Triple Grâce.
Tau-7830 est un système triple. Une petite M2 rouge
(Euphrosyne) et une F1 jaune/blanc (Thalie) tournent autour d'Aglaia,
une céphéide F2 qui enfle et se rabougrit sur une période d’une semaine
standard, oscillant entre l’orange et le jaune. Un certain nombre de
planètes durent entourer ce trio, ainsi que de d’innombrables lunes. Les
phénomènes de marées gravifiques en sont venus à bout, mais n’ont pas
réussi à faire le vide dans la multitude de débris qui se poursuivent
indéfiniment selon des orbites fort complexes. La densité de ces corps
mouvants est si élevée que des observateurs les verraient à l’œil nu
soit sous forme de points brillants, soit sous celle de taches mobiles,
soit encore pour ce qu’ils sont : des masses rocheuses en libration les
unes autour des autres, se poursuivant à l’infini, se frôlant parfois,
se heurtant assez rarement de nos jours.
Or, ces observateurs
existent, et ils sont même plutôt nombreux. Et ils ont tout le temps
d’admirer le ballet des astres parce qu’ils habitent certains d’entre
eux. Ce sont les Trégratiens.
L’origine des Trégratiens n’est
pas mystérieuse. On sait que leur Classe V, baptisé Hoshi o Katta Hi,
arriva dans ce système désolé en 11 192. Il provenait de Ladislas, un
monde déjà ancien situé à une dizaine de milliers d’années-lumière, en
direction du centre galactique. Ce navire était un cargo, dont
l’équipage, fort nombreux, navigua avec circonspection dans cette zone
pas si éloignée de celle qui avait été fatale à Libre-Entreprise. Ceci
expliquait d’ailleurs cela : les Tekno-Marchands qui allaient devenir
les Trégratiens étaient de gens très prudents ; qui multiplièrent vols
de reconnaissance et détours préventifs afin d’éviter les ennuis. Ils
les évitèrent ! Après ce voyage exemplaire, ils arrivèrent donc à
Tau-7830. Ils y furent accueillis par l’inévitable, et indispensable,
expédition de pré-colonisation qui avait préparé leur arrivée.
Autant
le dire de suite, les migrants ne comptaient pas s’installer au sein de
ce tas de gravier instable. Ils voulaient y créer une base à leur quête
d’une belle petite planète à coloniser, tout en profitant des
ressources naturelles de ce système chaotique.
Et les remises en question commencèrent.
Il
faut dire que Triple Grâce est située à peu près à mi-chemin des
secteurs de Dante Aloïsi d’une part et de l’ineffable secteur 412/39
zone 312/54 A 8 d’autre part. Autant dire qu’elle se planque au cœur des
Etoiles Brisées(1). Durant les 100 000 dernières années, diverses
catastrophes stellaires, dont une belle hyper nova, stérilisèrent
soigneusement le coin, tordirent les trajectoires de bon nombre de
systèmes, yoyotèrent les orbites de pas mal de planètes et, last but not
least, créèrent un joli paquet de trous noirs dont un fameux : Augra.
Certes, la densité stellaire étant exceptionnelle, on aurait pu penser
que de beaux morceaux auraient survécu ; et c’était d’ailleurs le cas.
Mais rien de ce qu’ils avaient découvert ne satisfaisait vraiment ces
Teknos ambitieux, avides de défis impossibles et de projets hors du
commun.
Pendant que Hoshi o Katta Hi multipliait les expéditions,
sinon infructueuses, du moins peu folichonnes, les prospecteurs chargés
de recenser les matières premières indispensables à une jeune colonie
faisaient des découvertes ad nauseam.
De tout, il y avait de tout ; oh pas en surabondance, certes, mais
largement assez pour satisfaire les besoins d’une belle communauté.
Alors,
des voix se firent entendre, qui arguaient que la vue était superbe
ici. Seulement, il n’y avait pas de planète autour de Triple Grâce.
