jeudi 27 décembre 2018

Omale I (Omale + Les conquérants d'Omale) - Laurent Genefort - Notes de lecture


Morceaux choisis :

Omale

p.64 Racisme
Les Hodgqins ne sont pas racistes. Vous ne l'avez jamais remarqué ? Pas plus que les Humains, je veux dire au départ. Croire que la haine raciale est une donnée inscrite dans les gènes, à cause de son caractère immémorial, violent et spontané, est une profonde erreur. Non, le racisme est culturel à cent pour cent. D'ailleurs, les enfants des Bordures élevés ensemble ne font jamais preuve de discrimination par la suite, sauf si elle est imposée.

p.105 Deux sources ardentes de la littérature
La littérature doit s'abreuver à deux sources ardentes : la terreur inspirée par la mort, et le sexe. Voilà l'énergie qui la sous-tend, comme les mailles d'un filet invisible. Les fictions hodgqines sont des astres froids, métalliques. Les romans chiles, eux ...

p.304-305 La religion s'appuie sur un trio de preuves
La religion s'appuie sur un trio de preuves: les prophéties, les saints et les miracles. Les prophéties passées, c'est-à-dire celles qui ont été répandues par les représentants de l’Église escopalienne, n'ont pas d'autre force que les autres faits historiques, dont les trois quarts sont très douteux, si tant est que ce sont les vainqueurs qui de toute éternité ont écrit l'Histoire. En conséquence, on ne peut prétendre connaître objectivement le passé d'une religion qu'après avoir étudié les chroniques rédigées par les tenants de cultes ou d'idéologies différents. A l'égard des saints, il ne faut que de l'enthousiasme et de la résistance pour en faire; les religions en ont à revendre. Quant aux miracles, tous les trompeurs en ont produit, moi le premier et davantage que tous les saints réunis.

p.310 Plumes enduites d'un suc digestif
De grands oiseaux plats comme des crêpes, de vingt-quatre lisks - près de huit mètres- d'envergure, planaient sans discontinuer dans les hauteurs où proliféraient des nuées de moucherons. Leurs plumes, disaient les villageois, étaient enduites d'un suc qui engluait les insectes et les digérait à la fois.

p.316 Croyances des moines de Ramo (par Kasul)
Selon ces derniers, Omale n'était pas plat mais incurvé. Ni les Hommes ni les autres rehs n'avaient été créés à sa surface : tous venaient du Passage Céleste, une porte donnant sur un univers mystérieux, source de toutes les réponses. Dieu était un Grand Architecte comparable aux Constructeurs chiles. L'arrivée de l'humanité sur Omale correspondait à une volonté: que les hommes cultivent la terre mise à leur disposition, qu'ils la remplissent ainsi que le leur commandait la Bible escapolienne et qu'ils règnent sur les animaux et les plantes. L'existence de rehs concurrentes constituait une épreuve divine, qu'il fallait supporter mais non combattre.

p.336-341 Les Shadlees obtiennent l'immortalité grâce à l'anticréine -la drogue de vie éternelle- mais perdent leurs caractères sexuels.

p.376 La science se fonde sur le doute; par conséquent, elle s'oppose radicalement à la religion.

p.378 Démonstration de la concavité d'Omale
- Il existe une façon beaucoup plus simple de le démontrer. Voici ces deux pichets. Ils figurent deux individus, se tenant debout. La table, naturellement, c'est Omale. L'ampoule remplit le rôle d'Héliale. Une représentation si simple qu'un enfant pourrait comprendre. Maintenant, qu'observest-u ?
- Hanlorfaïr se focalisa sur le premier récipient, puis sur l'autre. "Une ombre projetée, dans le sens opposé à la source de rayonnement."
Goheickamiroïn joingnit ses appendices, palpe à palpe, en signe de satisfaction. "Rares sont ceux qui le remarquent du premier coup. Parfait. Si Omale était plat, qu'observerait-on ?
- Une ombre, portée par tous ceux qui ne se trouvent pas juste en dessous du soleil. Mais ce n'est pas le cas : où que l'on vive à la surface d'Omale, on ne projette pas d'ombre inclinée. Or, il n'y a qu'un astre solaire, brillant toujours au milieu du ciel (Il réfléchit). Ou alors, Héliale est si loin de nous que l'incidence des rayons est trop faible pour être détectée ... Non, cela impliquerait un volume solaire bien trop grand pour offrir un disque visible d'ici ..."

p.437 Hypothèse sur le but de la réunion des rehs.
Il est fort possible qu'on nous ait réunis sur Omale - et dans ce nous, j'inclus toutes les rehs de toutes les Aires et les groupements d'Aires qu'on appelle Grand'Aires - dans un seul et unique but : exposer les incertitudes qui taraudent les êtres conscients, et à partir de tous ces doutes forger une certitude.

p.439 Âge d'Omale, de l'androïde Case et date de la colonisation d'Omale.
Omale a cent mille ans. Moi, beaucoup moins, même si ma création remonte à plusieurs milliers d'années maintenant. Les vaisseaux de colonisation sont arrivés il y a environ quinze cents ans. J'ai été créé hors d'Omale, sur l'une des planètes colonisées par l'homme. Autant dire que je suis un fossile vivant.

p.480 Androïde - réseau informatique - apparence criminelle
Case secoua la tête. "La dégradation de ma mémoire ne me l'autorise plus. Je dois avoir vingt fois ton âge, Amees, sans doute davantage. J'ai changé plusieurs fois d'enveloppe, mon esprit a même séjourné dans ce qu'on appelait un réseau informatique, quand loger dans un corps d'apparence humaine était considéré comme criminel. Ma création remonte à une époque si ancienne que les mécanismes de l'oubli qui permettent à l'intellect de fonctionner ont éradiqué la majeure partie de mes souvenirs. Si tu survivais aussi longtemps que moi, tu subirais toi aussi ce désagrément."

