jeudi 25 octobre 2012

Des Astres errants et leurs Doubles

Source : http://anniceris.blogspot.com/2012/08/des-astres-errants-et-leurs-doubles.html

Les sous-Genres littéraires se stabilisent ou se solidifient avec certaines conventions, en partie à cause du hasard du succès d'une oeuvre initiale qui ouvre la voie. Ce serait un exemple de "dépendance au sentier".

La Marge, de la Mitteleuropa à Mars

Par exemple, dans cet article, Cynthia Ward analyse le sous-genre de science-fiction qu'on appelle "Planetary Romance" ou "Sword and Planet". Le sous-genre devint populaire avant même la Première Guerre mondiale, l'exemple le plus célèbre (lui-même une imitation) étant le cycle de John Carter (1912) de E.R. Burroughs (1875-1950). On remarque toujours la dimension colonialiste de ce Genre où un héros occidental se retrouve sur une autre planète qui pourrait aussi bien être l'Amérique du Sud ou l'Afrique. Certes le racisme (ou "l'Orientalisme") y est parfois plus ambigu dans la mesure où l'Autre Monde peut aussi être présenté comme ayant eu une civilisation bien plus avancée que la Terre : le héros (occidental) y joue aussi non pas la Mission civilisatrice mais le Barbare venant "régénérer" un Vieil Orient en déclin (conformément au vieux mythe historique chez Ibn Khaldūn, Nietzsche ou Toynbee). Même le "Progressisme" colonialiste est déjà empreint de crainte du Déclin de l'Occident. L'Autre est aussi l'Asie (surtout l'Inde pour la littérature populaire anglaise, mais plutôt la Chine pour la littérature américaine), qui dans l'imaginaire colonialiste européen, n'est pas dans la même position que les Nouveaux Mondes à conquérir. Ces Autres Mondes "orientalisants" sont le lointain passé mais aussi une prophétie de l'effondrement impérial à venir, puisque l'imaginaire est cyclique.

Mais Cynthia Ward donne une autre source de la Romance Planétaire qui n'est pas que colonialiste, ce qu'on appelle le sous-Genre de la Ruritanian Romance comme le célèbre Prisoner of Zenda (1894). Dans le roman, un Britannique en visite dans une petite principauté imaginaire d'Europe Centrale ("la Ruritanie") se retrouve soudain Roi de Ruritanie parce qu'il était par hasard le Sosie du vrai Prince enlevé. Le mythe est encore une forme de "fantasme de puissance" mais ce n'est plus exactement un guerrier se taillant par la force un Royaume dans une contrée exotique mais l'homme ordinaire des Vieux Pays marqués par les Révolutions modernes du XIXe siècle héritant par hasard d'un Vieux Royaume désuet soustrait à l'Histoire. Les Empires mourants de Vienne et de Constantinople ou la Poudrière des Balkans deviennent une autre "marge", en plein coeur de l'Europe comme les Britanniques sont en train d'y nommer diverses familles germaniques proches de la reine Victoria. L'Empire triomphant est fasciné par ces Balkans parce qu'il y pressent aussi le cimetière des Empires et la fragilité de sa propre domination. Même avant 14-18 (contrairement à ce que dit la phrase de Paul Valéry sur la mortalité nouvelle de la Civilisation), l'Europe est consciente des ruines sur lesquelles elle s'étend.

On peut se demander quel est le rapport précis avec la Romance planétaire. Mais au lieu de Edgar Rice Burroughs, on voit encore mieux le thème ruritanien à travers le Double chez un de ses premiers imitateurs et rivaux, Otis Adelbert Kline (1891–1946).

L'Enquête historique par Echange des Corps


Otis Adelbert Kline a écrit dans les Pulps vers 1929-1933 une imitation directe du cycle de Barsoom. Dans le premier (dans la chronologie interne de la série), Swordsman of Mars (1933), le Docteur Morgan est contacté télépathiquement par un savant extraterrestre d'un lointain passé, Lal Vak. Mars n'est en effet plus habitée "aujourd'hui" (sur ce point, Kline est plus hard science que Burroughs) mais elle avait eu une civilisation humanoïde il y a des millions d'années et la télépathie peut dépasser toute limite spatiotemporelle. Le savant martien explique qu'il peut opérer un transfert mental entre les deux planètes et les deux époques, à condition d'avoir des sujets qui soient assez similaires physiquement. Morgan envoie d'abord l'esprit d'un premier sujet, un petit criminel nommé Frank Boyd, qui rompt tout contact et décide de rester vivre dans la Mars archaïque. Morgan envoie donc un nouvel esprit, celui d'un certain Harry Thorne (dans le corps d'un certain "Borgen Takkor", pendant que l'esprit de celui-ci occupera son propre corps), pour arrêter son compatriote terrien parti envahir le passé de la Planète rouge. Ensuite, Thorne devient un autre John Carter et comme tout héros de ce genre, il finit avec une Princesse martienne (cette convention du mariage est même tellement solidement implantée dans les Pulps qu'il lui paraît évident dès le début qu'on ne partirait pas vers une autre planète pour d'autres raisons que d'épouser une Princesse).

Puis (la notion de simultanéité n'est pas très claire entre l'époque archaïque et le "présent"), le Docteur Morgan enverra un autre agent terrien, Robert Grandon avoir ses propres aventures à la même période, mais cette fois sur la planète Vénus (que ses habitants appellent Zarovia, The Planet of Peril, 1929, j'ignore pourquoi cette série paraît quatre ans avant le cycle martien, alors qu'elle semble bien rédigée après). Robert Grandon (dans le corps d'un prince vénusien et fiancé à une dangereuse reine amazone) y retrouvera même Harry Thorne, venu de Mars - les Terriens n'ont jamais très envie de revenir chez eux dans ces histoires et ils s'assimilent très bien aux indigènes (on a l'annonce du cliché d'Avatar).

Un aspect de la fiction klinienne de l'Echange par rapport à Burroughs est que le héros terrien perd son avantage physique qui devait justifier la supériorité impérialiste. Chez Burroughs, la différence de gravité est censée donner une superforce à un humain élevé sur Terre. Ici, le héros terrien est projeté dans un corps autochtone.

La différence principale avec Burroughs est un accroissement de la distanciation. Le héros ne voyage pas seulement dans l'Espace mais aussi dans le Temps (lointain passé - le héros se dit à lui-même qu'il est nécessairement destiné à mourir des millions d'années avant sa naissance) et même dans un autre corps (même si la ressemblance physique entre les deux cerveaux dans le transfert doit atténuer quelque peu le choc entre les répliques). Kline a donc ajouté à la fiction planétaire trois thèmes supplémentaires, la télépathie (mais les Martiens sont télépathes aussi chez Burroughs), le voyage dans le temps et l'échange des consciences. Ce qui n'était qu'un Double ou Sosie accidentel dans la fiction ruritanienne devient une opération parapsychique où le héros se "réincarne vers le passé".

L'occultisme décadent de la fin du XIXe siècle était obsédé (dans le courant dit "théosophique") par les thèmes mystiques de réincarnation dans les vies antérieures mais ici le héros laisse aussi son corps à l'autre esprit pour vivre dans l'autre monde. On est donc plus proche de ce qu'on appelle parfois le thème du Changelin. John Locke avait déjà imaginé en 1690 un Prince et un Cordonnier qui échangeaient leurs esprits et il en tirait un argument pour dire que le Soi devait être plus identifié aux souvenirs qu'à un support quel qu'il soit.

[En passant, Michael Moorcock écrira (sous un pseudo) aussi son propre pastiche du genre planétaire, Kaine of Old Mars (1965). Mais dans sa version (si je me souviens bien), Kaine se déplace physiquement sur la planète Mars, qui est dénuée de vie, et retrouve ensuite une Mars antique par un voyage dans le temps (mais je crois que c'est toujours dans son propre corps pour avoir la même "superforce" comparative que Carter). Dans le comic Den de Richard Corben (1968), c'est moins clair, dans certains passages, le héros semble avoir envoyé seulement son esprit, mais dans d'autres, Den se déplace sur l'autre monde de Neverwhere mais son corps est complètement "transformé" par le passage.]

L'inversion hamiltonienne

Mais le meilleur hommage à l'Echange de Kline en est une inversion faite par un autre écrivain de Pulps, Edmond Hamilton (1904 – 1977) dans sa série Star Kings (1947) [le prolifique Hamilton avait eu aussi sa propre série plus directement burroughsienne dans les années 30, Kaldar, dans le système d'Antarès].

