jeudi 24 février 2011

Stella II, la Madone de l'Almanach - Une Effacée de l'Histoire

Le calendrier de l'Empire Galactique prend comme événement de référence (année 0) la fondation de la Guilde Spatiale (rebaptisée ensuite Guilde Navyborg). Cette année de référence correspond exactement à l'an 20000 après le début de l'Ere Holocène (ou Ere Humaine), ou encore 10000 de l'Ere Chrétienne.

La création de ce nouveau calendrier est généralement attribuée à la Guilde Spatiale elle-même dont le pouvoir s'est considérablement accru pendant et après le Jihad Butlérien (période 19799-19892 EH) ... mais les recherches historiques nous réservent parfois des surprises.

L'historienne S. Déhèmette nous révèle ainsi l'existence d'une impératrice (que certains qualifieront plutôt de régente) qui fut frappée d'ostracisme et dont la principale action (la création du fameux calendrier) fut ensuite récupérée par les nouvelles puissances (la Guilde, en l'occurence).


Stella Senza-Nome fut une personne dont on prononce peu le nom de nos jours, et c’est bien injuste. Par contre, on fait toujours des gorges chaudes de Stella II, la Madone de l’Almanach, celle qui flanqua enfin l’antique calendrier Grégorien aux poubelles de l’histoire, et ce au prix du plus grand scandale, et de la plus grosse rigolade, de ces 1 500 dernières années.

L’année 10 000 approchait, et on s’apprêtait à fêter dignement l’événement dans tout l’Empire Galactique. Le vieil empereur Soukou Toumé avait eu la bonne grâce de décéder, naturellement dit-on, fin 9993. Le bon Soukou Toumé n’avait pas eu d’enfant, et omis de désigner un successeur. On était donc dans un cas somme toute assez fréquent de rupture de dynastie : il suffisait aux trois Chambres d’en désigner une nouvelle.

Mais les cérémonies du Centième Siècle approchant , on avait voulu qu’une personne exceptionnelle les préside (au passage, le fait que le Centième Siècle n’interviendrait qu’en 10001 ne gênait que peu de gens).

On avait décidé de choisir, une fois n’est pas coutume, une personne réellement jeune, naturellement belle et, disons, très flexible, pour ce poste. Ce serait le symbole de la jeunesse et de la vitalité toujours renouvelées de l’Empire ; traduisez : une potiche mâle ou femelle qui ferait ce qu’on lui demanderait, et abdiquerait bien vite, disons … en 10 002. Une fois cet Empereur Intérimaire parti, on pourrait faire appel à un descendant d’une famille illustre ; qui renouerait avec la tradition de discrétion qui sied à la fonction suprême. Et basta.

Mais, me direz vous, pourquoi ne pas avoir tout simplement élu un Régent ? Parce que des cérémonies du Centième Siècle d’histoire humaine sans Empereur, cela eût fait mauvais effet.

Il était hors de question de choisir quelqu’un de Prima, voire du centre galactique, pour éviter d’être taxé d’Empérocentrisme. On lança donc un concours au cours duquel il serait, dit-on, jugé de la présentation (traduisez : de la qualité de l’enveloppe) mais aussi de la culture, de l’intelligence, de l’éducation et de la capacité représenter l’Empire. L’Admintek insista bien sur le fait que la personne en question devrait être … compréhensive.

Le choix tomba sur une jeune habitante de Solaria, princesse d’un minuscule état de son monde, qui passait le plus clair de son temps à piller les boutiques et à démontrer à quelle point elle était la plus beeeeelle, la plus charmaaaaante, la plus irrésistiiiible de toutes. Cette belle blondinette de 17 ans connaissait bien l’étiquette, et « son manque total d’intelligence était masqué par une vivacité rhétorique assez déroutante », dirent les psychologues. Là, les Pairs, les Guildes, le conseil suprême et l’Admintek auraient du se méfier. Car voyez-vous, sous ses dehors d’insupportable bêcheuse, c’était un petit être sensible, qui souffrait mille maux dont le divorce de ses parents n’était pas le moindre. Son côté cancre ne l’empêchait pas de posséder une vive intelligence qu’elle dissimulait soigneusement, heureuse d’avoir les moyens matériels de noyer son spleen dans la frivolité.

