943 Yoko rencontre son vieil oncle en pleine Guerre en Indonésie et lutte contre une intelligence extraterrestre faite d'énergie. 

Sourcehttps://anniceris.blogspot.com/2025/02/voyages-dans-le-temps-dans-spirou-1.html

Le sable rouge est comme une mer sans limite

 

Le sable rouge est comme une mer sans limite,
Et qui flambe, muette, affaissée en son lit.
Une ondulation immobile remplit
L'horizon aux vapeurs de cuivre où l'homme habite.

Pas un Orni ne passe en fouettant de son aile
L'air épais, où circule un immense soleil.
Parfois quelque Faiseur chauffé dans son sommeil,
Fait onduler sa queue dont l'écaille étincelle.

Tel l'espace enflammé brûle sous les cieux clairs.
Mais, tandis que tout dort aux mornes solitudes,
Les Vers géants rugueux, voyageurs vifs et rudes
Se glissent sous le sol à travers les déserts.

D'un point de l'horizon, comme des masses brunes,
Ils viennent, soulevant la poussière, et l'on voit,
Pour ne point dévier du chemin le plus droit,
Sous leur ventre annelé crouler au loin les dunes.

Aussi, sans souci du temps et du vent, ils passent
Comme une ligne noire, au sable illimité ;
Et le désert reprend son immobilité
Quand les lourds voyageurs à l'horizon s'effacent.

Leconte de Lisle, Poésies nouvelles, 1855 
(repris dans Poèmes barbares, 1862)

Le Dune de Lynch de 1984 trouve peu de défenseurs et même son réalisateur l'a renié. Pourtant, en dehors de quelques caricatures cauchemardesques de Harkonnen, les sourcils ridicules des Mentats ou la scène où il pleut à la fin, je le trouve plutôt réussi (même si je pense préférer encore la mini-série). Et je crois que je retiens plus Brian Eno que le Hans Zimmer de la version de Villeneuve. 

J'aime bien le sublime des Grands Monolithes flottants et immobiles de Villeneuve (surtout dans Arrival) mais en dehors de cette ombre du divin dans cette froide architecture totalitaire, je ne vois pas bien ce que j'en tire. 

La différence principale de cette version est d'insister sur la transformation et la trahison de Paul et sur le scepticisme croissant de Chani malgré son amour. Irulan et Jessica sont plus actives (Villeneuve a dit qu'une de ses idées était de faire une adaptation plus centrée sur les Bene Gesserit et de réduire la place des Mentats). Le film développe aussi le personnage assez secondaire de Margot Fenrig (la Bene Gesserit envoyée pour séduire Feyd - qui a pris plus d'importance dans Paul of Dune, un des sequels de Brian Herbert qui se passe entre Dune et Messiah of Dune). En revanche, Alia au Couteau, la soeur du Prophète, devra attendre le Messie car elle n'est toujours pas née dans cette version. Le fait d'avoir développé la Princesse Irulan rend ce pauvre Empereur encore plus inexistant en marionnette des Bene Gesserit. La Guilde est absente et on ne revoit jamais ce pauvre Mentat Assassin Thufir Hawat (Stephen Henderson) qui est complètement coupé au montage et oublié. 

Le rythme me paraît très discutable. La bataille de chute des Atréides dans le premier volet était épique mais la bataille finale de chute des Harkonnens est bâclée très rapidement. Les Sardaukars se rendent immédiatement ou sont massacrés hors champ. L'arc de Paul est trop abrupt, il change quasiment immédiatement de son refus d'être le Messie à une volonté froide de vengeance et de pouvoir après avoir retrouvé Gurney Halleck comme figure paternelle en plus de Stilgar. L'ambiguïté de Paul est certes bien mieux rendue que dans le film de 1984. 