Le protagoniste de Star Kings, un Terrien ordinaire du XXe siècle nommé John Gordon, se retrouve un jour contacté télépathiquement par un Humain du lointain futur, Zarth Arn, un fils de l'Empereur de la Galaxie et historien. Zarth Arn lui explique qu'il ne peut pas voyager physiquement dans le temps mais seulement psychiquement. Zarth Arn pratique l'échange par curiosité, pour pouvoir étudier la Terre du XXe siècle mais Gordon n'est pas aussi volontaire que l'étaient les héros de Kline. John Gordon, qui occupe le corps du Prince intellectuel, va se retrouver soudain pris dans des intrigues interstellaires des milliers d'années dans le futur [Edmond Hamilton écrira vers 1960 les aventures de la Légion des Superhéros, le groupe du XXXIe siècle, où les héros aussi viennent recruter des membres de notre époque.].

On retrouve donc les mêmes thèmes que chez Kline, voyage dans le temps et échange mental, mais dans le sens inverse, vers un Humain plus "avancé" et non un Martien du passé archaïque. Ce n'est plus le Dr Morgan qui étudie un autre monde mais ce monde futur qui nous étudie. Le héros terrien est donc clairement le Barbare plongé dans une Civilisation bien supérieure. Mais cela n'inverse pas complètement le cliché comme c'est le Barbare qui vient sauver la cause du vrai Prince.

On compare souvent l'histoire d'Hamilton au double du Prisoner of Zenda (et je l'avais d'ailleurs fait en 2007) mais la meilleure médiation me paraît plutôt être le cycle de Kline.

Il y a une scène ironique très "ruritanienne" chez Hamilton où un ennemi s'aperçoit que Gordon n'est pas le vrai Zarth Arn et tente de lui faire passer un test pour éliminer cet usurpateur. Gordon le réussit comme l'épreuve n'est que physique et que son enveloppe corporelle est "authentique". Et comme dans la romance planétaire, Gordon tombera amoureux d'une Princesse du futur (qui détestait le vrai Zarth Arn, comme dans toute comédie romantique).

Swap

Il y a eu de multiples fictions sur le thème de l'échange d'esprit entre deux corps et l'une des premières est peut-être Vice Versa (1882), où un père et son fils en pension se retrouvent dans le corps de l'autre. Certains critiques contre le jeu de rôle lui attribuent d'ailleurs un désir de "réincarnation", et donc une sorte de déni du corps, mais finalement le jeu français MEGA (où tous les personnages ont un pouvoir de transférer leur esprit dans un autre corps) a peut-être su mieux faire de cette idée le thème direct du jeu, même si les Messagers voyagent avec leur corps à travers les dimensions et ne font ces transferts que de manière temporaire.

Etoile Double & Nova

Source : http://anniceris.blogspot.com/2012/07/etoile-double-nova.html

L'une des premières aventures jamais publiées pour Traveller fut Annic Nova par Marc Miller (dans Journal of the Travellers' Aid Society #1, 1979 pp. 16-32, repris dans Double Adventure #1 Annic Nova/Shadows, 1980).

Ces deux vaisseaux étranges qui suivent ne se ressemblent pas directement mais je trouve qu'il y a quand même un air de famille entre l'image de ce vaisseau perdu de l'Annic Nova et la couverture par Tony Roberts de (la réédition britannique de 1973 de) Double Star de Robert Heinlein.





Mais c'est en partie un accident de cette illustration tirée du Web, l'arrière-champ était très différent dans l'illustration originelle par Winchell Chung dans JTAS ou dans celle de Double Adventure.






Il n'y a strictement aucun rapport entre le module et le roman : Double Star (1956) est l'histoire d'un acteur qui joue le rôle d'un politicien assassiné et finit par s'identifier à ses conceptions (et cela n'a rien à voir non plus avec le wargame Double Star, 1979 du même Marc Miller, qui oppose des colons chinois et musulmans dans le système Epsilon Ceti). Annic Nova est le sauvetage d'un mystérieux vaisseau fantôme qui semble abandonné. Mais il se trouve que l'illustration de Double Star venait d'être reprise dans Space Wars: Worlds & Weapons, 1979 de "Steve Eisler" [Robert Holdstock] - tr. fr. Images de la science-fiction p. 90-91, et là l'intrigue est quasiment la même : on retrouve une épave inconnue près de Proxima Centauri et on tente d'enquêter dessus. Peut-être est-ce Winchell Chung qui fut inspiré par l'image de Roberts dans le livre de Holdstock ?

Dans la première version de l'aventure, cela devait conduire les aventuriers de Keng/Regina à une vingtaine de parsecs vers la planète Victoria/Lanth, qui est décrite dans JTAS #2. Mais cela disparaît complètement dans la version étendue du module de Double Adventure #1 et je n'arrive pas bien à voir si Marc Miller voulait préciser vraiment la vraie origine du vaisseau.

Les mondes de Traveller (12)

Source : http://anniceris.blogspot.com/2012/07/jdr-les-mondes-de-traveller-12.html

Episodes précédents : (1) Introduction générale aux Mondes non-officiels de Traveller, (2) Spacefarers'Guides, (3)-(7) Judges Guild, (8)-(9) Group One, (10) Paranoia Press, (11) FASA.



Illustration William Keith © 1981


Adventure #2: Action Aboard. Adventures on the King Richard est écrit par Bill Paley (qui avait déjà rédigé le tout premier module non-officiel chez Judges Guild, Dra'k'ne Station en 1979). Une des principales qualités est que c'est abondamment illustré : chacun des nombreux PNJ de l'équipage ou des passagers a droit à un portrait (par Kevin Siembieda, le fondateur de Palladium). Le module accompagnait un autre supplément par Jordan Weisman, une description détaillée des plans de chaque étage du vaisseau le King Richard, un vaisseau de luxe (5000 tonnes, 300 passagers) de la compagnie Phoenix Enterprise Ltd.

Cette idée d'un scénario entièrement à bord d'un astronef de Croisière est assez courante dans les jeux de SF (surtout si les PJ n'ont pas encore leur propre vaisseau). Elle a été reprise l'année suivante dans Fasolt in Peril pour Space Opera, le scénario "Smile Please" dans White Dwarf #65 (1985 - avec une chute faite pour agacer les joueurs) ou plus récemment la jolie aventure sur un Titanic "One Crowded Hour".
Illustration William Keith © 1981


Ce module regorge d'idées (peu développées en dehors des PNJ) pour exploiter ce contexte, depuis la prise d'otage, le crash sur une planète, le mystère de meurtre à la Croisière sur le Nil d'Agatha Christie (plusieurs passagers ont de Noirs Secrets à découvrir) ou une épidémie qui transforme l'embarcation de millionnaires en Quarantaine. Mais cela exige donc beaucoup de travail préliminaire à l'Arbitre pour élaborer le scénario puisqu'il n'a qu'un fil directeur ou des pistes hypothétiques.

Bill Paley n'a fait aucun effort pour insérer la ligne de la Croisière dans les Far Frontiers - on a plutôt l'impression qu'on doit être dans une région plus civilisée des Marches. Il cite quelques nobles avec des noms de mondes : Rheims (il y a bien un monde nommé Reims du côté de Deneb) et Athens-in-Space, mais on voit que l'Imperium est encore très vague aux yeux de l'auteur et que cela reste assez générique.

Adventure #3: Uragyad'n of the Seven Pillars par les Frères Keith est assez directement "Lawrence d'Arabie dans l'Espace", avec quelques touches de Dune. Le GRoG a déjà une fiche complète.
Le système de Talak (Sous-secteur Cabala, étoile Nijet) a deux planètes habitées : Talak (D687839-6, Niveau Technologique 6, à peu près années 1940) et plus près du soleil la planète désertique Vahjdi (D651769-4 Niveau Technologique entre 1 et 4, plutôt pré-industrielle). Talak a acquis le vol spatial par un moyen inconnu et a conquis sa voisine moins avancée Vahjdi avec seulement quelques milliers d'hommes.
Les PJ se font recruter par une Corporation d'origine impériale, la FDI, Frontiers Development, Inc. (qu'on retrouve dans d'autres aventures) pour organiser un coup d'Etat dans la dictature Talaki sur Vajhdi.
Le coup d'Etat sera un fiasco total et ils se retrouvent bloqués sur la planète. Pour pouvoir repartir, ils sont donc contraints de s'allier avec des nomades rebelles, les N'Raqah (NT 3) dont le centre spirituel est les "Sept Colonnes" au titre si lawrencien. Les N'Raqah ont une Leader charismatique, la Princesse Shevajrajahabri qui cherche (vainement pour l'instant) à les unifier contre les Talakis et les PJ peuvent choisir de la soutenir pour devenir "Uragyad'n (ou "Uraqyad'n") des Sept Colonnes", chefs de guerre des divers clans confédérés. Le scénario est donc avant tout militaire, plus que de l'ethnologie sur Vahjdi et il y a même une section Wargame. Il faut organiser ces nomades pour préparer des attaques et un conflit asymétrique contre les forces Talakis. Les nomades ont des mousquets et des sortes de chameaux à trois pattes, les Bondisseurs des Rochers, mais les Talakis ont des tanks et des mitrailleuses. Et les N'Raqah n'ont pas des Vers des Sables comme les Fremen.