p.481-482 Case raconte l'immortalité.
"Je savais dès ma conception que, sauf accident, je vivrais beaucoup plus longtemps que mes créateurs. Je n'ai pas eu non plus à surmonter la perte d'une quelconque sexualité. Au début, j'ai vécu pour accomplir la fonction à laquelle on m'avait destiné. Aujourd'hui, je serais bien incapable de me souvenir de ce dont il s'agissait. Ensuite, j'ai vécu par passion. Celle-ci peut remplir une vie humaine, deux peut-être, rarement plus. Puis, la survie elle-même est devenue mon unique but : assurer ma propre continuité, l'organisation psychique qui faisait de moi un individu unique. Mais même cela, le temps en vient à bout. Par la suite ..." L'espace d'une seconde, il laissa sa phrase en suspens. "Par la suite, plus rien n'a d'importance et l'on continue par détachement. Et le détachement lui-même finit par s'user, devant la beauté du monde."

p.497 Hologramme montrant Omale, Héliale et les Captives

p.499 Un réseau de Portes distinct pour chaque reh
Les Constructeurs Vangk ont mis ces Portes à la disposition de chaque reh et ont édifié Omale. Chaque reh utilisait un vaste réseau de Portes de Vangk reliées les une s aux autres, mais isolé des autres réseaux. De sorte que, jusqu'à leur arrivée sur Omale, Humains, Chiles et Hodgqins ne s'étaient jamais rencontrés.

p.501 Des milliers de rehs piégées sur Omale.
Ces réseaux de Portes ont servi à la fois d'appât et de nasse. Notre cas n'est sûrement pas isolé Il y a de fortes chances pour qu'un grand nombre de détournement aient eu lieu dans le passé, et qu'il en existe d'autres dans le futur. Omale est si vaste qu'elle peut contenir des milliers de Grand'Aires, et par conséquent, accueillir des milliers de rehs. Chiles, Humains et Hodgqins se sont retrouvés ensemble à cause de leur proximité naturelle : ils respirent le même air, se nourrissent de glucides et de protéines, sont bipèdes et se perpétuent par voie sexuées; ils possèdent un langage articulé ainsi que des organisations sociales intelligibles. D'autres rehs ont été regroupées dans des Grand'Aires spécialement conçues en fonction de caractéristiques physiques qui diffèrent des nôtres. Rien n'empêche de les imaginer pleines de vapeurs d'ammoniac, de méthane ou de chlore.

p.502 Le dessein mystérieux des Vangk
Le dessein des Vangk est peut-être de collectionner toutes les espèces intelligentes de l'univers, répondit Case en haussant à nouveau les épaules. Ou bien de les préserver d'une catastrophe qui guette l'univers extérieur. Ou encore, de s'amuser à les voir s'entretuer sur le terrain qu'ils ont choisi. Omale serait alors un laboratoire grandeur nature, un champ d'expérience. Ou bien s'agit-il de tout autre chose. En fait, il y a longtemps que j'ai renoncé à le comprendre : à quoi bon, puisque, tant que nous ne les aurons pas rencontrés, il est illusoire d'espérer répondre à cette question ?"

p. 522 Les émissaires voyageaient dans le corps des AEzirs

Les conquérants d'Omale

p.542 Les Humains
Les Humains ne sont que nombre et grouillement. [...] Peu à peu, il s'était aperçu que les Humains pouvaient être différents les uns des autres. Ils parlaient des dialectes variés, avaient des cultes, des coutumes et des morales parfois contradictoires. Leurs caractéristiques physiques se distinguaient aussi en fonction de leur origine, si l'on prenait la peine de les observer avec attention.

p.554 La brume rouge (lors de la mort des Chiles)
Il fallut deux heures à ses bactéries intestinales pour migrer vers l'extérieur, puis à bourgeonner en mousse pourpre à ses articulations et recouvrir ses orifices. Encore une heure plus tard, la mousse cracha dans l'azur quelques bouffées de spores rouges, que le vent emporta.

p.591 Humains tributaires de leurs hormones
Les Humains étaient encore largement tributaires de leurs hormones. Toutes les civilisations semblaient avoir pour fonction essentielle de réfréner les passions de leurs individus. Parfois, Qwhel se disait que les hommes avaient peut-être accédé trop vite à l'intelligence, et qu'ils étaient trop souvent mus comme des marionnettes par leurs impulsions. Les Chiles, quant à eux, savaient mieux se contrôler. En revanche, ils étaient plus individualistes et pénétrés de leur supériorité, donc plus paranoïaques.. Ne disait-on pas qu'ils avaient, en guise d'ego, un petit dieu intérieur ? Ce n'était pas un hasard si les Hodgqins se trouvaient si souvent en position de négociateurs entre les deux rivaux. Un rôle de plus en plus difficile à tenir à mesure que les conflits s'intensifiaient sur tous les fronts.

p.592 Les AEzirs et les milliers de Grand'Aires
Les AEzirs : les Puissants,, comme les nommaient les Humains, les Noratukï pour les Chiles. Indifférents aux désaccords politiques qui opposaient les rehs, ils avaient posé comme condition sine qua non de pouvoir traiter avec les trois peuples de la Grand'Aire, sans distinction. [...] Selon leurs dires, les AEzirs commerçaient avec des milliers de rehs vivant dans d'autres Grand'Aires, réparties sur la surface intérieure d'Omale qui faisait comme une immense coquille d’œuf autour du soleil. Cette structure gigantesque expliquait la vastitude d'Omale; des centaines de millions de gaias, un chiffre si difficilement imaginable que beaucoup prétendaient que le monde était infiniment plat et étendu. Tel était le dogme de la plupart des religions [...]