Couvertures des Champions et comparaison avec les Titans de Frisano

 

Au début de l'année 1975, Jenny Isabella (qui s'appelait encore Tony) avait repris le titre Ghost-Rider (au n°11, jusqu'au n°19 - où le moralisme devenait très chrétien) et elle venait de créer en avril 1975 un nouveau héros noir, Black Goliath, dans le titre Luke Cage, Power Man n°24. Quand les X-Men furent relancés en mai 1975 par Len Wein après 5 ans d'absence, Isabella proposa de créer une nouvelle équipe, les Champions, qui compteraient deux anciens X-Men qui n'avaient pas été retenus par Chris Claremont (Angel et Iceman), plus sa nouvelle création Black Goliath. Mais quand Marvel lui offrit un titre séparé pour Black Goliath (qui ne fut qu'une mini-série en 5 épisodes, octobre 1975- juillet 1976), Isabella le remplaça par son autre personnage, Ghost-Rider, et ajouta deux autres membres, un personnage mythologique, Hercules (qui venait d'avoir sa série dans Thor n°221-239) et la superhéroïne russe Black Widow (qui avait été la co-star dans Daredevil n°81-124). La série bimestrielle Champions n'eut que 17 numéros, de juillet 1975 à août 1977 et fut un échec, avec Isabella qui partit dès le n°8 (l'épilogue final où l'équipe se dissout fut par Bill Mantlo dans Spectacular Spider-Man n°17, janvier 1978). 

C'était, je crois, la première fois que Marvel créait une équipe basée à Los Angeles et pas sur la Côte Est (et DC ne créa ses Titans West que deux ans après, dans Teen Titans n°50, octobre 1977). 

Quelques temps après (en 1981) parut ce qui doit être l'un des plus célèbres jeux de rôle de superhéros, Champions. Le logo du jeu retrouva en partie dans la 1e édition celui de la brève équipe de Los Angeles. 



Mais je ne veux pas parler du comic des Champions de Los Angeles en tant que tel (il faut reconnaître qu'ils n'eurent aucune bonne histoire que ce soit avec Isabella ou avec Mantlo) mais des couvertures françaises réalisées par Jean Frisano (1927-1987) pour l'éditeur Lug. J'avais déjà comparé sa couverture de la mort de Gwen Stacy avec celle de Romita Sr en septembre 1978. 

Le magazine Titans avait commencé ses trois premiers numéros en essayant de se diversifier et de traduire des titres qui n'étaient pas de Marvel mais de son éphémère rival Atlas/Seaboard. Mais les éditions LUG repassèrent dès le n°4 à des traductions de Marvel quand la compagnie Atlas fit faillite. 

Le premier épisode des Champions apparaît dès ce n°4 mais la couverture du premier épisode n'apparaît qu'au n°5 (novembre 1976).  La couverture américaine du n°1 (juillet 1975) est par Gil Kane, avec un Hercule en gros plan.

La version Frisano s'inspire en fait d'une case intérieure de Don Heck, il refuse tout l'effet de perspective, redessine complètement Hercule et retire Ghost-Rider. L'éditeur Lug a tellement peur de se faire interdire qu'ils enlèvent de nombreuses images effrayantes et le Crâne en feu du Ghost-Rider va se faire souvent auto-censurer. Et bien entendu les couvertures de Frisano n'ont jamais de textes. En revanche, je ne comprends pas pourquoi Frisano fait flotter la Veuve Noire sans aucun fil de toile. 


Champions n°6 (mars 1976)  a une couverture par Jack Kirby (l'intérieur de Georges Tuska). 


Frisano devait trouver cela beaucoup trop encombré. Il est assez fidèle à l'image centrale, corrige des proportions kirbyesques, améliore le réalisme de la position de Black Widow mais enlève Angel et Iceman dans Titans n°9 (juillet 1977). 


La couverture suivante dans Titans n°11 est bien plus modifiée. L'histoire traduite est celle de Champions8 mais la couverture semble être un mélange à la fois des couvertures de Champions n°7 et n°9 (où Tony Isabella était partie du titre pour être remplacée par Bill Mantlo). 

Voici en effet les deux couvertures originales, celle avec le Griffon (Champions n°7, mai 1976) et celle avec les personnages russes Titanium Man, Crimson Dynamo et Darkstar (Champions n°9, septembre 1976 - Darkstar rejoint l'équipe à partir du numéro suivant, ce qui donne soudain deux superhéroïnes russes dans l'équipe) : 


 

Et voici le traitement par Jean Frisano dans Titans n°11 (novembre 1977) avec Crimson Dynamo, Titanium Man et le Griffon face à Angel et Hercule. On remarque qu'il a recomposé complètement l'image à partir de la dernière case de Champions n°8 (la conférence de presse où ils annoncent la création de leur équipe). Comme souvent, il met la scène juste avant la confrontation et non pas in medias res comme l'originale. Pourquoi Frisano retire-t-il les personnages féminins de Darkstar et Black Widow ?

