« Mon nom est Abalam-Sri-Tanisnute. J'appartiens à une très ancienne civilisation aujourd'hui presqu'oubliée : les Norjans. Mes lointains ancêtres furent les premiers parmi nos civilisations contemporaines à sillonner l’espace, à (re)trouver un moyen de voyager plus vite que la lumière.
Mais une fois parvenus dans le haut espace, explorant le cosmos intersidéral, ils découvrirent d’autres artefacts, encore plus extraordinaires : d’antiques et mystérieux Portails. Puis, surtout, ils entrèrent en contact avec d’autres civilisations contemporaines ayant elles aussi commencé à dépasser les limites de leur système solaire natal. Avec ces civilisations doyennes de la Galaxie, mes glorieux ancêtres organisèrent une Première Assemblée puis édifièrent la République Galactique.
Au fil des millénaires, d’autres civilisations vinrent rejoindre cette institution. Certaines la firent évoluer, parfois douleureusement, d’autres la transformèrent profondément mais avec l'accord mutuel, en la renforçant. Ce fut le cas de l’Humanité qui créa un Empire Galactique unimaniste, pacifique, porteur de civilisation après presque 25000 années de Républiques successives.
Pleins d’énigmes quant à leurs origines, parvenus au sommet de l'évolution sans l'aide d'aucune Race Patronne connue, les Humains ne disposaient pas moins d’une extraordinaire vitalité. Ils ressemblaient à d’autres Talsanits (ainsi nomme-t-on les humanoïdes sur Norjane, mon monde natal) mais leur adaptabilité génétique était un incessant sujet d’émerveillement. Ils établirent des colonies sur de nombreuses planètes exotiques, et s’adaptèrent à des conditions de vie si différentes … Certains Galactiques de dire que c’étaient l'espèce idéale pour qui recherchait des cobayes intelligents.
Je ne suis pas Humain et pourtant je fus le compagnon d’armes de l'un d’eux, un homme à la destinée exceptionnelle. J'ai traversé la Galaxie à ses côtés et je fus le témoin de ses innombrables conquêtes. Un Etre aux multiples facettes, une personnalité tourmentée. Parti de rien et devenu l‘un des individus les plus puissants et jalousés de la Bordure galactique.
Avec le temps, nos chemins vinrent à s’éloigner. Tandis que lui continuait à écumer le cosmos, j’aspirai pour ma part à des voyages plus intérieurs, à la méditation transcendentale et la fusion spirituelle avec les lignes d'énergie du Grand Univers. Il consumait son existence dans l’action; je souhaitais vivre mes derniers jours dans le recueillement et la contemplation.
Il faut dire que, même si les Humains fanent plus vite que nous autres, les Norjans, je portais déjà le surnom de "Vieux" lorsque nous devînmes amis. Or, je sentais que le cycle de mes vies touchait à sa fin. L’action, l’agitation, ne m’étaient plus destinées. Toutefois, pour servir une ultime fois ce compagnon, cet exaltant meneur d‘hommes, j'acceptai une dernière et périlleuse mission : parcourir le monde appelé Aalis, au cœur d’un des systèmes stellaires qu’il avait conquis avec sa formidable flotte spatiale.
Conformément à la loi de non-prolifération, cette planète difficile d’accès fut mise en quarantaine depuis son annexion à la Marche de Calypso. Nul commerce ou exploitation minière n’y furent autorisés. Le souvenir d'utilisation d'armes de destruction massive par des tribus à peine sorties de l'âge de pierre hantait encore les mémoires de l‘Empire Galactique. La richesse vient de la diversité et l'on ne peut détruire dans l'œuf une espèce qui, un jour peut-être, insufflera une énergie nouvelle à la communauté galactique toute entière.
Il fallait toutefois un Observateur officiel, sur place, en plus des satellites ou d’éventuels monolithes d'observation. Cette mission solitaire me fut proposée par mon ami de longue date, le Seigneur de Calypso. Je fus honoré d'accepter cette tâche d'autant plus qu‘ainsi, je pourrai non seulement me consacrer à la contemplation discrète des peuplades d'Aalis mais aussi à la méditation, sans oublier mon devoir sacré de Norjan : la construction d'un tétraèdre de transit à l'endroit exact où les lignes d'énergie du Grand Univers permettraient son fonctionnement optimal. »
D’un ample geste de la main au-dessus du cube mémoriel, l’ermite Norjan interrompit momentanément l’enregistrement. Il se leva et se dirigea vers le filtre alimentaire pour récupérer l’un des fruits cueillis un peu plus tôt dans la journée. Insérés dans l’appareil par un orifice, sur le dessus, les aliments devenus comestibles étaient simplement récupérés dans un tiroir à la base de la machine. Cette dernière fonctionnait indéfiniment, alimentée par une pile électrique auto-rechargeable qui puisait son énergie dans le champ magnétique de la planète elle-même.
Abalam-Sri-Tanisnute en profita également pour se désaltérer. Il avait sculpté, avec ses burins-lasers, un petit bassin dans lequel il récupérait l’eau de pluie qui coulait naturellement du sommet de la colline jusqu’au bas de la falaise en empruntant les méandres de ses grottes. Le filtre alimentaire, équipé d’un petit récipient, décontamina l’eau qui lui fut soumise et le « Vieux » put s’hydrater.
Avant de reprendre son monologue, il sortit un petit objet métallique de son étui. C'était une double pyramide aux reflets argentés mais qui, sur simple commande mentale commenca à frétiller dans la main du vieil ermite. En quelques secondes, l'objet apparemment si solide s'écoula entre ses doigts comme du sable, ou plutôt de la limaille de fer. Mais aussi rapidement qu'il s'était pulvérisé, l'objet retrouva sa forme initiale en un instant.
“ Pour construire le tétraèdre de transit, ce cristal en résonance harmonique avec les lignes d'énergie multidimensionnelles, j'ai emporté avec moi des nanorobots qui réagissent par simple commande mentale. Ils sont programmés pour n'obéir qu'à mon propre schéma mental et je les transporte discrètement sous la forme d'un petit objet métallique, un pendentif en double pyramide. A mon commandement, ils retrouvent leur autonomie et les myriades de petits travailleurs se mettront à l'ouvrage, sculptant le cristal à l'endroit exact que je leur indiquerai.”
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