p.600 Refuser d'instruire celui que est capable d'apprendre, c'est commettre un crime.

p.603 Souhait fervent
"J'émets un souhait fervent, dit-elle [Tennakaïl] avec une lenteur étudiée, que ce rendez-vous nous fasse oublier les souffrances infligées mutuellement aux uns et aux autres. Qu'il nous rappelle que nous sommes tous les enfants d'Omale et que nous devons chercher à comprendre au lieu de soumettre, partager au lieu d'accaparer, céder de nous-mêmes au lieu d'imposer nos vues."

p.630 Croyance des Adorateurs d'Héliale
Ceux-ci croyaient que les hommes, et sans doute toutes les rehs, avaient émergé d'un passage  céleste qu'ils appelaient la Porte des Vangk, et qu'ils avaient débarqué de chars célestes sur la surface infinied'Omale. Puis la Porte des Vangk avait disparu. Les adeptes révéraient Héliale pour des raisons obscures. "Adorer Héliale est impie, avait proclamé un jour un archevêque escopalien, puisqu'il éclaire et chauffe sans discernement les Hodgqins et les Chiles.".

p.637 L'ethfrag (compassion des Hodgqins)
Les Hodgqins avaient un mot pour désigner le cordon invisible qui relierait à la fois les individus entre eux, et les rehs entre elles : l'ethfrag. C'était comme la compassion prônée par les Escopaliens, mais sans aucun aspect moral, une force vers laquelle tendrait tout être pensant.

p.656 Alternance jour-nuit sur la Grand'Aire
Nous savons que l'alternance des jours et des nuits est assurée, à l'échelle de la Grand'Aire, par une nappe de cristaux gazeux flottant au-dessus de la plus haute couche d'air. Maintenant, supposons qu'un procédé de catalyse "solidifie" localement cette couche de cristaux afin de produire une nuit artificielle, un peu comme un grain de sable jeté dans un verre d'eau sur le point de geler ...

p.688 Création du monde Omale
Les religieux professaient que le monde avait été créé six mille ans plus tôt, mais personne ici ne prenait ce dogme au sérieux : les estimations chiles faisaient état de cent mille ans, les savants hodgqins de cent vingt mille ans. A vrai dire, il était difficile de s'y retrouver à cause des différences dans les calendriers utilisés. 

p.689 Tous les vingt-six ans
Le premier Humain à établir une base d'échanges avec les AEzirs fut le mythique Sänkt Iben Alexis. Il les appela les Puissants, tandis que les Chiles leur donnaient le nom de Noratukï. Un protocole d'accord fut passé, les AEzirs s'engageant à ne traiter qu'avec les trois rehs en même temps. Tous les vingt-six ans, une délégation renouvelait l'accord pluriel en embarquant pendant une demi-journée à l'intérieur d'un AEzir descendu sur le Stey. Celui-ci créait un espace vacant dans la masse de son corps, une alvéole d'air destinée à accueillir les visiteurs. De la sorte, Sänkt Iben Alexis avait été le premier homme à voyager dans l'espace depuis l'arrivée de l'humanité sur Omale.

p.708 Nombre d'habitants de la Grand'Aire
Il n'y avait jamais eu de recensement global des habitants d'Omale, mais on pouvait supposer sans trop se tromper que le nombre total d'Humains, de Chiles et de Hodgqins dépassait cent milliards.

p.737 Autiste arpenteur, calculateur vivant
Le visage de Léodor se ferma, mais il n'ajouta pas de commentaire. Il connaissait les facultés extraordinaires de Lukien, de même que l'inaptitude de l'autiste au mensonge : il était capable, rien qu'en le regardant, de déterminer avec précision la distance qui séparait deux points. Pour cartographier le paysage, on plantait en triangle sur des éminences des mâts de vingt mètres d ehaut. Ensuite, on n'avait plus qu'à calculer, à l'aide de règles de trigonométrie, les angles de ces triangles, dont on avait les longueurs grâce à Lukien. Sans ce dernier, ils auraient dû établir les relevés topographiques en déroulant fastidieusement des rubans gradués d'arpenteur entre les mâts.

p.784 Flore digestive
Je sais que ce n'est pas une plante nécrophage, mais qu'elle est issue du propre chapelet digestif de Tannakaïl. A la mort de son hôte, elle se met à proliférer et cherche à disperser ses spores en gagnant les orifices, les intersegments et les blessures.

p.821 Affiche du S.P.O. (Service de Procréation Obligatoire).
1. L'Office du SPO a pour but premier de tenir le registre des naissances de chaque foyer. A défaut de chef de famille, l'Officier est habilité à désigner les enfants les plus sains et aptes à la conscription.
2. L'épouse a le devoir de mettre au monde le plus d'enfants que sa santé et sa condition permettront. Ce nombre ne peut être inférieur à cinq avec un minimum de trois garçons, sauf stériilité avérée par un médecin de l'Office du SPO.
3. Tout homme a le devoir de s'abstenir de séduire les jeunes filles pour son plaisir seul, afin de ne pas entraver la natalité.
4. Les couples sans enfant ont obligation d'adopter au moins deux orphelins de guerre.

p.876-877 Théorie de l'évolution et de la convergence des espèces.
- [...] Il est évident que nos origines ne sont pas communes. Mais en dépit de nos genèses différentes, nous marchons, nous respirons, nous mangeons. Pour l'esprit, c'est pareil : nous n'avons pas la même notion du temps, nos esprits divergent sur la plupart des points, pourtant, nous parvenons à nous comprendre.
- Cela pourrait paraître un miracle, en effet.
- Il n'y a rien de miraculeux. De la même façon que le sformes se retrouvent dans al nature par nécessité, de la même façon, des proicessus mentaix analogues se retrouvent dans toutes les rehs.