L’objet le plus gros y était une vague sphère de 15 000 km de diamètre,
se déplaçant selon une orbite vertigineuse qui finirait bien par lui
faire emplafonner une des trois Grâces ; et ce même plutôt rapidement si
l’on se référait à l’échelle astronomique de mesure du temps. La
stabiliser aurait été ruineux, quand bien même cela eût été possible.
C’était l’impasse.
C'est alors qu'une jeune tekno Exotique
répondant au doux nom de madame Skrrrezxk, qui préparait son Arkitekta,
découvrit des points de Lagrange très particuliers, qu’elle baptisa de
son nom .
Ces points de Skrrrezxk (il faut prononcer Skrrrezxk) n’étaient pas
vraiment stables, mais les forces de dissociation y étaient très
faibles, tout à fait à la portée de cet instrument fort utilisé par les
pirates et les forces de l’ordre et que l’on nomme GRAPPIN. Madame
Skrrrezxk proposait d’y mailler les planétoïdes au moyen d’un réseau de
répulseurs / attracteurs, afin de les solidariser. Mais, et c’était la
clef de son projet, ce maillage devait être souple ; toute structure
rigide menant à l’échec. C’était gonflé, mais les calculs montrèrent que
le projet tenait la route. Alors les colons se lancèrent. Dans les tous
premiers jours de l’année 11 194 calendrier de Stella, deux premiers
planétoïdes furent solidarisés par un lien immatériel qui les fit
évoluer l’un par rapport à l’autre comme reliés par un élastique (non,
ils ne faisaient pas Chtoïng, Chtoïng). Il était prévu de laisser passer
deux années qui seraient mises à profit pour observer la dynamique du
système et collecter des données correctives. Trois mois plus tard à
peine, on constata que le mobile suivait si bien le modèle théorique que
l’on repartit de l’avant. Six corps composaient le système au bout d’un
semestre, vingt en un an, 250 en cinq ans, 5 000 en dix ans, 25 000 en
vingt ans … En 11 241, deux millions sept cent mille corps allant de la
taille d’un terrain de hussade à celle d’une toute petite lune étaient
reliés les uns aux autres. Inutile de dire que l’on avait pas attendu
tout ce temps pour accorder son titre d’architecte à Skrrrezxk, sur
dossier et avec mention.
Restait la question de l’habitat. On
avait commencé à construire un premier dôme sur un des astéroïdes dès 11
197. Il ne fut jamais terminé. Un Ingénieur humain du nom d’Amédée
Norjansk proposa un projet qui lui valut immédiatement la sympathie de
madame Skrrrezxk. Il avait calculé qu’une masse gazeuse lâchée au milieu
de l’ensemble se comporterait de la façon suivante :
- dans un
premier temps, elle resterait sur place sous forme d’une boule d’un
diamètre de 200 mètres jusqu’à ce que la pression en son centre atteigne
0,57 bar
- dans un second temps, la boule se mettrait en expansion
infinie, c'est-à-dire jusqu’à atteindre la limite du réseau
d’attracteurs / répulseurs. La pression au centre de l’ensemble serait
alors de 0,95 bar, et de 0,79 à sa périphérie. Et la température y
serait réglable à volonté au moyen d’un simple jeu de miroirs orbitant
entre les Grâces et le système.
Dernier point, mais non le moindre et loin de là, une atmosphère donnait encore plus de souplesse à l’articulation
On
hésita légèrement : le temps de calculer un peu (mais les Trégratiens
adorent les maths). Dès 11 198 on commença donc à alimenter l’ensemble
en construction au moyen d’un gaz fabriqué sur place et qui se composait
–tenez vous bien– d’un volume d’oxygène pour 4 volumes d’azote. Le
système employé, simple et sûr, était basé sur un curieux entrelacs de
tuyaux basse pression se promenant dans le vide sur des centaines de
millions de kilomètres, régulièrement coupés par des corps célestes et
s’auto-réparant illico. Cela marcha tellement bien que l’on décida
d’étendre l’atmosphère à mille kilomètres au-delà de ce qui était
nécessaire. On disposerait ainsi d’une protection anti-météorique
supplémentaire, au cas improbable où le réseau de lasers lourds (que
l’on n’avait pas manqué d’installer) laisserait passer une caillasse
quelconque. Autre avantage, la pression au centre de l’ensemble était
maintenant à 1,02 bar, et à 0,87 en périphérie de la zone habitée.