Stella fut donc bombardée Impératrice Stella II en 9 994, au cours de cérémonies sans fin durant lesquelles elle fut présentée à tous. Bien plus discrètement, elle dut signer moult documents qui lui liaient les mains, dont son acte d’abdication. Mais par un de ces hasards dont la vie est faite, une faille grosse comme un quasar entachait ces textes, et Stella la vit.

Une fois couronnée, elle devait consacrer 50% de son temps à ses fonctions, les 50 autres pourcent lui étant généreusement laissés. On pensait que les boutiques de Prima allaient subir une attaque en règle. On se trompait.

Que croyez-vous que fit Stella ? Elle se cultiva. Elle usa sans vergogne aucune des moyens démesurés auxquels elle avait maintenant accès, les précieux HypnoTech de Prima, pour rattraper son impressionnant retard scolaire. Elle commença par apprendre à lire et à compter. Elle se remit à niveau pour ce qui est de l’enseignement primaire et secondaire en un temps record. Elle fit ensuite l’acquisition des meilleurs implants d’Economie, de Géopolitique, de Droit, d’Histoire (la Grande et la toute petite), d’Astronomie, d’Astrophysique, d’Ethnographie, d’Ethnologie, d’Exographie, d’Exologie, d’Ecologie … bref tout les trucs en « phie », en « gie », en « isme » ou autre auxquels elle put penser, et elle avait de l’imagination. Elle se fit greffer un plot vertébral qu’elle apprit à utiliser passablement, fit de l’informatique et tout un tas d’autres petites choses qui laissèrent son entourage pantois.

D’aucun pensaient que le cerveau de la gamine allait griller, et se préparaient déjà à élire un autre Empereur par intérim ; mais les neurones de Stella tinrent remarquablement le coup, et c’est une impératrice nettement moins gourdasse que prévu qui entreprit de répondre à la question qu’elle s’était posée à elle-même dès qu’elle avait eu connaissance de sa nomination : qu’allait-t-elle léguer à la postérité ? Rien que çà.

Que pouvait donc faire une toute jeune adulte entourée de gens empressés d’aller au devant de ses moindres désirs et – surtout – de surveiller et d’étouffer ses moindres velléités d’action ? Directement, pas grand-chose. Mais en contournant le problème, hummm ? Pendant les rencontres officielles, elle ne pouvait rien faire, ses moindres paroles étant écrites par ses « conseillers ». Mais ces évènements protocolaires étaient invariablement suivis par des cocktails « conviviaux » on l’on s’emmerdait bon train. Stella II y mit de l’ambiance. Usant de son inimitable enthousiasme et d’une superficialité soigneusement calculée, elle sonda ses interlocuteurs, mine de rien. Elle espérait trouver une petite réformette à susciter discrètement. Au lieu de cela, elle tomba sur le Jack-Pot.

Une de ces choses irritantes qui pourrissait l’existence des Impériaux, humains ou E.T., de leurs voisins et même de leurs ennemis avait nom : le Calendrier Grégorien. Preuve s’il en était que Sol III était bel et bien à l’origine de la civilisation galactique, ce truc continuait à polluer la vie des gens avec des années bissextiles tous les quatre ans, des années séculaires non-bissextiles sauf si elles étaient divisibles par 4, et autres joyeusetés. Oh, des tentatives de réforme avaient bien eu lieu, mais elles étaient toutes tombées face à l’opposition de « celui-ci », l’inertie de « celle-là », le « oui mais » de cet autre et tout à l’avenant ; à tel point que les tenants de la réforme, dégoûtés, avaient renoncé à la présenter pour l’an 10 000, ce qui pourtant était l’occasion rêvée.