p. 921 Origine des rehs d'Omale
Puisque nous ne sommes pas nés sur Omale, d'où proviennent les Humains, les Hodgqins et les Chiles ? avait demandé Monez. Que sont au juste ces planètes dont vous nous parlez ?
Là, les connaissances d'Eumees devenaient floues et difficilement compréhensibles. Il parla de boules rocheuses flottant autour d'autres soleils, en dehors de la Sphère d'Omale; des "systèmes solaires" séparés par des immensités d'aither, mais reliés entre eux par des passages comparables à celui qui avait amené les rehs sur Omale. Les Hodgqins venaient  d'une de ces boules, éclairée par deux soleils et au-dessus de laquelle, la nuit, resplendissait une voûte étoilée. Ils avaient essaimé grâce aux passages qu'ils avaient découverts au cours des âges. Voilà ce que s'était très probablement passé pour les autres rehs ... et d'autres qui vivaient ailleurs sur Omale.

p.923 Perception des autres Grand'Aires depuis les sommets extra-atmosphériques
Le ciel, au-dessus de la couche de cristaux gazeux ressemble à une coupole d'un blanc étincelant au centre, qui se dégradait en un gris cendreux vers al périphérie. Aucune montagne, si haute soit-elle, aucun Lac, si vaste qu'il puisse être, aucune cité étrangère n'est perceptible à des centaines de millions de kilomètres. Sur ce gris, vues d'une telle distance, les irrégularités que représentent des Grand'Aires tout entières ne sont jamais plus grosses que la taille d'un ongle. Elles sont séparées les unes des autres par des millions de kilomètres de carb nu, exposé au vide et au rayonnement mortel d'Héliale. Celles qui se trouvent du côté diamétralement opposé sont dissimulées par al clarté du soleil. Quant à celles qui sont dans notre hémisphère, nos voisines, la perspective les fond dans l'horizon.

p.924 Dessein des Vangk
Y avait-il un ordre caché, l'univers était-il hostile ou bienveillant, les Vangk avaient-ils créé Omale dans un noble dessein ou ne s'agissait-il que d'un amusement d'enfants cosmiques ? Là-dessus, aucune reh ne s'était jamais révélée supérieure aux autres [...]

p.956 L'AEzir
L'AEzir apparaissait dans toute sa splendeur étrangère, œuf cartilagineux de quarante mètres de diamètre, stratifié d'excroissances mêlant inextricablement l'organique et le minéral, le métal et la pierre. Dans l'aither, il était encore plus monumental, mais ici, il se rétractait pour supporter la pression de l'air. Ses replis de contraction étaient scellés sous des lames siliceuses. Il reposait sur ses sacs de descente racornis tels des pétales fanés.

mardi 4 décembre 2018

Les dépossédés - Notes de lecture


Quatrième de couverture

Le paradis sur terre ? Il existe, encore qu'on ne puisse pas le visiter. Il a été créé non par un dieu mais par des hommes, sur la planète Anarres. Mais deux siècles ont passé, et les Anarrestis (ou, pour tout dire, les Anars) sont menacés de sclérose. Ils repensent à la planète Urras dont sont venus leurs ancêtres. Était-ce un bagne aussi atroce que le dit la tradition ? Est-il vraiment exclu d'y faire triompher la liberté ? Shevek parie le contraire, et repart pour Urras. Mais ce voyage de retour n'est pas dépourvu d'arrière-pensées : une utopie peut-elle se maintenir si elle s'isole ? Et le Nouveau-Monde n'a-t-il vraiment plus rien à apprendre de l'Ancien ?

Illustrations (dont couvertures d'autres éditions)


Auteure

Ursula Le Guin, née en 1929, est la fille de l'ethnologue Theodora Kroeber et de l'anthropologue Alfred L. Kroeber. Depuis les années soixante, elle occupe dans la S.F. une place à part : sans méconnaître les cauchemars ambiants, elle édifie des univers chatoyants où des personnages étrangement sereins s'essaient à tenir compte des autres, à respecter leurs particularités, à vivre ensemble tout simplement. Elle-même considère les Dépossédés comme une "utopie ambiguë". Ce roman très médité a obtenu le prix Hugo en 1975.


Morceaux choisis

p.32 Rien n'est à toi. C'est pour utiliser. Pour partager. Si tu ne partages pas, tu ne peux pas utiliser.

p.33 Les enfants travaillent sur "Savoir Parler et Écouter". Parler, c'est partager ... c'est un art de coopération. Si tu ne partages pas, tu égotises.

p.38 Une prison était un endroit où l’État mettait les gens qui désobéissaient à ses Lois.

p.47 Ils sont un milliard (Urras) et nous vingt millions (Anarres)

p.48 Aimerais-tu vraiment vivre dans une société où tu n'aurais aucune responsabilité et aucune liberté, aucun choix, seulement la fausse option de l'obéissance à la loi, ou de la désobéissance suivie d'un châtiment ? Voudrais-tu réellement aller vivre dans une prison ?

p.50 Exemple de vocabulaire annaresti (langue pravique) : "tadde", "mamme", "ammar" ...

p.50 N'était-ce pas immoral de faire un travail qui ne vous plaisait pas ?

p.53 Comme tous les enfants d'Annares, il avait eu des expériences sexuelles avec des garçons et des filles.