Les
premières habitations furent construites en 11 201, les premières
plantations vraiment réussies virent le jour dix ans plus tard, et la
colonie déclarée « installée » en 11 241, date de la fin de l’expansion
de son atmosphère.
De nos jours …
Triple Grâce est située en
75988 / 34057 / 4599, dans le secteur mal exploré dit des Etoiles
Brisées. Elle est à 1 109,8 AL de Vonda, et à 1 346 AL de Terra Formata.
Elle est composée de 2 521 732(2) planétoïdes en libration sur un «
Point de Skrrrezxk ». La distance moyenne entre chaque planétoïde est de
deux mille mètres, mais il arrive souvent que deux corps se frôlent.
L’atmosphère y est respirable par toutes les espèces qui y résident. Sa
position relativement centrale au sein des Etoiles Brisées fait de
Triple Grâce une des trois escales possibles entre Viala / Vonda d’une
part et Dante Aloïsi d’autre part(3). Cependant, les vaisseaux de
passage ont rarement l’autorisation de s’aventurer au centre du réseau
de planétoïdes.
Les habitants, qui se nomment « Trégratiens »,
sont au nombre 764 085 000 environ, soit une moyenne de 303 par
planétoïde. Ils sont humains à 80%, les autres étant des ET d’espèces
très variées. On n'y rapporte aucun problème de cohabitation. Triple Grâce
est un monde indépendant NT5. Le mode de gouvernement est une
démocratie parlementaire somme toute assez classique, sans chef
suprême. Sans être xénophobe, le Trégratien « moyen » est assez rétif à
tout contact avec l’étranger. Il assez difficile d’obtenir des visas
permettant de circuler sans limite dans tout le système. Cependant, les
organisations veillant au respect du droit des êtres ont toujours pu y
travailler sans contrainte, et il existe des zones touristiques
permettant aux passagers des vaisseaux faisant escale d’avoir un aperçu
de la magnificence du site.
Economie
On aura deviné qu’elle
est principalement autonome. Triple Grâce exporte cependant des matières
premières, et importe de la technologie ; dont tous ses astronefs. En
effet, pour trouver une étoile à Varlets dans ce secteur : bonjour !
Ecologie
C’est
la préoccupation n°1 des Trégatiens, et pas seulement parce qu’ils
aiment les fleurs. La culture, la possession et la diffusion de plantes
de toutes sortes est plus qu’une institution : elles sont dans l’ordre
des choses. Le plus modeste étudiant emménageant dans son modestissime
conapt n’aura de cesse de le transformer en serre. Il aura pour ce
faire l’aide de tout son entourage, même la plus vague des relations.
Refuser une bouture à quelqu’un est considéré comme un affront ; sauf si
la plante est l’objet d’un brevet commercial, évidemment. Voir passer
au-dessus de sa tête un planétoïde couvert d’une chevelure de céréales
ne surprend personne.
Voilà ce que peut savoir de Triple Grâce un habitant de Terra Formata un peu cultivé.
(1) Et un petit coucou à Edmond Hamilton au passage.
(2) Le nombre initial a du être revu à la baisse suite à quelques problèmes d’équilibrage du système.
(3) Les deux autres étant de simples stations intrasystèmes Navyborg dont la seule raison d’être est leur usine à antimatière.
Constantine Thelma Norjansk, née Soélla.
Fiche de renseignements trouvée sur la Toile – elle est datée du 7 Rosa 11 498.
Elle
voit le jour le 5 Jonas 11 292 sur Kérylum, Triple Grâce. Fille unique
d’un couple de Teknos ; elle mène une enfance assez casanière. Bonne
scolarité, bonnes études, elle intègre la Loge Tekno en 11 311, assez
tard donc. Comme tous les Teknos, elle fait ses premières armes comme
stagiaire attachée à diverses fonctions. Elle trouve sa voie lors d’une
série de missions où elle rejoint une équipe spécialisée dans les
maladies des plantes. L’écologie entre alors dans sa vie.