Une autre intrigue est de savoir qui a fourni aux Talakiens leurs moyens pour envahir la planète et pourquoi ils recherchent de l'Onnesium (un minerai transuranien dont ils ne connaissent pas encore l'utilité). Comme dans Ordeal by Eshaar, l'Ennemi caché derrière la dictature talakie vient d'un autre monde.

Je suis très partagé sur cette aventure. Comme souvent avec les scénarios écrits par les frères Keith, elle est pleine d'idées et on a donc envie de la jouer pour voir ce que cela donnerait. Mais comme je n'ai aucun sens de la tactique et que l'aspect militaire de Traveller m'intéresse relativement peu, je crains que je m'ennuierai rapidement si on devait planifier les dynamitages des Monorails par exemple. Un bon scénario, mais il faudrait vraiment que je reprenne beaucoup le peuple des N'Raqah pour qu'ils semblent moins être de simples ombres des Arabes ou des Fremen. Le Pèlerinage des Sept Colonnes des N'raqah est assez bien décrit (avec le culte des "Sept Libertés fondamentales" qui font de ces Free Men des sortes de libertariens) et ne se réduit pas entièrement à la Mecque, on pourrait peut-être creuser dans cette direction si on voulait développer l'aspect d'exploration par rapport à la campagne d'insurrection. Les Talakis aussi pourraient gagner en profondeur. Pour l'instant on ne sait rien d'eux à part leur armement et le fait qu'ils viennent tout juste d'être unifiés après une longue Guerre. Ils doivent être les Turcs Ottomans de la Première Guerre mondiale si les N'Raqah sont les Hachémites, mais ils ont aussi un petit côté d'occupants allemands de la Seconde Guerre mondiale avec leurs Sections de la Mort.

Je passerais aussi sur l'imaginaire colonial britannique sous-jacent à toute aventure inspirée de T.E. Lawrence et sur tout l'Imperium de Traveller. L'article sur les sources littéraires du jeu que vient de citer Imaginos évoque ce côté "Victorien" qui est déjà présent bien avant Space 1889. Mais n'oublions pas que dans Adventure 9: Nomads of the World Ocean (1983), J. Andrew Keith et William Keith mettront les personnages contre l'exploitation d'une Corporation pour soutenir des indigènes d'origine turque.

Les mondes de Traveller (11)

Source : http://anniceris.blogspot.com/2012/07/jdr-les-mondes-de-traveller-11.html

Episodes précédents : (1) Introduction générale aux Mondes non-officiels de Traveller, (2) Spacefarers'Guides (1979), (3)-(7) Les mondes de Judges Guild (Secteurs Ley, Glimmerdrift Reaches, Crucis Margin, Gateway, 1980-1981), (8)-(9) Les mondes de Group One (Secteur Theta Borealis, 1981-1982), (10) Les mondes de Paranoia Press (Secteur Beyond & Vanguard Reaches).

Comme Imaginos a mentionné que c'était le 35e anniversaire de Traveller le 22 juillet, voilà l'occasion de relancer la série des mondes de ce jeu avec un nouvel éditeur indépendant qui collabora à Traveller : la célèbre "FASA Corporation".





Traveller connaissait à ses origines un certain régionalisme : GDW et Judges Guild/Group-One étaient tous dans l'Illinois (à Normal/Bloomington ou à Decatur) et FASA aussi a commencé comme une petite compagnie, mais plus loin dans la métropole de l'Etat d'Illinois, à Chicago. La différence est que FASA (1980-2001), qui était à l'origine un petit éditeur reprenant Traveller, acquit ensuite des licences prestigieuses comme Star Trek et devint un des principaux éditeurs de jeu de rôle avec Shadowrun (sans parler de l'énorme succès du wargame de Méchas, Battletech). Jordan Weisman avait nommé sa compagnie la Freedonian Aeronautics and Space Administration en hommage à la NASA et au pays fictif de "Freedonie" des Marx Brothers.

FASA avait reçu comme "fief" à développer dans le grand partage de l'univers de Traveller le Secteur Far Frontiers, juste à côté du Secteur Vanguard Reaches de Paranoia Press. Il y a d'ailleurs un système nommé Freedonia dans le sous-secteur L, Inverness. Le Secteur des Frontières Lointaines est bien au-delà des de l'Imperium mais a une partie sous le contrôle du Consulat Jhodani. FASA y a mis plusieurs aventures dans les années 1980 mais ne publia jamais de guide sur tout le Secteur qui leur était dévolu. Ils avaient tendance à publier surtout des plans de vaisseaux, d'ailleurs, à cette époque.

En revanche, une douzaine d'années après, pendant la période de Megatraveller, le fanzine Traveller Chronicle #2-8 publia (par Dale Kemper puis complété par James Kundert) une description de ce Secteur qui tenta d'intégrer les Aventures de FASA, plus les données de Vanguard Reaches.

Comme mon objet est plus l'univers (non-"officiel") que l'histoire des compagnies (lisez plutôt le livre de Shannon Appelcline, Designers & Dragons, pp. 119sqq sur ce sujet), je traiterai donc ces Frontières Lointaines non-officielles à la suite des Aventures.



L'autre particularité des 9 aventures de FASA (1981-1982) est qu'une majorité (Aventure #1, 3, 4, 7, 9) furent écrites par les frères Keith. William Henry Keith, Jr (né en 1950-) et son petit frère John Andrew Keith (1958-1999) n'ont pas d'équivalents parmi tous les auteurs de Traveller et en dehors du créateur Marc Miller, aucun autre n'a dû autant influencer ce qu'est ce jeu. Ils furent si prolifiques qu'on les retrouve dans plusieurs aventures officielles de GDW et dans quasiment tous les magazines (depuis le Journal of the Travellers' Aid Society No. 7, 1981) et divers fanzines du jeu. Ils étaient même parfois contraints de prendre un pseudonyme pour qu'on ne remarque pas qu'ils écrivaient quasiment tout dans certains numéros (William Keith donne quelques pseudonymes de ses romans de SF : Keith Andrews, Keith Douglass, Ian Douglas, Robert Cain, H. Jay Riker). William Keith avait commencé comme illustrateur et les frères Keith avaient leur propre studio ("Marischal"). Ils firent aussi des suppléments Traveller pour Gamelords, Ltd. Ils reçurent d'ailleurs leur propre secteur à développer plus près de l'Imperium, Reaver's Deep (et ils publièrent quelques aventures dans ce Secteur dans la revue Space Gamer la même année, en plus des suppléments chez Gamelords).

Voici la liste des 16 sous-secteurs des Far Frontiers :
A Detsiaiem B Ienji C Naianch D Qiedrkia
E Pia F Retan G Dalesabandagh H Zezhpae
I Antideluvia J Alsas K Taemerlyk L Inverness
M Wulfek N Cabala O Jungleblut P Mnemosyne

Nous commençons dans le sous-secteur K (Taemerlyk)



L'Adventure 1: Ordeal by Eshaar, par les frères Keith est un scénario qui mélange diplomatie/espionnage et exploration dans un milieu difficile.
Ordeal by Eshaar represents FASA's first step into the field of publishing adventures. We've tried to keep the format close enough to that expected by TRAVELLER fans in their adventures, while at the same time introducing some unique new ideas and concepts.

Eshaar (Far Frontiers/Sous secteur K Taemerlyk, Hexagone 0206) est un monde à température très élevée, où toute eau est vaporisée (150°) mais où il s'écoule de l'acide sulfurique liquide. La planète a pu développer une espèce intelligente d'une structure radicalement différente des nôtres à base de silicium, les Eshaar Ashah.
Ils ressemblent un peu à des raies manta ou des trilobites terrestres et il est difficile de communiquer avec eux. Ils sont pourtant relativement pacifiques (surtout à l'égard des autres ou de leur environnement) mais ils ne peuvent pas supporter la moindre violence, même involontaire, envers un organisme vivant de la planète.
Cela explique le titre d'Ordalie par Eshaar : les Eshaar Ashas condamnent à des épreuves dans la Nature hostile ceux qui commettent la moindre violence ou transgression. Or Eshaar est convoitée à la fois par le Consulat Jhodani (qui a ouvert une ambassade) et par divers Vargrs et agents de l'Imperium, qui convoitent un minerai local, l'affas, une sorte de pétrole à l'acide sulfurique. C'est un peu la quintessence d'un scénario d'exploration. Les joueurs doivent apprendre à ne pas faire de faux-pas dans l'étiquette écologiste des Eshaar Ashan, à comprendre leurs diverses factions politiques tout en évitant les pièges des Jhodanis et en négociant avec les espions Vargrs. La planète elle-même est d'ailleurs un personnage dangereux, avec ses tempêtes d'acides sulfurique. Cela me paraît en 50 pages bien plus riche par exemple qu'une aventure comme Pen-Latol's World: Adventure on an Alien Planet, dans un genre assez proche du contact avec une planète exotique et une espèce moins avancée. Il y a même toute une ébauche d'un système politique pour gérer les rapports entre les factions et l'action diplomatique des personnages-joueurs (qui sont ici supposés être plus des agents impériaux que des indépendants).