p.54-56  Dialogue :
- Ce qu'un homme veut, c'est la liberté. Ce que veut une femme, c'est la propriété. Elle ne te laissera partir que si elle veut t'échanger contre quelque chose d'autre. Toutes les femmes sont des propriétaires
- Je ne suis pas d'accord. Je crois que les hommes, surtout, doivent apprendre à être des anarchistes. Les femmes n'ont pas à l'apprendre.
- C'est les gosses. Avoir des bébés. Ça les rend propriétaires. Après, elles veulent plus lâcher. Tu touches et tu pars, frère, voilà la règle. Ne sois jamais possédé.
- Je ne le serai pas.

p.59 En pravique, on ne dit pas "Ceci est à moi et cela est à toi." mais "J'utilise ceci et toi cela."

p.61 Il est bon de soigner les maladies, d'empêcher la faim et l'injustice comme le fait l'organisme social.

p.70 Je n'ai pas pu apporter d'argent; nous n'en utilisons pas.

p.70 Théorie Temporelle Générale du Dr Shevek

p.71 Notre physique, les Hainiens l'appelle matérialiste, les Terriens mysticisme; ils ont tous laissé tomber (Remarque : Théorie de la relativité, par le physicien Ainsetain)

p.73-74 Machisme/sexisme des savants d'Urras

p.74 Peuplement d'Urras 8500 ans avant celui d'Annares il y a 150 ans ou 170 ans (p.71)
(Remarque : année = révolution planétaire, variable d'une planète à l'autre, d'un système planétaire à l'autre)

p.76 Réseau d'administration et de distribution. CPD = Coordination de la Production et de la Distribution

p.78 Planètes soeurs des Cétiens (Urras et Annares)

p.78 Âge de Shevek selon les journaux d'Urras : 37, 43 ou 56 ans (probablement 37)

p.78 ouvrage : Principes de Simultanéité, du Dr Shevek

p.78 L'alcool laisse libre cours à l'inconscient comme l'entraînement à la communication intermentale. Les gens préfèrent cette seconde solution, elle est très facile et ne provoque pas de maladies.

p.80 Je suis, par mon existence même, la réfutation de la nécessité de l’État.

p.80 Communauté odonienne : organisation fédérative (pas hiérarchique)

p.80-81 Voitures lourdement taxées, contrôle écologique, administration des ressources naturelles (pour éviter l'épuisement des ressources et la pollution)

p.81 Motivation, propension naturelle à travailler :
- pour les Annaresti : initiative, énergie créatrice et spontanée.
- pour les Urrasti : profit


p.83 Tombe de Laia Asieo Odo (698-769) : "Être un tout, c'est être une partie; le vrai voyage est le retour."

p.84-85 Unification de la Physique Séquentielle et de la Simultanéité dans une Théorie Temporelle générale.

p.85 Insurrection de 747 (Odo passe 9 ans en prison)

p.87 Année 940 (actuelle) ; Peuplement d'Annares : 770

p.87 L'explorateur qui ne revient pas ou ne renvoie pas ses vaisseaux pour raconter son histoire n'est pas un explorateur, ce n'est qu'un aventurier ; et ses fils naissent en exil.

p.90 En fait, le Monde Libre d'Annares était une colonie minière d'Urras.

p.92 Décentralisation planifiée par Odo pour la société anarchiste [...] La limite naturelle de la taille d'une communauté réside dans sa dépendance envers son arrière-pays immédiat, pour son alimentation de base et son énergie [...] Toutes les communautés reliées par un réseau de transport et de communications [...] Ce réseau ne devait pas être dirigé de haut en bas.

p.94 Ensemencement, agriculture vivrière, dirigeable pour les voyages aériens, énergie solaire (miroirs paraboliques) pour les raffineries, bâtiments bas, turbines éoliennes

p.94-95 Communautés odoniennes : ateliers, usines, domiciles, dortoirs, centres d'éducation, salles de réunion, centres de distribution, entrepôts, réfectoires ...

p.95 Odo : "L'excès est excrément." "Un excrément qui reste dans le corps est un poison."

p.96 Peu de portes étaient fermées; aucune verrouillée. Rien n'était caché et il n'y avait pas non plus de publicité.

p.103 La réunion des [syndicats ou fédérations], véhicules à la fois de l'action sociale et de la sociabilité, rythmait la vie de toutes les petites communautés.

p.104 Des lettres envoyées aux propriétaires, à ces sujets de gouvernements fondés sur l'inégalité de pouvoir, à des individus qui étaient inévitablement exploités, et qui exploitaient eux-mêmes, parce qu'ils avaient consenti à être des éléments de l’État-machine [...]

p.105 [Dans la société annaresti collectiviste], solitude est synonyme de disgrâce.

p.106 On pouvait facilement obtenir l'intimité sexuelle qui était recommandée socialement mais à part cela, l'intimité n'était pas fonctionnelle. C'était un excès, un gaspillage.

p.106 Privilège et obligation de la solidarité humaine.

p.106 Beaucoup de solitaires et d'ermites autour des communautés anarresti.

p.116 C'est durant les premières années que le contact individuel est essentiel; les psychologues l'ont bien prouvé. La socialisation ne peut se développer qu'à partir d'une petite enfance pleine d'affection. [Nous t'avons gardé au domicile même après que tu fus sevré.]

p.119 S'attendent-ils à ce que les étudiants ne soient pas des anarchistes ? Comment les jeunes pouvaient-ils ne pas l'être ? Quand on se trouve tout en bas, on doit organiser les choses en remontant.