Champions n°11 (novembre 1976), couverture par Gil Kane, scénario de Bill Mantlo, dessins intérieurs de John Byrne. Black Goliath arrive finalement dans la série dont il devait être un fondateur.

Titans n°14 (mai 1978). Frisano met la scène juste avant et l'angle est complètement inversé.

Champions n°14 (avril 1977) avec la première apparition de The Swarm, créé par Bill Mantlo & John Byrne.

Titans n°17 (novembre 1978). Frisano est forcé d'enlever le crâne du Ghost Rider et d'éloigner l'Essain des abeilles.


Champions n°16 (août 1977). Couverture par Bob Hall. C'était une des dernières tentatives du scénariste Bill Mantlo d'attirer le succès des X-Men. Ces derniers viennent d'affronter Magneto sur l'île de Muir dans X-Men n°104 et le Mauvais Mutant s'est ensuite allié avec Dr Doom contre les Vengeurs et les Champions dans Super Villain Team-Up n°14 (juillet 1977 - qui ne fut pas traduit - et Bill Mantlo avait aussi tenté un cross-over de Darkstar dans Iron Man Annual 4, mai 1977). 

 

Titans n°20 (mai 1979). Frisano retire Ghost-Rider et Black Widow et il ne garde que Hercules, Iceman et The Beast. Comme dans la composition du n°11, il met les héros de dos par rapport à nous et l'antagoniste à l'arrière-fond. Le champ magnétique en couverture est peut-être une influence de la couverture de X-Men n°104 ou de sa couverture de Strange n°43 ?



Addendum : Survol de toute la série

1-3 Angel et Iceman deviennent étudiants à UCLA. L'équipe est dirigée par Black Widow et sauve Hercule et la déesse Venus capturés par Pluton, Mars et Hippolyte (Pluton veut forcer Jupiter à accepter le mariage d'Hercule et Hippolyte et de Venus et Mars). Pluton est aidé par Cerbère et Le Chasseur, un de ses fils. Venus pardonne à Mars et quitte le monde des mortels. 

4 Lansing, un savant fou, prend le contrôle de Hercule et Black Widow. Isabella n'a pas d'idées...

5-6 Ils arrêtent Rampage (Stuart Clark, un génie rival de Tony Stark). Il tente en vain de n'être qu'un voleur non-violent mais il perd la raison. Les Champions tenteront plusieurs fois de le réhabiliter mais le scénario n'arrive pas vraiment à convaincre que c'est un personnage tragique et ambigu. Il sera l'ennemi le plus récurrent des Champions et Marvel l'a depuis recyclé en consultant pour le Punisher.

7-10 Les Soviet Super-Soldiers, Crimson Dynamo, Darkstar et Titanium Man engagent Griffin et Rampage. Ils viennent avec Bruskin, ancien formateur de Black Widow pour ramener Natacha en Russie. Ils attaquent pendant la conférence de presse d'annonce de création de l'équipe. Yuri Ivanovich Bezukhov, le porteur de l'armure de Crimson Dynamo, est le fils d'Ivan Petrovitch Bezukhov, le tuteur de Natacha. Darkstar (Laynia Petrovna) change de camp et rejoint les Champions. (Isabella avait l'intention de révéler qu'Ivan était aussi le vrai père de Natacha mais cette histoire fut annulée par son départ).

11-13 Les Champions chassent des fantômes indiens avec l'aide du Vengeur Hawkeye. Black Goliath répare leur vaisseau (le Champcraft) et ils l'aident contre Stilt-Man qui veut voler une arme. Le Stranger (qui porte une des Gemmes) vient leur demander de rapporter le Bâton runique de Kamo Tharn le Possesseur pour arrêter cette arme destructrice ultime. C'est assez confus comme quête de McGuffin...

14-15 Ils battent The Swarm, un Nazi dont le corps n'est qu'un essaim d'abeilles. 