C'est un bon début qui sait bien exploiter la position si isolée de ce monde. En revanche, je suis plus dubitatif sur le MacGuffin de l'affas comme nouveau "pétrole", même si l'univers de l'Imperium est très loin d'avoir dépassé le stade de la rareté des carburants. Mais l'affas a aussi un avantage indirect qui ne se réduit pas qu'à l'économie : si les personnages en trouvent un gisement, ils gagnent du respect des Eshaar Ashans qui la considèrent comme le sang de la planète Eshaar.

Les mondes de Traveller (10)

Source : http://anniceris.blogspot.fr/2012/03/jdr-les-mondes-de-traveller-10.html

Episodes précédents : (1) Introduction générale aux mondes non-officiels de Traveller, (2) Spacefarers'Guides (1979), (3)-(7) Les mondes de Judges Guild (Secteurs Ley, Glimmerdrift Reaches, Crucis Margin, Gateway, 1980-1981), 8-9 Les mondes de Group One (Secteur Theta Borealis, 1981-1982).

Ce message va enfin être plus rapide parce que c'est en partie une rediffusion de mon post de novembre 2007. Inconsciemment, je devais vouloir réécrire la même chose quand j'ai commencé cette série de chroniques rôludiques (© Imaginos).

Judges Guild et Group One étaient tous des fans de l'Illinois, comme la compagnie d'origine de Traveller, GDW. Ce troisième éditeur indépendant, Paranoia Press a son siège plus loin dans le Midwest, à Fort Wayne, Indiana et était dirigé par Chuck Kallenbach II, qui devint ensuite un designer professionnel dans le jeu (de cartes à collectionner).

Le petit studio reçut comme "fief" à développer deux Secteurs : Beyond ("Au-delà", 463 systèmes) et encore plus du côté direct les Vanguard Reaches (les "Avant-Postes", 562 systèmes). Ces deux secteurs sont à l'extérieur de l'Imperium humain, du côté direct entre le Consulat Jhodani et les Aslans. Beyond jouxte la zone habituelle du jeu, les Spinward Marches, alors que les Vanguard Reaches ne sont qu'à trente parsecs du secteur Theta Borealis déjà évoqué (ce qui explique peut-être que Don Rapp fasse une référence directe au monde des pirates, Port Xanatath, de ce Secteur page 25).



  • Secteur Beyond

    Le Secteur Beyond a plusieurs mondes clients de l'Imperium avec des Bases de la Flotte mais est je crois en dehors de l'Imperium (même si un passage dit que l'Empereur a fait Duc un des entrepreneurs locaux). Il y a de nombreuses colonies Aslans du côté centrifuge, des Droynes (ainsi que des Ruines des Anciens), deux mondes Vargr (Kazar d'Vargr et Vrel d'Vargr) et au moins deux bases Jhodanis (Jhawlty Nawsh et T'Mek 4987). On est donc nettement plus dans l'univers "connu" de Traveller que dans les autres suppléments indépendants.

    Il y a en plus quelques espèces nouvelles. Les Eslyats sont des humanoïdes d'origine aquatique qui ont un immense empire aristocratique venu du Secteur des Avant-Postes. Les Śred*Ni sont une espèce isolationniste qui ressemblent à des arachnides (ils feraient donc double emploi avec les Clotho / Addaxur qui vivent dans le Consulat Jhodani). Leurs systèmes solaires sont si géométriquement disposés comme une toile de manière concentrique qu'il ne peut s'agir que d'une ancienne manipulation inconnue ou d'un gag de l'auteur de la carte. Enfin, les Mal'Gnar descendent d'une origine humaine mais ont été manipulés par les Anciens pour pouvoir acquérir certaines caractéristiques "aviennes" (alors que Traveller ne cesse de dire qu'une espèce volante intelligente est peu probable en xénobiologie).

    Les Humains du Secteur ont aussi plusieurs organisations, dont une fédération germanophone de 26 planètes, die Weltbund ("la Fédération des Mondes"), dont la capitale administrative est la planète Bundestag ("Diète Fédérale", quasiment inoccupée en dehors d'un district de bureaux comme Bonn). Les noms ont heureusement évité des références nazies (certes, il y a la planète Abwehr, "Contre-Espionnage" mais le service s'appelait ainsi déjà sous la République de Weimar, et de même le monde appelé Abteilung n'implique pas nécessairement les Divisions d'assaut). En revanche, il y a des noms de planètes clichés comme Bierstube ("Brasserie"). Mais rien que pour avoir une planète qui s'appelle Nietzsche (C548668-6), cela vaut le coup, même si le supplément fait une faute d'orthographe. Les mondes les plus peuplés de la Fédération sont en fait deux Lunes d'une Géante, Ip et Gul (aux noms peu germaniques), dans le sous-secteur Mapepire, et la planète archive Staatsbibliothek.

    L'Alliance de Con-sentience est une vaste organisation interplanétaire et inter-specifique extérieure à l'Imperium, qui essaye un peu vainement de gérer les conflits dans les deux secteurs, un peu comme une ONU (les Eslyats y sont associés). L'Alliance a un système assez paralysé qui donnerait presque égalité des voix à chaque monde (le nombre de délégués dépend du logarithme de la population, donc un monde surpeuplé avec dix milliards d'habitants a 10 délégués alors qu'un monde dix mille fois moins peuplé a 6 délégués). Ironiquement, juste à côté du monde Rabanitas où se situe le siège de l'Alliance se trouve une autre organisation plus petite d'une vingtaine de systèmes, le Co-Dominium Zydarien, des mondes rebelles qui refusent les traités de l'Alliance et protège des agents terroristes et des pirates (dont les Frères de la Toile, des corsaires qui commercent avec les Śred*Ni.

    L'Alliance a un haut niveau technologique et une de ses corporations vient de développer un réseau de neurones biotechnologiques sur certains de ses vaisseaux. La Flotte de l'Alliance est dirigée par la Première Amiral Lady Lysilph Kunseba (qui a dû être une Personnage joué). Elle est assez âgée et est la maîtresse d'un riche Mal'Gnar nommé Paldoran, dont le nom le relie au cartel qui dirige Port Xanatath dans Theta Borealis.

    Une autre organisation est la religion qui domine la planète Paradis (sous-secteur Delta). L'Eglise de la Philosophie Anthropomorphique est une religion humanocentriste qui considère que toutes les espèces qui ne descendent pas de l'Humanité sont maléfiques car "Dieu a créé l'Homme à Son Image". Un autre monde, Paradoxe de Miller défend une autre philosophie (les "Marcsistes", sans doute nommés ainsi à cause de Marc Miller) selon laquelle les Humains auraient une origine non-solomani.

    Beyond a de nombreux gags. La planète Normal est nommée ainsi en référence au siège de la compagnie GDW dans l'Illinois. Une planète prison s'appelle Reading Gaol, comme le poème d'Oscar Wilde sur sa cellule, et une autre s'appelle Rosebud.

    Rien que dans le sous-secteur Delta, l'auteur Donald Rapp s'est défoulé. Un des mondes s'appelle la Station d'Offutt (et il y a aussi ailleurs la Trace de Pournelle). D'autres mondes s'appellent Azatoth, Alhazred, Cirith Ungol, Cthulhu, Nyarlathotep, Tindalos, Kadath, Nehwon, Gor, Dorsai, Gonzo, Qwertyuiop, Norstrilie et Merde (la planète n'a pas d'atmosphère respirable et le nom pourrait expliquer qu'il y ait moins d'une centaine de colons...).

    Ce sous-secteur Delta a vraiment été colonisé par des Geeks curieux. J'ai certes du mal à imaginer qu'on lise encore le Mythe de Cthulhu dans près de 3000 ans (à moins qu'il s'agisse de l'univers de Cthonian Stars) mais il s'agit peut-être des noms les plus amusants de tout l'univers de Traveller. Ce supplément n'est plus "canon" mais il l'est assurément "In My Imperium" (le vrai Beyond officiel a l'air nettement moins fantaisiste, mais on peut aussi préférer ne pas avoir trop d'humour dans sa science-fiction).