p.120 Le système des examens vu par un Anarresti
Il fut épouvanté par le système des examens, quand on le lui expliqua; il ne pouvait pas imaginer de plus grand obstacle au désir naturel d'apprendre que cette façon de se gaver d'informations pour les dégorger à la demande. Au début, il refusa de faire passer des tests et des examens, mais cela ennuya tellement les administrateurs de l'Université qu'il finit par accepter, ne voulant pas se montrer discourtois envers ses hôtes. Il demanda à ses étudiants d'écrire un essai sur la question de physique qui les intéressait le plus et leur dit qu'il leur donnerait à tous la plus haute note, afin que les bureaucrates aient quelque chose à mettre sur leurs formulaires et leurs listes. a sa grande surprise, un bon nombre d'étudiants vint le voir pour se plaindre de cette méthode. Ils voulaient qu'il leur donne des problèmes, qu'il les interroge; ils ne voulaient pas penser aux-mêmes à des questions, mais écrire les réponses qu'ils avaient apprises. Et certains d'entre eux s'élevaient vivement contre le fait d'attribuer la même note à tous. Comment les bons étudiants pourraient-ils être distingués des paresseux ? A quoi bon travailler avec application ? Si aucune distinction compétitive n'était faite, autant se tourner les pouces.

p.121 Étudiants aristocrates
Ce que Shevek avait lu sur l'histoire urrastie l'amena à penser qu'ils étaient en fait, bien que ce mot fût rarement utilisé maintenant, des aristocrates. A l'époque féodale, l'aristocratie avait envoyé ses fils à l'université, conférant une certaine supériorité à cette institution. Maintenant, c'était l'inverse : l'université conférait une certaine supériorité à l'homme. Ils dirent avec fierté à Shevek que le concours d'admission à Ieu Eun était chaque année plus difficile, ce qui prouvait le côté essentiellement démocratique de cette institution. "Vous mettez une nouvelle serrure sur le porte et vous l'appelez démocratie.", leur dit-il. Il aimait ses étudiants polis et intelligents, mais il ne ressentait pas beaucoup de sympathie pour le moindre d'entre eux. Ils préparaient des carrières scientifiques industrielles ou académiques et ce qu'il leur apprenait était un moyen d'arriver à cette fin, de réussir leur carrière. Ils se désintéressaient de tout ce qu'il pouvait leur offrir d'autre.

p.123 Dans les rites des boursiers où la cupidité, la paresse et la jalousie étaient supposées motiver les actes des hommes, même le terrible devenait banal.

p.127 Urras : économie capitaliste, Etat ploutocratique et oligarchique
Anarres : société pratique, concernée par la survivance. Qu'y a-t-il d'idéaliste dans la coopération sociale, dans l'aide mutuelle, quand c'est le seul moyen de rester en vie ?

p.127 L’État de Thu est "socialiste" [comprendre "marxiste", "socialisme étatique"]

p.129-130 Thu a abandonné la vraie révolution à mi-chemin

p.130 "Pour faire un voleur, faites un propriétaire; pour créer le crime, créez les lois". C'est dans l'Organisme social d'Odo.

p.137-138 Le merci dans la culture anarresti
Durant une pause dans la conversation, le plsu jeune des garçons dit de sa petite voix claire :
- M.Shevek n'a pas de très bonnes manières.
- Et pourquoi ? demanda Shevek avant que la femme d'Oiie ait eu le temps de gronder l'enfant. Qu'est-ce que j'ai fait ?
- Vous n'avez pas dit merci.
- Merci pour quoi ?
- Quand je vous ai passé le plat de condiments.
- Ini, sois sage !
Sadik ! N'égotise pas ! Le ton de la voix était le même.
- Je croyais que tu les partageais avec moi. Est-ce que c'était un cadeau ? Nous ne disons merci que lorsque l'on reçoit un cadeau, dans mon pays. Nous partageons les autres choses sans en parler, tu vois. Tu veux que je te rende les condiments ?
- Non, je n'aime pas ça, répondit l'enfant, levant vers Shevek ses yeux noirs et pénétrants.
- Cela les rend faciles à partager, dit Shevek.

p.138-139 Le programme d'études (scolaires) anarresti
Shevek [raconta] ce que les enfants faisaient à l'école. Cette dernière explication devint de la propagande, malgré ses intentions. Ini et Aevi étaient enchantés par sa description d'un programme d'études comprenant l'agriculture, la menuiserie, l'entretien des égouts, l'imprimerie, la plomberie, l'entretien de la voirie, la composition de pièces de théâtre, et toutes les autres occupations de la communauté adulte, et par son assurance que personne n'était jamais puni pour quoi que ce soit

p.139 Tâches sales à tour de rôle.

p.140 Motivation du travail bien fait. S'enorgueillir, c'est égotiser. Le plaisir de chacun et le respect des autres.

p.141 Ceux qui refusent de coopérer quittent la communauté. On les appelle "nuchnibi".

p.147 La copulation comme simple soulagement, pareil à la défécation, typique d'un intellectuel insensible, un égotiste.


p.149 Le temps est découpé  en décade [10 jours], quartier [100 jours] et année [400 jours].
  
p.154 L'opinion publique [...] le gouvernement inavoué et inadmissible qui règle la société odonienne en étouffant l'esprit individuel.

p.155 Le changement est la liberté. Mais plus rien ne change ! Notre société est malade.
- Ce n'est pas notre société qui gêne la créativité individuelle. C'est la pauvreté d'Anarrès.

p.156 La stabilité ouvre la porte au désir d'autoritarisme [...] Nous avons oublié que l'envie de dominer est aussi cnetrale chez l'être humain que le désir de l'aide mutuelle.

