Le peuple des Sabs arpente le Désert de Poussière à la recherche de géodes ensevelies. Les plus précieuses sont tapies au fond de gigantesques cuvettes, des caldeiras, résultats de l'effondrement de chambres magmatiques.
Mais sous un climat sec et totalement à l'abri du vent, ces énormes cuvettes se sont peu à peu remplies du sable le plus fin. On s'y enfonce mortellement si on n'y prend pas garde. Pourtant, les cruels Sabs y envoient leurs serviteurs :
- des esclaves mutilés, gonflés comme des baudruches, en binôme avec des scaphandriers dont l'espérance de vie est aussi précaire que la fiabilité de leur équipement,
- ou encore des animaux semi-intelligents, sortes de gros cloportes, dressés pour la collecte. Naturellement, ces derniers plongent dans les sables mouvants pour y traquer des vers des roches qui se nourrissent eux-mêmes de bactéries thermophiles.
L'un des captifs, promis à l'esclavage, possède un étrange animal domestique. C'est un être bipède, couvert d'un duvet brun et au museau plat. Il a été trouvé dans une sorte de géode métallique à demi-fondue. Mais les Sabs n'y voient aucun intérêt et le destinent au sacrifice rituel qui précède chaque descente (hautement risquée) dans la caldeira. Un à un, les animaux sont égorgés et leur sang offert à la terre en échange de quoi, les Sabs l'espèrent, elle leur livrera rubis et autres pierres précieuses.
Mais au moment d'égorger le bipède, celui-ci glisse des mains de son bourreau, se plaque ventre à terre et, sous les yeux ébahis de l'assistance, s'enfonce dans le sol meuble après quelques vibrations. On le récupère in extremis et ses nouveaux maîtres se disent qu'il fera peut-être un bon plongeur à côté des cloportes apprivoisés. En tout cas, il gagne un sursis.
Il est associé à son maître qui, entretemps, a subi la cruauté des Sabs. Une outre a été insérée sous la peau de son dos, à la place des réserves de graisse ; indispensables à la survie des Aalisiens sur de longues distances. Sans elles, toute évasion dans le désert devient un suicide au bout de quelques jours.
L'outre est gonflée d'air chaud. Le ballon vivant sert de montgolfière ou de flotteur au bipède qui, suspendu à une corde, plonge dans la poussière mouvante à la recherche des pierres précieuses. Le bipède n'a pas droit à l'échec. Il est plus lourd que les cloportes apprivoisés et nécessite de gonfler davantage l'outre de son porteur. Celui-ci souffre plus, de brûlure et de dilatation de son cuir dermique. Si le porteur meurt, le plongeur s'enlise irréversiblement.
A la surprise générale, le plongeur tire sur la corde qui le relie à son porteur pour signifier qu'il a touché un paroi de la cavité puis, quelques minutes plus tard, il tire à nouveau sur la corde pour qu'on le remonte. Il a donc survécu et, à son retour à la surface, tient dans ses mains ... de vulgaires cristaux de gypse : des roses des sables. Aucune valeur marchande. Il sera dressé durement, fouetté sans doute, mais il aura la vie sauve jusqu'à la prochaine plongée.
A coups de trique et en observant intelligemment les prises de ses homologues, le bipède progresse, Sans comprendre comment, il "ressent" la terre autour de lui. Il s'y meut presque sans efforts et il distingue, par le toucher, la nature des roches qui se trouvent devant ses mains. Pourtant, souvent, des mètres cubes de sable fin et de poussière le séparent du fond. Cependant, il "flotte" dans la gangue minérale. Il a parfois l'impression qu'il peut la manipuler, qu'elle obéit à sa volonté.
Ses plongées sont de plus en plus longues, plus profondes. Il remonte des cristaux parmi les plus précieux. Mais il souffre. Ses mains sont brûlées, sa peau griffée presque poncée. Et surtout, son maître, si bon avec lui, n'est plus qu'une loque. Le cuir de son dos et de ses flans a été tellement distendu qu'il pend de tous côtés. Parfois, il a été décollé de la chair et des infections ont failli l'emporter. Il ne vivra plus longtemps.