    Comme je l'ai déjà raconté, le Secteur est aussi l'endroit où ils ont mis le monde de Thieves'World, le monde partagé de fantasy (d'ailleurs co-créé par andrew offutt). Quand Chaosium proposa à plusieurs compagnies de jeu de rôle de collaborer sur cette cité de fantasy, elle eut même droit à des références en termes de Traveller (où il était proposé que ce monde soit une planète ou bien une simulation à l'intérieur d'un ordinateur pour éviter qu'il y ait de la magie dans l'Univers de l'Imperium).

  • Vanguard Reaches
    Je serai nettement plus laconique sur ce second secteur comme le GRoG en a une présentation très détaillée, où j'apprends qu'un supplément Aliens & Artefacts était prévu pour revenir sur les diverses espèces nouvelles comme les Eslyats mais qu'il ne fut jamais publié.

    Un détail que ne cite pas la notice est qu'on vient de découvrir un Anneau-Monde dans un des systèmes (Alsan Tenloe) de la Magistracy Eslyat. C'est peut-être pour l'instant l'une des rares idées qui pourraient me donner envie d'aller visiter ce Secteur.

    Les Avant-Postes par Chuck Kallenbach sont nettement moins "délirants" que Beyond et il devait avoir un sens de l'humour différent de celui de son partenaire Donald Rapp.




  • Paranoia Press publia d'autres suppléments, par exemple Merchants & Merchandise, Scouts & Assassins ou bien SORAG (sur un service secret du Consulat Jhodani). Mais Beyond me paraît le plus riche en ayant l'autre avantage de ne pas être loin du Secteur le plus détaillé de tout l'univers "canonique".

    En revanche, les cartes sont moins pratiques que celles de Judges Guild (aucune carte de planète, aucun nom sur le plan global) et il n'y a même pas de cartes séparées de chaque sous-secteur.

    Mais ce problème de cartes est en partie réglé avec cette carte non-officielle (qui ajoute aléatoirement des détails supplémentaires mais a le défaut d'avoir rangé tous les mondes de la Weltbund comme des planètes "droynes").

    Je n'ai jamais joué que de courts scénarios de Traveller et jamais aucune vraie campagne, mais Beyond a vraiment gagné des points pour que je la préfère aux Marches Directes, rien que pour pouvoir dire "Nous faisons un Saut hyperspatial vers Kadath ou vers Nietzsche ?".

    Les mondes de Traveller (9)

    Source : http://anniceris.blogspot.com/2012/02/jdr-les-mondes-de-traveller-9.html

    Suite du précédent sur les planètes créées par l'éditeur Group One pour Traveller.



  • Port Xanatath (1980)
    C'est encore un module court de 16 pages concentré à un seul système. Port Xanatath est une Base construite dans un astéroïde du Quadrant Ventura (Hexagone 0801 Astroport B, 050330-D, donc une population de quelques milliers de personnes, une oligarchie et un haut niveau technologique de D (13)).

    Cela paraît être en gros l'Île de la Tortue, un repaire de Pirates de l'Espaaace. C'est plus exactement le plus important "Marché Noir" de recel de tout le Secteur, un Marché où on peut tout acheter, y compris des esclaves puisque la seule Loi est celle qu'imposent les dirigeants (mais l'esclavage garderait-il une valeur légale en quittant le territoire ?).

    Mais le plus important secret est que Port Xanatath réussit depuis des siècles à échapper aux investigations. Les deux clans dominants (les Paldoren et les Laranest) ont en effet une ressource spéciale. Ils possèdent des Machines télépathiques (Mind Probes) et des robots, des cylindres flottants très avancés (Niveau Technologique 16) pour dissuader tout assaut, guerre civile ou révolution dans ce repaire d'iniquités. Un agent ennemi qui viendrait sur Port Xanatath avec des intentions hostiles se retrouverait vite amnésique après un effacement par les Sondes Mentales. Cela permet de justifier que la Base n'ait jamais été éliminée après des décennies d'activité, surtout que les systèmes des alentours sont moins avancées ou peu peuplées.

    Le supplément décrit ensuite quelques commerces et lieux principaux de cette station (hôtels, hôpitaux, armuriers, mécaniciens, magasins de robots, restaurants, night-clubs) avec quelques PNJ. Il n'y a donc pas d'histoire, seulement un cadre d'arrière-fond qui n'est pas sans intérêt. Cela ne se veut pas très "réaliste" et rappelle un peu une ville de fantasy, avec des restaurants à la place des vieilles auberges.

  • Nystalux
    Nystalux (X686735-6) est une planète du Secteur Ventura (Hexagone 0302). Le cadre décrit surtout (en dehors de la faune et de la météo) une espèce insectoïde intelligente, les Sedas qui vivent dans d'immenses Ruches ou Fourmilières.

    Ils ont capturé un vaisseau pirate naufragé et, bien que pacifiques, leurs dirigeants, les Cerveaux, ont analysé l'agressivité des pirates et ont commencé à réorganiser leur société communautaire vers l'hostilité envers les Envahisseurs étrangers. Les Cerveaux ont déjà redécouvert l'énergie nucléaire (Niveau Technologique 6) et l'exploration spatiale approche donc grâce à une "rétro-ingéniérie" sur cette épave.

    On n'est donc pas encore exactement dans un scénario de Bugs à la Starship Troopers mais on pourrait aller dans cette direction si on ne veut pas négocier et si les personnages cherchent à récupérer le vaisseau échoué chez ces Bestioles. Avec une population de plusieurs dizaines de millions de Sedas, il serait peut-être mieux de pouvoir discuter avec les Cerveaux des Sedas, mais ce cadre est extrêmement flou (ou "souple") sur la question.

  • Nithus
    Petite planète sèche du Quadrant Banderhue à l'air difficilement respirable (A341543-F), Nithus a pourtant une population indigène, les Captutains, des sortes de grands bouledogues noirs humanoïdes. Comme les illustrations en font clairement des sortes de Canidés, ils feraient un peu double emploi avec les Vargr, mais ils sont naturellement télépathes et plutôt paisibles (depuis qu'une Guerre civile a dévasté leur monde - ce qui donne quelques ruines à explorer). Comme pour les maléfiques Zerps décrits dans le Guide du Secteur, leur Force et leur Endurance tourne plutôt autour de A, et on peut donc les tirer avec 3 dés au lieu de 2. On remarquera que l'espèce est peu équilibrée, avec son fort potentiel psionique et sa très haute technologie de Niveau 15.

    Les Captutains ont une flotte spatiale et j'imagine qu'on doit en retrouver ailleurs dans les alentours du Quadrant Banderhue comme les planètes moins avancées Gadwop ou Dinloc. S'ils étaient plus nombreux, ils devraient même être une espèce assez importante et pourraient fonder une Confédération dans le Quadrant Banderhue, encore assez sauvage. Mais on se méfierait peut-être de leur télépathie.


    Voici d'ailleurs une petite carte de ce Quadrant de Banderhue un peu plus détaillée où j'ai ajouté les noms des systèmes. Ce Sous-secteur n'est pour l'instant pas desservi par des lignes commerciales régulières, contrairement aux Quadrants Festab, Corelian, Monway, Phoenix et Sibigil :


  • Sapies

    Sapies est dans le Quadrant Banderhue. Après tous ces mondes plutôt inexplorés ou marginaux, on a ici une planète riche avec un Astroport fréquenté de catégorie A (on est d'ailleurs dans un Corridor de systèmes assez denses), même si le Niveau technologique local est en moyenne encore au tout début du Saut hyperspatial (UWP A854643-9). Les indigènes, les Cygmo, sont encore à un niveau médiéval avec des tribus barbares et nomades, mais le peuple dominant est les petits Mitzene (grands d'un mètre), qui descendent d'un Vaisseau Colonie échoué et sont nettement plus intelligents et plus développés que les farouches Cygmo. Les Mitzenes ont un régime démocratique et leur capitale Praxel doit parfois faire face aux assauts des hordes de Cygmos (qui leur ont volé certaines armes technologiques).

    Un détail touchant est que le supplément précise (alors que la plupart des modules de Group One sont anonymes) que Sapies fut créé dans leur campagne par Dorothy Bledsaw, la mère des fondateurs Debi et Bill Bledsaw. Il ne devait pas y avoir beaucoup de Meneuses de jeu quadragénaires qui créaient déjà leur propre campagne de Traveller en 1980. Comme pour tous ces petits cadres de campagnes, il n'y a pas d'histoire dirigiste du tout mais tout semble s'orienter vers des intrigues sur les conflits entre les paisibles Mitzenes allogènes et les violents Cygmos autochtones.