p.172 Faune et flore limitées d'Anarrès.
Les trois océans d'Anarrès étaient aussi fournis en vie animale que la terre en était dépourvue. Les mers n'avaient pas été reliées depuis plusieurs millions d'années et leurs faunes avaient suivi des évolutions différentes. Shevek n'avait jamais pensé que la vie pouvait proliférer d'une façon aussi extravagante, aussi exubérante, qu'en fait l'exubérance était peut-être la qualité essentielle de la vie.
Sur terre, les plantes prospéraient assez bien, clairsemées et épineuses, mais les animaux qui avaient essayé de respirer de l'air avaient abandonné leur projet quand le climat de la planète était entré dans une ère de poussière et de sècheresse. Des bactéries survivaient cependant dont beaucoup étaient lithophages, ainsi que quelques centaines d'espèces de vers et de crustacés.
L'homme s'était inséré avec précaution et en prenant des risques dans cette écologie très limitée. S'il pêchait, mais sans trop d'avidité, et s'il cultivait la terre en utilisant principalement des déchets organiques pour la fertilisation, il pouvait s'établir. Mais il ne pouvait y insérer personne d'autre.

p.173 Rythme de travail des Anarresti 
La plupart des Anarresti travaillaient cinq à sept heures par jour, en arrêtant deux à quatre jours par décade. Les détails de la régularité, de la ponctualité, des jours de congé et cetera, étaient décidés entre l'individu et son groupe ou son syndicat ou l'administration de sa fédération , au niveau où la coopération et l'efficacité pouvaient être les meilleures.

p.183 Attribution des noms par ordinateur
Un nom qui n'est porté par personne d'autre tant que je vis.

p.187 "La politique de la réalité"
Vous mettez sur le même plan vos "lois" misérables et mesquines destinées à protéger la richesse, vos "forces" de fusils et de bombes et la loi de l'entropie et la force gravitationnelle ? J'avais une meilleure opinion de vous, Demaere !

p.189 Les athlètes de l'intellect réalisaient leurs grands travaux quand ils étaient jeunes.

p.191 La classe non-possédante ou classe laborieuse

p.202 La loi du plus fort, la loi de l'évolution humaine : les plus forts, dans toute espèce sociale, ce sont les plus sociables.

p.203 La Théorie de la Simultanéité expliquée en langage de bébé
- Eh bien, nous pensons que le temps "passe", coule derrière nous mais si c'était nous qui nous déplacions en avant, du passé vers le futur, découvrant toujours la nouveauté ? Ce serait un peu comme lire un livre, voyez-vous. Le livre est là, tout entier, dans sa reliure. Mais si vous voulez lire l'histoire et la comprendre, vous devez commencer par la première page, et continuer en suivant toujours la numérotation. Ainsi, l'univers pourrait être un grand livre, et nous de petits lecteurs.

p.209-210 Vous, les possédants, vous êtes possédés.

p.214 Le besoin qu'avaient ceux qui travaillaient ensemble de fêter ensemble également.

p.224 La monogamie pour un Odonien
Un Odonien assumait la monogamie tout comme il pouvait assumer une entreprise commune dans la production, qu'il soit danseur ou qu'il fabrique du savon.L'alliance était une fédération volontairement constituée comme une autre. Aussi longtemps qu'elle marchait, elle marchait, et lorsqu'elle ne marchait plus, elle cessait. Ce n'était pas une institution, mais une fonction.Elle ne recevait d'autre sanction que celle de la conscience individuelle.

p.225 Les brutalités étaient extrêmement rares dans une société où le désir sexuel était généralement comblé dès la puberté.

p.226 Citation d'Odo
"Un enfant libéré de la culpabilité liée à la propriété, et libéré du fardeau de la compétition économique, grandira avec la volonté d'accomplir ce qui doit l'être et avec l'aptitude à y puiser de la joie. C'est le travail inutile qui attriste le cœur. La joie de la mère qui élève son enfant, de l'étudiant, du chasseur qui réussit, du bon cuisinier, du créateur talentueux, de tous ceux qui font un travail nécessaire et qui le font bien - cette joie durable est peut-être la plus profonde source d'affection humaine et de sociabilité."

p.229 Attribution des noms uniques par ordinateur de 5 ou 6 lettres en deux syllabes.

p.230 Dans une structure décentralisée, les correspondances, les communications personnelles sont très réduites.

p.236 Il est difficile de jurer quand le sexe n'est pas sale et que le blasphème n'existe pas.

p.238-239 L'existence est sa propre justification; le besoin est le droit.

p.251 Projet d'ansible (appareil de communication instantanée) par l'ingénieur Reumere.

p.268 Violence ou non-violence : "Les moyens sont la fin." Nous ne désirons pas le pouvoir; nous désirons la fin du pouvoir. [...] Seul un acte juste pourra amener la justice.