Iron-Man Annual 4 Ils aident Iron Man à battre Modok et l'AIM.

Avengers 163 Le titan maléfique Typhon prend Beast en otage et force Iron Man à enlever Hercule, mais les Champions déjouent le plan de Typhon.  

Super-Villain Team-Up 14 Doom prend le contrôle des Vengeurs par son neuro-gaz et Magneto enlève Beast et décide d'aller chercher les Champions de LA. 

16 Doom domine désormais la capitale de Washington (avec une caricature de ce pauvre Jimmy Carter) et de Hulk, mais Magneto  se sert des Champions pour vaincre Doom, qui absorbe son propre gaz. 

17 Le Vanisher reprogramme des Sentinelles pour qu'elles le servent et reforme la Confrérie des Mauvais Mutants. Il est vaincu par Darkstar. 

Spectacular Spider-Man n°17-18 : On apprend que le groupe des Champions de Los Angeles s'est dissout d'un coup : Iceman ne restait que pour être avec Darkstar. Stuart Clark (Rampage) prend le contrôle d'Iceman et tente de l'utiliser contre Angel et Spider-Man. Rampage finit à nouveau mal (c'est la 3e fois que ses plans suicidaires l'envoient à l'hôpital en situation critique).

Hulk Annual 7 (Stern & Byrne) : Angel et Iceman s'allient au Hulk contre le Master Mold des Sentinelles (qui a les mémoires de Scott Lang). 

Source https://anniceris.blogspot.com/2025/04/couvertures-des-champions-et.html

Le premier jeu de rôle chinois

 


La Chine a déjà traduit quelques jeux de rôle comme Call of Cthulhu (克苏鲁的呼唤, L'Appel de Kèsūlǔ) et des jeux de rôle japonais et il existe de nombreux jeux amateurs mais 侠界之旅 (Xiájiè zhī lǚ, Voyage dans le Monde Héroïque) par 路西西, Lù Xīxī serait le premier jeu de rôle sur table  chinois officiel. Comme on pouvait s'y attendre, c'est un jeu de wǔxiá (de chevalerie et d'arts martiaux). 

CJ Leung en fait la présentation en anglais, avec interview de l'auteur, et il y a une présentation en chinois et une ouverture de boite en chinois du mois de février (il y a l'air d'y avoir énormément de jetons et goodies alors que l'auteur ne mentionne qu'une version téléchargeable pour l'instant). 

Jeu de rôle sur table se dit normalement 桌上角色扮演游戏 (zhuō shàng juésè bànyǎn yóuxì) mais d'après CJ Leung le terme le plus courant comme référence pour parler de jdr est de mettre les deux caractères d'un "groupe de jeu" 跑团 (Pǎo tuán). 

Source : https://anniceris.blogspot.com/2025/04/le-premier-jeu-de-role-chinois.html

Magnus (version 2017)

 

Gunther Anders appelait "prometheische Scham" non pas seulement la blessure narcissique que les machines nous dépassent mais aussi un secret désir de devenir machine à notre tour, face au fossé grandissant entre nos capacités et la puissance de nos réalisations techniques. Magnus, Robot Fighter 4000 AD (créé en 1963 par Russ Manning chez l'éditeur Gold Key) est une bd de réaction à cette Humiliation Prométhéenne. La scène se passe dans deux mille ans, au XLIe siècle et l'Humanité est devenue complètement aliénée à ses robots. Magnus est le dernier militant humain à ne pas vouloir dépendre des robots et à lutter activement contre eux. Mais son secret est qu'il n'est pas aussi intolérant qu'il en l'air, il a été éduqué par un robot philanthrope, la Première IA (une sorte de R. Daneel Olivaw), qui a formé Magnus depuis son enfance par souci d'une nouvelle 4e Loi asimovienne de la Robotique, règle de ne pas laisser les Humains dans leur aliénation. [En revanche, je pense que ce n'est qu'une coïncidence s'il a le même nom que le Magnus chez DC qui est le Prométhée-Gepetto créant les androïdes Metal Men en 1962. Manning a dit s'être inspiré de Maximus, un acteur secondaire dans le comic strip réaliste Mary Perkins, On Stage. ]

Magnus est à nouveau, tout comme Superman l'avait été à sa manière, un Tarzan inversé : alors que Lord Greystoke doit sa force au retour à la nature élevé par les ancêtres naturels de l'Humain, Magnus a été élevé par les descendants artificiels de l'Humain mais il doit ses capacité à la résistance au progrès des sciences et des techniques. Russ Manning reprit d'ailleurs l'adaptation en comics de Tarzan chez Gold Key en même temps que Magnus. 