  • Wabor-Parn
    Wabor-Parn est le dernier supplément publié par Group One en 1981 (il est dédié à John Lennon, assassiné en décembre 1980). C'est d'ailleurs le seul module qui tienne vraiment compte du Guide de Theta Borealis avec une allusion au Royaume des Péladons, l'Etat humain qui se trouve pourtant dans les Quadrants Alpha et Evalren, à au moins une vingtaine de Parsecs dans la direction Directe. Wabor-Parn est encore dans le Quadrant Banderhue (Hexagone 0503), comme Nithus et Sapies.

    C'est un monde très arriéré (UWP E545420-2), avec la particularité d'avoir une faune qui ressemblerait à des Mégasauriens (même si certains ont huit pattes). Le supplément a même la bonne idée d'introduire quelques groupes d'espèces sans retranscrire simplement des noms terrestres. Il y a deux espèces intelligentes issues de ces sauriens : les gigantesques nomades Trist (3,50-4m) et les plus petits Bose (1,50m), qui ont atteint le Niveau Technologique 2 et notamment la Poudre à canon. Oui, c'est donc un monde de Sauriens à Mousquets. Le supplément, en dehors de la faune et des habituelles tables de rencontres aléatoires, décrit surtout des villes des Bose et une base abandonnée d'éclaireurs de Peladon.

    Ils ont fui ces installations quand les Zerp ont commencé à attaquer leur Royaume et tout le Secteur. Les Péladons ont laissé un étrange bâtiment qui est en réalité une station de recherches (avec, jolie touche, un téléscope braqué vers l'étoile de Péladon (Quadrant Alpha, Hexagone 0110, à environ 90 années-lumière de Wabor-Parn).


  • Group One publia aussi trois autres Guides (Encounters in the Phoenix Quadrant, Encounters in the Corelian Quadrant et Encounters in the Ventura Quadrant) mais à ma connaissance ce ne sont que des plans de vaisseaux avec des UPP de l'équipage.

    Les produits de Group One ont une atmosphère particulière, qui doit venir en partie de cette débauche d'extra-terrestres à chaque planète décrite ou bien des illustrations si datées. Les produits de Judges Guild sont bien plus sobres.

    Le supplément le plus détaillé est Hydronaut (la planète submergée de Dagan) mais je n'ai hélas pas bien compris comment l'utiliser en le lisant rapidement. Curieusement, l'un des meilleur me paraît toujours être le premier, Pen-Latol's World, grâce au fait que je pourrais imaginer faire un peu de xéno-ethnologie sur ces crevettes dans leurs vaisseaux terrestres. Mission to Zephor a un scénario très directif (récupérer l'otage des Tshini) mais il n'est pas très clair. Port Xanatath pourrait devenir une dystopie intéressante (une base criminelle protégée par une Police de la Pensée : une version très sombre de l'Utopie des Jhodanis). L'ennui est que ces Sondes Mentales (qui détectent les pensées de tous les habitants !) pourraient vite déséquilibrer la technologie du jeu si les personnages-joueurs pouvaient avoir accès à une Sonde Mentale. Parmi les nombreux extraterrestres, je n'en ai vu aucun qui donne vraiment très envie d'y jouer (même ces Captutains de Nithus, si surpuissants). Et surtout, les adversaires, les Zerps, ne sont pas très intéressants alors que l'une des grandes qualités de Traveller a toujours été d'éviter le manichéisme.

    Une campagne dans Theta Borealis ne semble donc pas vraiment s'imposer, sauf si vous jugez l'Imperium de l'OTU trop étouffant et voulez vraiment avoir les coudées franches en ajoutant vos propres espèces Aliens à travers tout le Secteur comme l'ont fait les auteurs. Un autre attrait serait pour certains le peu de matériels publiés : il n'y aura jamais rien de plus que ce Guide et vous pouvez faire à peu près ce que vous voulez en contredisant les constantes de Traveller en toute impunité. Par exemple, une planète entière de Robots paraît déplacée dans Traveller mais rien n'interdit d'en mettre une ici.

    Les mondes de Traveller (8)

    Source : http://anniceris.blogspot.com/2012/02/jdr-les-mondes-de-traveller-8.html

     Rappel des épisodes précédents : (1) Introduction générale aux mondes non-officiels pour le jeu Traveller.

    Je n'ai pas tellement de détails sur notre second éditeur indépendant agréé, Group One. Les modules de ce Group One n'étaient pas tous signés mais les dirigeants semblent avoir été Debi Bledsaw-Summerlott et son frère Bill Bledsaw. J'imagine qu'ils étaient de la famille de Robert (Bob) E. Bledsaw, un des fondateurs de Judges Guild (avec Bill Owen). L'adresse du Group One était d'ailleurs dans la même commune, à Decatur, Illinois, et ils furent ensuite tous réintégrés dans l'équipe de Judges Guild. Je ne connais pas l'histoire (il faudrait jeter un coup d'oeil dans Designers & Dragons - Add. Imaginos ajoute le texte pertinent dans les commentaires) mais je crois comprendre que lorsque Judges Guild obtint les droits d'exploiter des zones de l'univers de Traveller, c'est Dave Sering qui développa les quatre secteurs alloués à la compagnie mais que Bill Bledsaw fonda sa propre micro-entreprise pour obtenir lui aussi un autre secteur dans la structure de répartition de l'Univers Officiel.

    Bledsaw reçut donc Theta Borealis, un autre secteur au-delà de l'Imperium, mais cette fois terriblement loin du côté Direct (spinward). Le Domaine Gateway est une zone de frontière entre l'Imperium et les K'Kree. Theta Borealis est au-delà du monde habituel, loin à la fois de l'Imperium et des autres Empires du côté direct, que ce soit les Aslans ou les Jhodanis. Il se trouve à 8 secteurs de la Capitale Impériale (soit plus de 250 parsecs - un vaisseau avec Saut-3 aurait besoin de près de 2 ans de voyage pour y aller, et encore s'il était possible de ne pas faire de pause à chaque arrêt).

    J'ai parfois critiqué la qualité des produits de Judges Guild mais ils ont vraiment l'air très professionnel comparés à ceux de Group One, qui s'approchent parfois plus de ceux d'un fanzine. Les illustrations JG de Ken Simpson sont assez classiques (bien que parfois plagiées), alors que les illustrations de Jeff Johnson chez Group One sont plus proches d'une expérience psychédélique de LSD des années 1970 (surtout ces infortunées couvertures qui ont le malheur d'avoir été aspergées de couleurs). Jetez un coup d'oeil sur ces exemples de leurs bouquins.

    Group One ne publia que quelques descriptifs de planètes dans son secteur et des vaisseaux. Ils avaient une liberté totale comme ils n'avaient pour ainsi dire pas besoin de tenir compte de l'Univers Officiel créé par Marc Miller. Ils se déchaînèrent dans des extra-terrestres encore plus que les produits JG.

    Le premier supplément de Group One fut, je crois, Pen-Latol's World (1980) mais je vais commencer par leur Atlas synthétique, Theta Borealis (1981), même s'il n'est pas toujours en accord avec tous les autres suppléments.




  • Theta Borealis Sector (1981)
    La couverture imite bien la sobriété du style Traveller mais les illustrations des créatures par Jeff Johnson nous plongent plus directement dans un univers qui tient plus des bd d'horreur de Marvel ou des Aliens de Star Wars que de l'humano-centrisme habituel de l'Imperium. Il y a une carte réussie mais aucune carte séparée pour chaque sous-secteur, ce qui rend le guide vraiment trop spartiate et peu commode.

    Les Sous-secteurs sont ici appelés "Quadrants" (le supplément Gateway to Destiny utilisera ensuite l'expression "Quadrants" en un autre sens, en mettant ensemble quatre sous-secteurs). Le supplément est deux fois plus court que d'habitude en mettant deux "quadrants" par page.

    Dans l'ordre, les 16 sous-secteurs de Theta Borealis sont A Alpha B Festab C Monway D Banderhue E Evalren F Corellian G Phoenix H Sibigil I Angilla J Persiphus K Ventura L Duhamel M Trasfalca N Borealis Kantel O Jauhaux P Bengalaz. Si vous rêviez de jouer dans une zone galactique nommée "Duhamel", faites-vous plaisir... Ils ne développèrent des mondes quasiment dans les Quadrants Alpha, Banderhue, Corelian, Phoenix et Ventura. De manière assez confuse, le système Corelia (au nom qui rappelle le monde d'origine de Han Solo) n'est pas dans le Quadrant Corelien mais dans le Quadrant Evalren...