p.272-273 Discours de Shevek
"C'est notre souffrance qui nous réunit. Ce n'est pas l'amour. L'amour n'obéit pas à l'esprit et se transforme en haine quand on le force. Le lien qui nous unit est au-delà du choix. Nous sommes frères. Nous sommes frères dans ce que nous partageons. Dans la douleur, que chacun d'entre nous doit partager seul, dans la faim, dans la pauvreté, dans l'espoir,nous connaissons notre fraternité. Nous la connaissons parce que nous avons dû l'apprendre. Nous savons qu'il n'y a pas d'autre aide pour nous que l'aide mutuelle, qu'aucune main ne nous sauvera si nous ne tendons pas la main nous-mêmes. Et la main que vous tendez est vide, comme la mienne. Vous n'avez rien. Vous ne possédez rien. Vous êtes libre. Vous n'avez que ce que vous êtes, et ce que vous donnez. Je suis ici parce que vous voyez en moi la promesse, la promesse que nous avons faite il y a deux cents ans dans cette ville - la promesse tenue. Car nous l'avons tenue, sur Anarres. Nous n'avons que notre liberté. Nous n'avons rien à vous donner que votre propre liberté. Nous n'avons comme loi que le principe de l'aide mutuelle entre les individus. Nous n'avons comme gouvernement que le principe de l'association libre. Nous n'avons pas d'états, pas de nations, pas de présidents, pas de dirigeants, pas de chefs, pas de généraux, pas de patrons, pas de banquiers, pas de seigneurs, pas de salaires, pas d'aumônes, pas de police, pas de soldats, pas de guerre. Et nous avons peu d'autres choses. Nous partageons, nous ne possédons pas. Nous ne sommes pas prospères. Aucun d'entre nous n'est riche. Aucun d'entre nous n'est puissant. Si c'est Anarres que vous voulez, si c'est vers le futur que vous vous tournez, alors je vous dis qu'il faut aller vers lui les mains vides. Vous devez y aller seuls, et nus, comme l'enfant qui vient au monde, qui entre dans son propre futur, sans aucun passé, sans rien posséder, dont la vie dépend entièrement des autres gens. Vous ne pouvez pas prendre ce que vous n'avez pas donné, et c'est vous-même que vous devez donner. Vous ne pouvez pas faire la Révolution. Vous pouvez seulement être la Révolution.. Elle est dans votre esprit, ou bien elle n'est nulle part."

p.281 Réflexion sur la monogamie et la polygamie
[...] Si tu copules assez à droite et à gauche quand tu es encore adolescent , c'est en ce moment que tu en retires le plus, et aussi que tu t'aperçois que c'est toujours la même chose. Une chose plaisante s'entend ! Mais quand même, ce qui est différent, ce n'est pas le fait de copuler, c'est l'autre personne. [...]

p.298-299 La conscience sociale domine complètement la conscience individuelle.

p.300 Les vieux hiérarchismes utilisaient les femmes comme des possessions [...] parce qu'elles étaient enceintes tout le temps; parce qu'elles étaient déjà possédées, réduites à l'esclavage.

p.300 Notre [autoritaire] interne : la convention, le moralisme, la crainte de l'ostracisme social, lapeur d'être différent, la peur d'être libre !

p.301 Aucun impératif social ou éthique n'égalait sa propre volonté.

p.301 La fonction cellulaire
[Shevek] reconnaissait ce besoin,, en termes odoniens, comme étant sa "fonction cellulaire", le terme analogique désignant l'individualité de l'individu, le travail qu'il pouvait accomplir au mieux, donc sa meilleure contribution envers la société. Une société saine le laisserait exercer librement cette fonction optimale, trouvant dans la coordination de telles fonctions sa force et sa faculté d'adaptation. C'était une idée centrale de l'Analogie d'Odo.

p. 307 Le pravique : la seule langue inventée rationnellement qui soit devenue celle d'un grand peuple (Anarresti)

p.311 Le transfert instantané de la matière à travers l'espace. La transilience. Le voyage spatial mais sans traverser l'espace et sans intervalle de temps. [...] Ils peuvent faire l'ansible.

p.312 Les milliards d'habitants des Neuf Mondes Connus

p.314-315 Récit de la destruction de Terra passée de 9 milliards à 500 millions d'habitants, aidée par les Hainiens
Ma planète, ma Terre, est une ruine. Une planète gaspillée par la race humaine. Nous nous sommes multipliés, et gobergés et nous nous sommes battus jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien, et ensuite, nous sommes morts. Nous n'avons contrôlé ni notre appétit, ni notre violence : nous ne nous sommes pas adaptés. Nous nous sommes détruits nous-mêmes. Mais nous avons d'abord détruit la planète. Il ne reste plus de forêts sur ma Terre. L'air est gris, le ciel est gris, il y fait toujours chaud. C'est habitable, c'est toujours habitable, mais pas comme l'est ce monde-ci. Celui-ci est un monde vivant, une harmonie. Le mien est discordant. Vous autres, Odoniens, avez choisi un désert; nous Terriens, avons fait de notre monde un désert ... Nous y survivons, comme vous le faites. Les gens sont tenaces ! Nous sommes près d'un demi-milliard en ce moment. Autrefois, nous avons été neuf milliards. On peut encore voir partout les vieilles villes. Les os et les briques tombent en poussière, mais pas les petits morceaux de plastique, et ils ne s'adaptent pas non plus. Nous avons échoué en tant qu'espèce, en tant qu'espèce sociale. Nous sommes ici, maintenant, parlant d'égal à égal avec d'autres sociétés humaines sur d'autres mondes, mais seulement grâce à la charité des Hainiens. Ils sont venus; ils nous ont apporté leur aide. Ils ont construit des vaisseaux et nous les ont donnés, pour que nous puissions quitter notre monde ruiné. Ils nous ont traités gentiment, avec charité, comme l'homme fort traite celui qui est malade. C'est un peuple très étrange, ces Hainiens; plus vieux que tous les autres; infiniment généreux [...]

p.324-325 Paroles d'Odo tirées de Lettres de prison sur le droit de punir ou de récompenser
Aucun homme ne possède le droit de punir, ou celui de récompenser. Libérez votre esprit de l'idée de mériter, de l'idée de gagner, d'obtenir, et vous pourrez alors commencer à penser.

p.348 Histoire longue des Hainiens (plusieurs centaines de milliers d'années)
Ma race est très vieille, répondit Ketho. Nous sommes civilisés depuis un millier de millénaires. Nous connaissons l'histoire de plusieurs centaines de millénaires. Nous avons tout essayé. L'anarchisme comme le reste. Mais moi, je ne l'ai pas essayé. Ils disent qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Mais si chaque vie n'est pas nouvelle, chaque vie personnelle, alors pourquoi être né ?


Illustrations par l'artiste Emiliano Giugliano