Magnus dans cette première version ne se servait au début quasiment pas de gadgets (en dehors d'un moyen de communication), pas d'autres techniques que de techniques du corps, des Arts martiaux qui lui permettait de casser du métal et qui en faisait le seul humain capable de lutter à la fois contre les robots corrompus (les effets indésirables sont des accidents puisque les IA normales respectent les Trois Lois) mais aussi les autres humains qui tentaient d'utiliser les robots pour soumettre les autres. Selon les scénaristes, Magnus pouvait être un vulgaire Luddite fanatique ou un personnage plus nuancé. 

Cette version s'arrête officiellement en 1977 mais cela faisait déjà longtemps que Manning avait arrêté les histoires. En 1991, Jim Shooter reprend la licence de plusieurs personnages de Gold Key et relance une 2e version du personnage qu'il associe à un nouvel "univers" de superhéros et de sf, l'univers Valiant. Ce Magnus commence à nouveau comme Luddite mais évolue et finit par se révolter contre les autorités humaines : il aide certains robots conscients à créer leur propre communauté autonome séparée. En 1997, Valiant fut racheté par Acclaim et Magnus devint une sorte de cyborg. 

Par la suite, Western/Gold Key avait récupéré les droits de Magnus (ce qui explique qu'il n'existe plus dans l'univers Valiant actuel) et le personnage réapparut d' abord chez Dark Horse (2010) dans des comics chez Dynamite Comics (en même temps que bien d'autres personnages Gold Key, y compris certains qui n'avaient pas été dans l'univers Valiant). 

En 2017 parurent deux versions distinctes chez Dynamite : dans Sovereigns, Magnus devient un dieu-cyborg connecté à toutes les machines et on voit à quel point les reboots américains peuvent subvertir complètement ou inverser le concept de départ (comme si on relançait Asterix en un Alix gallo-romain). 

Mais la même année 2017, le même scénariste Kyle Higgins essaya aussi une autre version (avec le dessinateur d'origine catalane Jorge Fornés si adapté à l'atmosphère du "Film Noir") où "Magnus" est cette fois une femme, Kerri Magnus, psychanalyste pour IA. 



Il n'y eut hélas que 5 numéros (et une VF chez Casterman) mais c'était la version la plus subtile : Magnus soignait les IA dans le Cyberespace (le Cloud-World) au lieu de simplement lutter physiquement contre des robots. Elle est à la fois une Blade Runner (Magnus: Robot Hunter) contre les IA psychopathes mais surtout une thérapeute qui se soucie aussi de ce dont "rêvent ces Androïdes" dans leur Univers virtuel qu'ils préfèrent à notre réalité biologique de wetware. Les IA conscientes ont obtenu une sorte d'indenture limitée où ils sont payés en "temps libre" et le droit à pouvoir partir un jour vers l'autonomie vers leurs communautés virtuelles.


On voit passer le Good Doctor Asimov en journaliste

La série révèle ses origines qui sont à nouveau un hommage à Tarzan : Kerri Magnus est la seule humaine qui peut si facilement demeurer en interface dans le Cyberespace sans avoir son cerveau qui frit parce qu'une IA l'a élevée à l'intérieur de ce monde avant qu'elle ne revienne dans notre monde organique. Ces deux mondes fournissent dans la bd une idée graphique amusante : la réalité est dans le style sombre habituel de Jorge Fornés alors que le Monde du Cloud est dessiné dans un style bien plus coloré et épique, presque kirbyesque

Il est dommage que l'histoire n'ait pas de suite car la fin annonçait une intrigue à venir et cette version me paraît la meilleure avatar de Magnus Robot Fighter

Source : https://anniceris.blogspot.com/2024/08/magnus-version-2017.html