lundi 22 octobre 2012

En mars chez les Martiens

Source : http://anniceris.blogspot.com/2012/03/en-mars-chez-les-martiens.html




  • Je ne crois pas avoir vraiment envie d'essayer la nouvelle adaptation du roman de Burroughs, Under the Moons of Mars / Princess of Mars (John Carter [of Mars]), qui sort pour le centenaire du roman, malgré le fait que Michael Chabon ait participé à des réécritures du script.

    Il y a pourtant peu d'oeuvres aussi importantes dans l'histoire de la science-fiction que ce Pulp d'Aventure d'Edgar Rice Burroughs d'avant la Première Guerre mondiale. Le roman n'a pas créé le genre de la "Romance planétaire" (par exemple, le Britannique Edwin Arnold l'avait fait six ans avant lui dans Lieutenant Gullivar Jones: His Vacation), mais elle a peut-être créé, mieux que Scarlet Pimpernel ou Zorro, le genre du Superhéros : John Carter devient un surhomme en arrivant sur Mars et on sait que le premier superhéros, Superman, est l'inversion de cette idéalisation colonialiste : Clark Kent est John Carter + Tarzan à l'envers.

    Carter est supérieur aux Martiens et se taille son empire en épousant la Princesse Dejah (alors que dans le roman d'Arnold, la fin est une désillusion où le héros sauve la Princesse Heru mais se voit refuser sa main). Kal-El est un Kryptonien élevé par les humains comme le Tarzan de Burroughs avait été élevé par des singes mais au lieu de conquérir les Terriens et Lois Lane, il les sert avec abnégation.


  • Un des premiers romans à inverser le cliché où l'humain vient séduire une Belle et Lointaine Martienne est A Prophetic Romance (1896) d'un auteur inconnu ("John F. McCoy") où le narrateur, un Haut-Commissaire envoyé par le gouvernement planétaire de Mars à la fin du XXe siècle vient sur l'utopie terrienne (démocratie directe et végétarisme) et tombe amoureux d'une Terrienne.

    Il y a une double distanciation originale comme la Terre du futur n'y est pas décrite, comme d'habitude, par un voyageur dans le temps mais du point de vue d'un explorateur extraterrestre dépaysé.



  • Le roman de Burroughs est aussi un Western avec une Nouvelle Frontière qui montre que la convention changeait déjà dans ces années 1910 : le peuple sympathique y est les "peaux-rouges" indigènes ("farouches et braves") et Carter, ancien soldat virginien de la Confédération sudiste, va devenir un seigneur de guerre pour ses amis Verts avant de tomber amoureux d'une Rouge et devenir l'ancêtre d'une dynastie de héros métis. En revanche, sans vouloir être PC, les Martiens "Jaunes" et les "Noirs" semblent bien correspondre à des clichés racistes.

  • Le si riche site Cool French Comics a une chronologie des oeuvres de SF française sur Mars.

    En 1889, un scientifique de 25 ans passionné d'aérostats, Raoul Marquis (1863-1934?, il signe "Henri de Graffigny") publie (avec de très nombreuses illustrations) une énorme fresque à la Verne, un roman de vulgarisation astronomique, Les Aventures Extraordinaires d'un Savant Russe (co-écrit avec le romancier Georges Le Faure et publié en quatre épais volumes de 1889 à 1895).

    10 ans avant, Jules Verne avait fait voyager son Hector Servadac sur une comète jusqu'à la planète "Gallia" (où il s'amusait aussi avec la gravité), ici, chez Graffigny & Le Faure, le savant russe Wassili Ossipoff invente un explosif, la "sélénite" pour voyager dans le système solaire. Accompagné de sa fille brillante Sélénia, du fiancé français un peu idiot de cette dernière, le Comte Gontran de Flammermont (hommage à Camille Flammarion, qui écrit la préface, et un diplomate de l'accord franco-russe, il a un petit côté Marquis de Norpois avant la lettre), d'un investisseur américain Jonathan Fahrenheit, et du trickster rusé, laid et misogyne Alcide Fricoulet, ils vont aller faire un Grand Tour des planètes habitées, la Lune puis chacune des planètes (dont un tour chez les hommes ailés de Mars), tout en devant lutter contre un autre savant russe maléfique, Feodor Sharp, qui a volé la formule d'Ossipoff et enlevé Sélénia.

    Ces Aventures du Savant russe rappellent le roman américain qu'on considère parfois comme un des premiers space opera, Skylark (1928) de E.E. Smith. Skylark avait encore des inventeurs verniens isolés, et aussi deux vaisseaux concurrents (où DuQuesne a volé la formule au héros) explorant des mondes proches.
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