Stella dut donc se lever un matin en se disant : tiens, aujourd’hui que je change le calendrier. Il faut dire qu’elle avait bien choisi le matin en question. Ce matin-là était celui du jour de l’Allégeance, au cours duquel la légion Exotique renouvelait son serment de fidélité éternelle à l’Empire, fut-ce au prix de sa vie et gnagnagna et gnagnagna. Il faut dire que si le calendrier grégorien était une plaie pour les humains, c’était une injure aux E.T., qui devaient abandonner leur propre système de datation pour ce fichu bidule antédiluvien (le fait que leurs propres calendriers n’étaient guère plus commodes n’entrait bien sur pas en ligne de compte).

La cérémonie (longue, très longue) se passa bien. Le cocktail fut long lui aussi. Mais on ne s’y ennuya pas. Devant toutes les huiles des races E.T. réunies au grand complet, les représentants des Guildes, de l’Admintek et des Chambres ; la petite Stella sortit une phrase du genre : « Oh, mais c’est vrai, çà, il y en a marre de ce vieux truc. On devrait le changer ; tiens d‘ailleurs, on va le faire. Je m’engage devant vous à ce que le nouveau calendrier soit en place pour les fêtes des Cent Siècles ; et que l’ancien ait disparu dix ans plus tard. Vous avez entendu, messieurs les conseillers ? ». Il y eut un long silence, glacé d’un côté, incrédule de l’autre, puis un tonnerre de « hourras » s’éleva des rangs des officiers E.T., puis, bien vite, des troupes en tenues d’apparat.

L’après cérémonie fut pénible, mais pas pour Stella. « Mais si, mais si, mais si, je vous assure » dit Stella « la chambre des Pairs, la chambre des Guildes, le Conseil Suprême et l’Admintek ont tous déclaré que la question du calendrier était hors de leur domaine de compétence. Tenez, voici les références. Et moi, j’ai autorité pour huit années sur tout ce qui n’est par du ressort d’un de ces tru.. honorables mach… organisme. Donc, j’ai le droit, c’est comme çà ». Certes, cela aurait pu mal tourner. Mais il y avait dans l’assemblée un vieux monsieur au visage plein de malice, qui écoutait sourire aux lèvres. Le Révérend Père Malthus Mogoumba, Guide suprême de l’Eglise de la Glorieuse Volonté, et accessoirement Diacre des Quatre Eglises pour une durée de trois années encore, ne s’était pas autant marré depuis des années. Quand un Pair hautain commença à monter le ton, il dit de sa voix douce que, sommes toutes, c’était le moment où jamais, et que son Eglise soutiendrait l’Initiative de l’impératrice.

L’establishment tenta d’utiliser les méthodes de gouvernance habituelles pour enterrer l’affaire : le silence radio, l’indifférence, l’inertie, la calomnie. Mais une curieuse synergie s’était mise en route. Chaque tentative d’ensevelir le projet fut contrée par une réaction de ralliement. Les races E.T. d’abord, puis les mondes lointains, puis les élites intellectuelles de Prima et bien d’autres encore : le capital sympathie de la petite Impératrice allait grandissant. Les opposants subirent ensuite longue série de débandades toutes plus piteuses les unes que les autres, dont le point d’orgue fut le soutien apporté au projet de réforme par la Guilde Navyborg, dont les membres, excédés, firent savoir à leurs dirigeants que s’il n’y avait pas eu de grève dans toute l’histoire de la Guilde, il y avait un début à tout et puis qu’il y en avait ras le bol du truc à Grégoire XIII et qu’il allait falloir se magner un peu non mais.

Dès lors, la cause fut entendue. Les projets furent sortis des cartons, on en choisit un et, le 1er janvier 10 000, le calendrier Grégorien fut enterré après 8 418 ans de bons et loyaux services. Pour baptiser le nouveau , on proposa le Calendrier « Stellatien », « Stellarien », « Stellique », un guignol évoqua même « Stellaire » ; mais il passa à la postérité sous le nom de Calendrier de Stella, la Madone de l’Almanach.