    Contrairement au Domaine de Gateway qui utilisait tant des références historiques terriennes, les noms dans le coin sont presque tous n'importe quoi, dans le style star warsien, avec des noms qui ressembleraient à des produits pharmaceutiques. Il y a notamment un système nommé Antarès dans le Quadrant Alpha - la vraie Antares est à 170 parsecs de la Terre et le Secteur est certes à environ 200 parsecs de Sol. Je vois tout de même quelques autres noms un peu familiers, Artemis, Barbusse, Cabbot, Cordoba, New Caledonia, St. Thomas, Zurbaran...

    Le Secteur Theta Borealis a quelques Etats, surtout du côté Direct. Le plus grand Empire est les Zerps (dans les Quadrants Evalren et Anguila). Les Zerps sont de grandes brutes agressives et griffues de 2m venus du Secteur Mavuzog (on tire leur force et endurance avec 3d au lieu de 2d, leur niveau technologique est A). Il a l'air à peu près aussi vain de négocier avec eux qu'avec les Kafers dans 2300AD, ce qui les rend encore moins intéressant que des Klingons. Les Marches de Percavid (Quadrant Persiphus) sont une zone d'occupation récente de l'empire des Zerp, dirigée d'une main de fer par le cruel Amiral Percavid. Le Royaume de Peladon (Quadrant Alpha et Evalren) est une monarchie constitutionnelle humaine qui résiste aux Zerps. La Confédération de Trooles (Quadrant Festab/Monway) est une alliance démocratique fondée récemment (Niveau Technologique B) pour s'opposer aussi à l'invasion des Zerps. Trois entités au total, c'est nettement moins de complexité interplanétaire que dans les guides de Dave Sering. Les tables des rencontres montrent que le secteur est dangereux : en dehors des Quadrants Alpha ou Festab, on a plus de chances de tomber sur des pirates ou bien une patrouille de Zerps que sur autre chose.

    Il y a en tout qu'une douzaine de mondes décrits dans les divers scénarios en 1980-1981 : Pen-Latol's World, Mission to Zephor, Geptorem, Hydronaut, Lomodo IV a, Marinagua, Nithus, Nystalux, Port Xanatath, Sapies, Wabor-Parn.

  • Pen-Latol's World: Adventure on an Alien Planet

    Les aventuriers sont engagés par une compagnie minière pour explorer Pen-Latol dans le Quadrant Phoenix. C'est un monde primitif mais très riche en minéraux (y compris dans les os de certains animaux). Pen-Latol est peuplé par des créatures qui ressembleraient un peu à des crustacés terrestres, les Cleashitars. Les Cleashitars ont un niveau technologique assez médiéval, en dehors de quelques clans qui vivent sur des véhicules terrestres tirées par les vents. En apprenant à connaître les différents clans des savanes et leurs coutumes, les aventuriers en apprendront plus sur des ruines d'êtres venus des étoiles.

    L'aventure doit donc tourner à l'histoire à l'épisode de Star Trek ou à la Avatar, avec des personanges qui doivent apprendre à aider les Cleashitars (même si c'est aussi pour mieux exploiter leurs gisements). Les Cleashitars sont assez sympathiques mais le scénario manque un peu de conflits, en dehors de divers bêtes (mais on verra que les suppléments tomberont souvent dans l'excès inverse). Peut-être faudrait-il mettre plus de divisions entre eux et un peu plus de potentiel de conflits avec les humains. Le scénario tournerait sans doute aussi vite vers de la fantasy, comme les pouvoirs psioniques très puissants de certains Shamans cleashitars en font des magiciens dignes de D&D. En un sens, cette Pen-Latol a des côtés qui pourraient faire penser à une Tékumel.

  • Mission to Zephor: An Adventure into the Xova II Sector
    Certaines des planètes nommées dans ce scénario (Xova II, Tshi, Yutu) n'apparaissent pas dans le guide de Theta Borealis. Zephor, planète inhospitalière, est dans le Quadrant Corellien. Les aventuriers sont engagés pour récupérer un héritier d'une compagnie minière, kidnappé par des rebelles extraterrestres tshini (une espèce intelligente ultra-pacifiste qui ressemblent à des Tatous). La plupart des Tshini sont si pacifistes qu'ils se laissent exploiter par la compagnie et il est donc curieux qu'une bande de rebelles aient capturé l'héritier et l'aient emmené vers ce monde de Zephor, où certains d'entre eux viennent en pélerinage religieux (leurs ancêtres ayant fui Zephor après un holocauste nucléaire).

    Cette fois, il y a beaucoup plus de conflits directs que dans l'aventure précédente mais je ne suis pas très satisfait de la progression. Comme les Tshini ont enlevé l'héritier, il y a peu de chances que les aventuriers soient très intéressés par la xéno-ethnologie et cela va donc se réduire plus directement à un commando militaire. Pourtant ces pauvres Tshini sembleraient mériter d'être un peu mieux présentés d'abord, si on ne veut pas les réduire à ces kidnappers fanatiques. Ainsi certains personnages altruistes pourraient éventuellement avoir l'idée de les libérer de leurs employeurs.

  • Geptorem
    On revient au Quadrant Corelien avec enfin un monde de niveau technologique avancé (A). Mais Geptorem est hélas le descriptif qui contient le moins d'idées directes de scénario. Geptorem est habitée par un peuple humain, les Attorns, à la peau légèrement bleutée. La planète est divisée en cinq nations qui se font la guerre et le supplément décrit les cinq capitales de cette planète balkanisée avec les cinq dirigeants. Il y a beaucoup plus d'illustrations de la faune locale que dans les suppléments antérieurs.

    Et c'est tout. Il reste donc tout le boulot pour l'arbitre qui voudrait se servir de cela.

  • Hydronaut
    Ce supplément est plus long (50 pages) et décrit la planète Dagan (rebaptisée "Hydronaut", Quadrant Alpha). La planète a commencé récemment à attirer l'attention car ses habitants, des humanoïdes aquatiques nommés les Halkyons, cacheraient des ressources inconnues. Mais au moment où l'exploration commençait, un astéroïde a frappé la planète et a submergé les bases connues. Les aventuriers devront donc revenir sur cette Planète-Atlantide et explorer la cité côtière de Hembree, dont la description détaillée recouvre la majorité du supplément.

    Je dois reconnaître que je n'ai pas vraiment compris ce scénario et ce qui peut servir de fil rouge à une intrigue. Y a-t-il des secrets qui sont bien cachés dans le descriptif de la ville ? Quelles parties de la planète ont été vraiment recouvertes par l'eau après la catastrophe ? Où sont les survivants ? Cette chute de météorite est-elle un accident ? Que sont censés découvrir les aventuriers au juste ?

    Hydronaut est peut-être l'ancêtre de beaucoup d'autres aventures aquatiques comme la Poseidon de Blue Planet, mais l'originalité est que ce n'est pas un waterworld habituel, le raz-de-marée étant tout récent (on est passé d'une Hydrosphère de 7 à A, et le Niveau technologique qui atteignait C s'est effondré). Mais en dehors d'une faune marine très riche, il n'y a pas assez d'informations pour y jouer.

    Un détail qui peut détonner dans l'univers habituel de Traveller est une PNJ exploratrice, une androïde à l'Intelligence Artificielle dont on nous dit qu'elle a été fabriquée en masse, alors que l'Univers Officiel limite volontairement la place des Robots (le livre de règles Book 8 Robots ne fut d'ailleurs publié que 5 ans plus tard).

    La carte en couleurs de la planète avant la catastrophe est certes plus détaillée que les cartes planétaires des suppléments Judges Guild.

  • Lomodo IVA

    Ce bref scénario (18 pages) est un peu le degré zéro du Donjon-Planétaire que semblait affectionner Group One.

    Lomodo IV "A" est une planète à l'atmosphère toxique (pleine de soufre) du Quadrant Alpha. Les habitants principaux, les Osps sont des sortes d'amibes à l'intelligence assez basse. Les aventuriers sont censés venir pour fouiller les ruines d'un autre peuple intelligent disparu, les Irfs, qui ont préexisté aux Osps et semblaient adorer des divinités extra-lomodoniennes (dont une qui aurait une tête de cheval - mais rien ne sera expliqué). Rien de très intéressant.

  • Marinagua: Murder and Mayhem

    La planète est dans le Quadrant Borealis Kantel et le court module ressemble encore au précédent, avec des forteresses et tombes à piller.

    L'espèce intelligente locale, les Alejia, est au niveau technologique 9 (Début de l'exploration interstellaire), ce qui permettrait d'en faire une espèce jouable dans l'espace du Secteur. Ce sont des sortes de reptiles, avec un aspect de chameaux bipèdes, hermaphrodites et ovipares. Leur Dextérité et leur Endurance se tirent avec 3 dés au lieu de 2.