Le bipède décide de se sacrifier pour son bon maître. Au maximum de gonflage, son maître coupera les amarres simultanément quand lui coupera sa ligne de vie. Ainsi, son maître s'envolera brutalement dans les airs et pourra être porté loin du campement des Sabs. Bien sûr, il faudra attendre le moment propice, le bon vent chaud et puissant. Quant au bipède, fidèle mais ne supportant plus la souffrance de son maître, il s'enfoncera irrémédiablement au plus profond du cratère ensablé.
Quelques semaines plus tard, les conditions météorologiques sont optimales. Le plan d'évasion a été longuement répété entre le maître et son fidèle Pedro (c'est le nom que l'Aalisien lui donne affectueusement). Tout se passe comme prévu, ou presque. Avec un outil de fortune, le maître, ballon gonflé au maximum de douleur supportable, rompt ses amarres. Pedro plonge dans la poussière ultrafine accumulée depuis des siècles en soulevant un nuage aveuglant. Le bipède s'enlise prêt à accueillir la mort mais heureux d'offrir la liberté à son maître.
Mais Pedro ne meurt pas. Il s'enfonce, s'enfonce et les minutes passent.Bizarrement, il n'est pas en manque d'oxygène. Il n'est même pas incommodé par la pression. Pedro lâche prise et il lui semble glisser dans la douceur même. Au loin, profondément, il perçoit une masse étrange.. Pas de al roche primaire, pas des cristaux non plus. Quelque chose de ... métallique; comme l'étrange géode dans la quelle son maître l'a trouvé.
Très au-dessus de lui, le nuage de poussière s'est partiellement dissipé. Les Sabs, furieux, ont vu dans quelle direction le siroco poussait l'évadé. Une troupe des plus féroces s'est déjà mise à la poursuite du fuyard. Elle devra contourner la caldeira sous peine de s'y ensevelir et rentrera quelques jours plus tard. Le fugitif a pu être touché par un projectile. Quant bien même, l'outre qui le maintient en l'air va lentement mais sûrement se dégonfler en refroidissant.
Les chasseurs rattrapent le pauvre captif en fuite. Les Sabs l'ont cueilli avant qu'il ne touche terre. Avec sadisme, ils jouent avec lui à une sanguinaire partie de bozkachi. Son corps crevé et aux six membres tranchés est ramené en trophée jusqu'au camp. C'est un avertissement pour les autres esclaves. Personne n'échappe aux Sabs. Ce sont les maîtres des terres arides de Dustland.
Le corps du maître est jeté dans la caldeira, à l'endroit même où Pedro a disparu. Il s'enfoncera lentement dans la poussière pour rejoindre son animal de compagnie, forcément mort depuis plusieurs jours. Personne n'échappe aux Sabs.
Personne ... sauf Pedro. Sous terre, sous des centaines de mètres de poussière accumulée, instable à faible profondeur mais compacte ici-bas, Pedro survit encore. Il vit car il a découvert un objet que les Sabs ne peuvent même pas imaginer. Quelque chose de si vaste que toutes les tribus de Dustlande pourraient se tenir côte à côte à l'intérieur. Il a trouvé une ouverture et s'y est réfugié. Mais qu'est-ce que c'est ?
Pedro n'a pas été dressé pour réfléchir. Juste obéir. a son bon maître d'abord, qui l'a trouvé et nourri alors qu'il été à peine sevré; puis aux cruels Sabs armés jusqu'aux dents.
Pedro va attendre prudemment. Attendre jusqu'à ce que la faim et la soif l'obligent à bouger. Peut-être se nourrira-t-il des vers chauds, comme les cloportes. Ou de cloportes eux-mêmes. Leur carapace est difficile à ouvrir mais les sabres de ses tortionnaires y parviennent avant qu'ils fassent cuire leur chair blanche et tendre sous des lentilles de verre, exposée au plein soleil.