Tout aurait pu mal tourner pour Stella quand ses partisans (car elle avait maintenant des partisans) voulurent faire pérenniser son titre d’Impératrice. Entrer dans ce jeu eût été une erreur, et, comme on l’a vu Stella avait oublié d’être bête. D’autant plus qu’on lui fit comprendre qu’après son petit numéro, il serait agréable à certains qu’elle parte loin, loin de Prima.
- « Oh, répondit-elle, laissez-moi disposer d’un Lehouine pendant trois ans, et je quitte l’Empire. »
- « Et pourquoi un Lehouine, demanda-t-on ? »
- « C’est ça ou je suis les désirs de mes partisans pour garder ma charge.» bluffa-t-elle.

On lui donna tout de suite son Lehouine, qu’elle chargea de matériel de colonisation. Dans les tous premiers jours de l’année 10 002, Calendrier de Stella, ladite Stella, accompagnée de nombreux partisans, embarqua sur le Benny Hill, qui mit le cap Est/Sud Est et quitta l’Empire. On ne le revit jamais.

« Bon débarras » dirent les puissants, avant de passer aux règlements de compte. Le chef suprême de la cellule psychologique de l’Admintek fut limogé, plusieurs Pairs démissionnèrent « pour raison de santé » et tout à l’avenant. Le pire, c’est que le pourquoi du comment de l’affaire avait fini par transpirer. « La prochaine fois qu’on aurait besoin d’une gourdasse, il faudrait aller la chercher au sein d’une des chambres ou de l’Admintek », se marrèrent les médias.

« Enfin, on en est débarrassés » soupira-t-on enfin, quand Olaff III, 157 ans, prit ses fonctions. A 30 000 années-lumière de là, Stella Senza-Nome fondait ce qui allait devenir en quelques courtes décennies l’Alliance des Douze Soleils.



Dès que le nom même de cette impertinente fut frappé d'ostracisme, condamné à l'oubli, le "Calendrier de Stella" fut rebaptisé Calendrier Stellaire puis Calendrier Spatial et enfin Calendrier de la Guilde Spatiale. Le tour était joué !

Toutefois, sur le long terme, la récupération de la Guilde Spatiale ne fut qu'incomplète.
En effet, de nos jours, les lettres EG qui suivent les numéros des années du calendrier impérial signifient "Ere Galactique" et non plus "Ere de la Guilde".

Outre la création d'une nouvelle année 0, il fallut aussi décider comment ces dites années seraient découpées. En mois ? Semaines ? Sixaines ? ... Quelque chose d'universel sans trop bousculer les traditions. Pas facile car l'Empire de l'époque, sous la dynastie Butler/Corrino (juste avant les Atréïdes), comptait déjà 10000 mondes impériaux (pour information, l'actuel atteint 25000).

Voilà quelques-unes des propositions qui furent soumises aux Chambre des Guildes, Chambre des Pairs et Conseil Suprême.

Solution 1 : Modifier l’année. Une année standard comporte environ 31 556 926,08 secondes. Raccourcir l’année à 31 500 000,00 (soit 15 heures de moins) permettait de faire une année de 10 mois de 35 jours de 25 heures standard de 3600 secondes standard.

Solution 2 : Modifier diminuer la durée de la seconde pour que l’année fasse exactement 365 jours répartis en sept mois de 30 jours et 5 de 31 jours.


Solution 3 : 365 jours répartis en 73 pentades ("penta" = 5; "dies" = jours" c'est-à-dire des groupes de 5 journées au lieu de l'antique semaine biblique de 7 jours ... quitte à se débarrasser des références grégoriennes).

Solution 4 : diviser l'année en 360 jours... ce qui simplifie grandement le partage, puisque ce nombre est divisible par de nombreux nombres. Le temps universel est utilisé partout et dans les médias, mais il pourrait y avoir des adaptations locales, plus aisées à manipuler et en phase avec la vie sur la planète.

Solution 5 : Reprendre la proposition d'arrondir l'année à 31.500.000 secondes, la valeur de la seconde restant inchangée, avec une solution qui collerait pile poil avec le système décimal :
- 1 année = 10 mois
- des mois en alternance de 31 ou 32 jours (5 mois de chaque)
- chaque jour contenant exactement 100.000 secondes.
Les heures deviendrait des groupes de 10.000 secondes, et les minutes des groupes de 100 secondes.

Etc ...

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