Sa
carrière de Guildienne est relativement longue, puisque ce n’est qu’en
11 355 qu’elle devient Libr’Af Conceptrice (elle ne passera jamais son
Arkitekta). Elle se met à son compte et voyage de monde en monde en une
boucle passant par les secteurs de Dante, Eményme, Lisa, Framouaze puis
Dante de nouveau. Ce faisant, elle acquiert une grande expérience des
écosystèmes. Elle revient sur Triple Grâce 11 397 où elle se marie avec
Mercade Norjansk, descendant du concepteur du système atmosphérique de
Triple Grâce. Mais selon toute apparence, c’est toute seule qu’elle
monte le projet qui devait faire le début de sa fortune : une méthode
révolutionnaire permettant la mise en forme de plantes variées avec une
liberté jamais connue. Elle crée ensuite l’écosystème complet d’un
astéroïde Trégratien isolé (qui sert toujours actuellement d’hôtel de
luxe aux touristes en transit). Elle commence alors à être connue. Elle
propose et réalise ou fait réaliser des projets de plus en plus gros, y
compris en 11 439 le dossier de terraformation de Turrécaffe IV, à la
demande des six Églises. Ce projet monumental est toujours en cours de
réalisation. Elle continue à accepter des contrats jusqu’en 11 464, date
à laquelle elle déclare « ne plus se consacrer qu’aux dossiers en cours
».
Ce que l’on peut retenir de cette remarquable carrière est
sa lente mais irrésistible montée en puissance. Constantine Thelma n’est
pas un « génie », un de ces esprits flamboyants dont les idées fusent
comme autant d’étoiles filantes mais une intelligence méticuleuse, basée
sur l’expérience et le travail. Ces dernières ont un avantage certain
sur les premières : leurs projets aboutissent plus souvent.
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La hussade est un sport décrit dans "Trullion : Alastor 2262" (titre original : Trullion: Alastor 2262). Ce un roman de science-fiction a été écrit par l'auteur américain Jack Vance ; paru en 1973 puis traduit en français et publié en 1977. Ce roman fait partie du Cycle d'Alastor (ou Les Mondes d'Alastor) qui en compte trois, sans liens entre eux.
Résumé
Les Trills, habitants de la planète Trullion (Alastor 2262), mènent des vies paisibles et festives, du style de celles des planteurs lousianais, si l'on excepte trois facteurs : les Merlings, des créatures aquatiques néfastes ; les Trevanys (des gitans) ; et un jour, un raid d'étoiliers (des pirates de l'espace). Le jeune Glinnes Hulden, ayant soif d'aventures, décide de s'engager dans la Whelm, la puissante flotte du Connatic. Il y est confronté à des révoltes étranges, comme celle du Peuple Laid, qui refuse le bonheur satisfait de l'Amas.
De retour chez lui, Glinnes trouve une situation déplaisante. Son père est mort, tué semble-t-il par un Merling. Son frère Glay a rejoint la « Fanscherade », une sorte de proto-fascisme qui prétend faire de Trullion un puissant monde industriel. Pour aider sa cause, il a vendu une part essentielle du domaine familial. Glinnes veut la racheter, mais la famille Vang, des Trevanys, le rosse et lui vole son pécule.
Glinnes tente alors de gagner de l'argent en jouant à la « hussade », ce sport populaire et compliqué qui voit des équipes d'acrobates s'affronter sur des passerelles au-dessus d'une piscine. Le succès n'est pas toujours au rendez-vous, les malversations fréquentes, aussi son rêve de regagner ses biens semble-t-il inaccessible.