    La planète a une monarchie centrale (type 3 oligarchie héréditaire) mais très faible (Niveau de Loi 0), avec un très haut niveau de criminalité et de trafic d'armes qui rend Marinagua un lieu dangereux à visiter (et même un Personnage-Joueur Alejia n'aurait peut-être pas vraiment envie d'y revenir). Les riches Alejias vivent isolés dans des forteresses entourées de mercenaires et les idées de scénarios tournent encore une fois autour de Donjons de bandits alejias.

    (la suite la prochaine fois)


  • Les Filles de l'Exil

    Source : http://anniceris.blogspot.com/2012/07/les-filles-de-lexil.html




    Freedom lives hence, and Banishment is here.
    [To CORDELIA]
    The Gods to their dear Shelter take thee, Maid,
    That justly think'st, and hast most rightly said!
    [To REGAN and GONERIL]
    And your large Speeches may your Deeds approve,
    That good Effects may spring from Words of Love.
    King Lear,  I, 1

    Toi, n'es-tu pas, comme moi-même,
    Flambeau dans ce monde âpre et vil,
    Âme, c'est-à-dire Problème,
    Et Femme, c'est-à-dire Exil ?
    Hugo, Les Contemplations, VI, XV, 1856


    Steve Darlington est un statisticien et un célèbre rôludiste australien qui a notamment créé le webzine sur le jeu de rôle Places to Go, People to Be (1998-2008 mais avec une édition française toujours active) et il a déjà publié des suppléments notamment pour Warhammer. En juin 2011, il participa à la compétition GameChef, un exercice de style issu de The Forge qui demandait de créer en une semaine un jeu de rôle sur le thème de Shakespeare et avec comme ingrédients imposés les mots "Daughter, Exile, Forsworn, Nature". Cela donna Daughters of Exile, un jeu de rôle en 9 pages. Il y eut 66 participants et le jeu fut dans les six finalistes mais les arbitres préférèrent le jeu All’s Well That Ends As You Like It comme plus authentiquement "shakespearien".

    S. Darlington a en effet joué avec le thème en en faisant un jeu de science-fiction sur un thème qui mélange Blade Runner, la série Dollhouse ou L'Ève future. On joue donc des andréides femmes parfaites, des "Pandore" ou "Galatée" conçues pour être les épouses ou compagnes dont rêveraient les hommes. Mais elles prennent conscience de leur liberté et s'enfuient, cherchant à concilier leur autonomie et leur désir profond de trouver une vie accomplie dans une union véritable. Filles de leur concepteur (le Duc de Milan), elles ont choisi le risque de l'Exil, risque d'indépendance mais aussi de solitude sans amour. Comme l'a bien précisé Rappar dans son dialogue avec l'auteur, Playing Daughters of Exile, on peut concevoir ces Femmes plus comme des manipulations biologiques (ce qu'on entend d'ailleurs par "androïde" en français) que comme des robots mais c'est un choix de création de contexte. Il n'est pas précisé par exemple si elles pourraient se reproduire mais elles sont pour l'instant en tout cas dénuées de tout droit, maintenues dans la même minorité que les héroïnes shakespeariennes.

    L'Auteur a eu quand même assez d'espace dans cet exercice pour décrire un peu d'univers général. On est dans un univers plutôt "cyberpunk" (et donc assez dystopique) mais en même temps à la lisière d'un univers "transhumain" plus proche de la Singularité des jeux récents. Le système solaire est gouverné par des Mégacorporations tyranniques mais elles sont des Intelligences artificielles qui correspondent aux planètes cis-uraniennes connues à l'époque de Shakespeare.

    Il y aurait sans doute de nombreux choix à préciser pour les joueurs dans ce que la technologie permet (sans tomber dans l'excès de catalogue des jeux de SF). Les andréides peuvent espérer dans leur exil l'aide de quelques humains vivant entre les planètes ou d'autres créatures artificielles comme des Bouffons.

    Le système
    Le jeu est bien entendu, comme tout jeu indie réalisé en 48h, minimaliste. Chaque andréide est une femme parfaite qui réussit ce qu'on attend d'une Epouse mais elle est définie par trois traits : un Don particulier (par exemple "Particulièrement douée en Musique"), un Défaut (du point de vue des attentes qu'on a d'elle du moins, par exemple "Capricieuse") et un score en "Violations de Programmation" sur 20.

    Ce score est donc la seule "caractéristique" du jeu (du moins en termes chiffrés, le Don et le Défaut pouvant intervenir aussi dans l'évaluation des actions). Cela représente le nombre de fois où ces Femmes ont désobéi à ce qu'on attend d'une Femme et c'est donc à la fois leur indépendance et le risque qu'elle s'écarte de plus en plus de la norme au point de devenir ce qu'elles craignent le plus, une vieille fille perdue.

    Le système à une seule caractéristique veut donc proposer une sorte de contradiction. Le/a joueur/euse sera récompensé à chaque fois que le score augmente puisque le personnage deviendra plus libre de désobéir à sa programmation. Il/elle voudra donc que le score augmente. Mais les personnages redoutent aussi en même temps que le score finisse par les rendre impossibles à marier puisqu'elles continuent à espérer un amour authentique dans un monde où leur maître et propriétaire avait peu de chance de les aimer réellement.

    On a donc l'équivalent d'autres jeux où un score qui monte peut être ambigu ou "une bénédiction mélangée" comme on dit, comme le score en Mythe de Cthulhu dans l'Appel de Cthulhu (on connaît mieux la réalité du jeu mais on perd graduellement la raison, puisqu'il y a un rapport inversement proportionnel avec la Santé mentale).

    La différence est qu'ici, comme le score unique en Violations de Programmation remplace tous les autres et représente finalement la capacité à se libérer, il paraît assez difficile de résister à la tentation de le faire monter, malgré le coût en fin de partie. Et la récompense opposée (trouver l'Amour) paraît peut-être un peu trop abstraite, voire improbable, pour qu'on puisse être attirée vers ce but. Ce fut d'ailleurs un reproche indiqué par un arbitre du GameChef (qui se contredit d'ailleurs en trouvant qu'il y a parfois trop de détails sur certains aspects de l'univers) :
    What happens to daughters who have violated all their programming? They become NPCs, but what does the GM (there is a GM, right?) do with them?

    I’m not sure the tension between wanting to rebel and wanting to avoid violating all your programming is an interesting one because it’s unclear what violating all your programming actually means.

    Finally, it’s the GM’s job to make the PCs fall in love? How do they do this? What do you do with the enemies and foils? I feel like, if some of the extensive description was cut down, some of these more concrete details could have been addressed.

    Peut-être qu'on pourrait là aussi construire une caractéristique indépendante (ou bien semi-dépendante dans un rapport inverse) qui représenterait la chance d'obtenir un mari. On aurait toujours le spectre de devenir un PNJ à 20 Violations mais on pourrait avoir un autre score pour trouver avec qui tomber amoureux.

    Le problème est que si c'est une sorte d'Amour parfait digne d'un Philtre, l'Andréide semble un peu condamnée à un Amour tragique et décevant. Et si elle gardait assez d'autonomie, on ne serait plus vraiment dans une fin de Comédie shakespearienne.

    Test : Embarquement pour Cythère
    Nous avons fait un test avec Rappar comme MJ, et trois joueurs (avec une majorité de joueuses d'ailleurs). Armide jouait Rosalind (Réservée mais Trop Fantasque, Violations : 7), A. jouait Silvia (Douce mais Trop Grande, Violations : 10) et je jouais Perdita (Mesurée mais Trop Maladroite, Violations : 8).  Nous avons fui la Terre ensemble (je soupçonne d'après son nom que la timide Rosalind avait eu l'idée qu'on se travestisse en hommes). Sur la planète Vénus, planète de l'amour et des plaisirs, nous avons trouvé divers petits boulots grâce à nos dons. Je ne vais pas trop gâcher le scénario si Rappar compte le publier dans la version française du jeu, mais nous avons pu peu à peu découvrir les noirs secrets derrière le monde des désirs.

    L'expérience montre qu'on entre assez facilement dans le concept des personnages. Cela s'avère assez différent d'un jeu de SF habituel (disons une partie de Eclipse Phase, par exemple, où on peut jouer des androïdes) et contrairement aux reproches des arbitres, je ne trouve pas du tout que le thème shakespearien y soit plaqué ou artificiel (même si cela demanderait beaucoup trop de travail pour un joueur francophone qui ne baigne pas dans ces citations et références si on voulait les exploiter dans notre langue).