Pedro rêve de vengeance. Il s'imagine surgissant du lac de poussière et écrasant les Sabs sous des tonnes de roches. La faim et la soif le font délirer. Une voix lui parle dans la tête. Elle est amicale. Elle lui dit qu'il n'est pas seul. Que d'autres étranges bipèdes existent dans ce bas-monde. Lui n'en a jamais rencontré d'autres. Surtout pas dans le désert. Il n'y a que des insectes, quelques reptiles et puis les nomades Sabs. La voix dans sa tête dit qu'il est un "humain". "Nu main" ? Ses mains sont larges comparées à celles de son maître disparu et moins velues que celles des Sabs au pelage dru. Mais al voix insiste; elle dit qu'elle envoie quelqu'un pour le récupérer. Bientôt, très bientôt.
La nuit, Pedro est agité. Il repense à son rêve : ce géant de pierre surgissant du sol pour écraser les gens mauvais. Sa colère se nourrit de ces souvenirs, de toutes ses souffrances passées, de son maître perdu.
La dépouille a lentement glissé jusqu'à lui. Il la sent. Il s'en approche et touche le corps. Avec horreur, il constate les mutilations. Sa colère contenue se transforme en rage aveugle. Il explose comme un volcan et se propulse vers la surface. Plus il monte et plus il attire à lui la poussière, le sable et les roches qui l'entourent. Les grains de sable et les pierres lui obéissent. Ils font partie de lui.
Soudain IL surgit. Ce n'est plus Pedro; c'est une énorme masse rocailleuse. Une silhouette grossièrement humanoïde, un tsunami minéral. IL fond à grande vitesse sur le campement de tentes en bordure de la caldeira.
Le guetteur n'a pas le temps de comprendre ce qui arrive vers lui. Il connaît les tempêtes de sable, les tourbillons de poussières qui peuvent déchiqueter un Sab isolé ou un captif mais, un mur humanoïde en mouvement, il ne sait pas ce que c'est.
Quelques instants plus tard, le garde meurt le crâne et le corps fracassé par des centaines de roches lancées à toute vitesse. Tout le campement est lapidé, déchiqueté, soufflé par la vague surgie du cratère.
Quand la colère s'estompe, le colosse se dissout tel le sable dans un sablier et Pedro, seul, vidé de ses forces et de sa colère se laisse choir au milieu des dizaines corps des Sabs, brisés, écrasés, à demi-ensevelis.
Alors, au moment de s'évanouir, la voix résonne à nouveau dans sa tête : "Nous sommes là !"
Devant Pedro, l'air se trouble, tel un mirage provoqué par la chaleur. C'est son maître qui le lui avait expliqué, se souvient-il avec nostalgie. Mais dans ce mirage-là, point d'oasis. C'est d'abord un bipède, comme lui, encapuchonné puis d'autres insolites silhouettes qui apparaissent. Des "nus-mains", des bipèdes comme lui ? Sans s'en rendre compte, Pedro s'est relevé et marche vers eux, complètement hébété. Des bras s'ouvrent ; ils l'accueillent. Pedro se sent bien. Il a trouvé de nouveaux bons maîtres. Ou peut-être autre chose d'encore plus agréable ...
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1 commentaire:
Le bouzkachi ou bozkachi (en persan : بزکشی, litt. « jeu de l'attrape chèvre ») est une activité équestre collective. C'est le sport national en Afghanistan et il est également pratiqué dans plusieurs pays d'Asie centrale et du Moyen-Orient : Ouzbékistan, Tadjikistan, Kazakhstan, Pakistan, Iran, Kirghizstan. On l'appelle également, selon les régions : Ulak Tartish, Ulak Tyrtys, Kok-borou, Kuk Pari, Kök Berü, Kökpar.
C'est un des sports des Jeux mondiaux nomades d'Asie centrale.
Les joueurs de bouzkachi sont appelés, en Afghanistan, des tchopendoz.
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