Pendant ce temps, les Fanschers ont usurpé des terres sacrées pour les Trevanys, ce qui donne lieu à une bataille ; les Trevanys sont décimés, les Fanschers, traumatisés, préfèrent se disperser. Le Connatic débarque incognito pour enquêter. En le rencontrant, Glinnes réalise que le nouvel occupant du domaine familial, qui finance aussi ses adversaires à la hussade, est en fait un tristement célèbre étoilier, venu prendre sa retraite sur Trullion. En le faisant arrêter, il récupère sa demeure ainsi que la belle Duissane, dernière fille de la défunte famille Vang, qui accepte semble-t-il son offre de vivre avec lui.
Autres titres du Cycle
2e : Marune : Alastor 933 (1975)
3e : Wyst : Alastor 1716 (1978)
Le terme "conapt" est tiré d' "Ubik" (titre original Ubik) qui est un roman de Philip K. Dick, écrit en 1966, publié aux États-Unis en 1969 et en France en 1970 dans une traduction d'Alain Dorémieux. C'est une œuvre classique de la littérature de science-fiction. En 2005, le magazine Time le classait parmi les 100 meilleurs romans écrits en anglais depuis 1923 ; le critique Lev Grossman a commenté ce livre comme une « histoire d'horreur existentielle profondément troublante, un cauchemar dont vous ne serez jamais sûr de vous être réveillé. »
La situation sociale et politique : Ubik, un roman anti-capitaliste ?
La société future (de 1992) que décrit Dick (en 1966 ou 1969) est celle d’un monde complètement capitaliste : les vrais dirigeants ne sont pas les chefs d’État, qui se distinguent par leur absence, mais les chefs d’entreprises tentaculaires quasi-monopolistiques. Le roman suit certains de ces derniers :
- Stanton Mick, magnat, cherche à lever des capitaux gigantesques pour mettre au point un moyen de transport interplanétaire complètement nouveau, permettant l’émigration vers Mars : ainsi Israël pourra émigrer sur les déserts de Mars pour les fertiliser ;
- Ray Hollis entretient une société de « psis », mutants permettant, contre rémunération, d’espionner des concurrents grâce à leurs « talents psioniques » (télépathes, précognitifs, etc.) ;
- Glen Runciter emploie des « anti-psis » dont le « contre-talent » annule celui des psis.
Runciter et Hollis se livrent donc une guerre tacite aussi bien au niveau médiatique que sur le terrain.
Allégeance au capitalisme : Si Runciter et ses meilleurs agents « psis » se rendent sur la Lune au mépris de tous leurs principes affichés, c’est parce qu’on les attire avec un appât incontournable : « un gros contrat ». Quand Joe Chip, personnage principal ayant des difficultés à ordonner correctement son portefeuille, est susceptible de devenir le successeur de Runciter à la tête de l’entreprise, il réalise qu’il n'en est pas capable, ne pouvant gérer son argent ou payer ses impôts à la date fixée.
Résilience au capitalisme : Le capitalisme est mis systématiquement en scène par le biais d’actes quotidiens : l'argent domine une société où tout est payant. Dans un appartement (un « conapt »), le contrat de location prévoit qu’il faut payer chaque fois qu’on veut ouvrir une porte, le réfrigérateur, faire du café ou prendre une douche. Dans cette société avoir les poches pleines de pièces de monnaie est la norme. Cette vie pourrait-être « kafkaïenne » (et elle l’est en partie : au moment d’acheter la poudre magique Ubik, Joe Chip n’a pas les quarante dollars nécessaires). Mais Dick aborde plutôt ce thème sous l’angle de la comédie satirique : ses héros savent se débrouiller dans ce monde qui serait invivable pour nous. Ses héros sont « résiliants », ainsi le raisonneur Joe Chip n’a jamais de pièces de dix cents pour mettre dans le monnayeur de la porte, mais : « Joe sortit un couteau en acier inoxydable (…) et entreprit systématiquement de démonter le verrou de sa porte insatiable. – Je vous poursuivrai en justice, dit la porte tandis que tombait la première vis. – Je n’ai jamais été poursuivi en justice par une porte », par la suite Joe se débrouille pour faire payer ses visiteurs. Quand le temps « régressera » et qu’un employé de 1939 refusera une pièce datée de 1940, c’est calmement que Joe cherchera et trouvera dans ses poches une pièce de 1938.
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