Zorro a soufflé ses cent bougies le 9 août 2019, et il est bon de revenir sur celui qui est le précurseur de tous les super-héros.
Avant de devenir une star du petit écran, c'est sur le papier qu'il a vécu ses premières aventures. L'écrivain américain Johnston McCulley a créé le personnage dans un feuilleton intitulé Le Fléau de Capistrano, pour la gazette illustrée américaine All-Story Weekly. Né le 2 février 1883 à Ottawa, dans l'Illinois, ce brillant étudiant en histoire fut d'abord reporter de faits divers pour le tabloïd The Police Gazette, puis officier en charge des relations publiques de l'armée américaine pendant la Première Guerre mondiale.
Lecteur compulsif, il va devenir à son tour un auteur incroyablement
prolifique. Sa bibliographie donne le tournis : près d'un millier
d'œuvres - nouvelles, romans, scénarios - sous divers pseudonymes (dont
un féminin). Polars, aventures historiques, westerns, sa palette est
large. Jusqu'au jour où il a l'idée de mettre en scène dans la
Californie du Sud des années 1800, sous occupation espagnole, un jeune
noble nommé don Diego Vega (rebaptisé plus tard don Diego de la Vega). "Sans
donner de date précise, contrairement à la série, McCulley prit
toutefois la précaution d'évoquer des lieux connus, comme les villages
de Reina de Los Angeles et de San Juan de Capistrano, et les villes de
Monterey et de Santa Barbara", indique Michelle Roussel, co-auteure, avec Didier Liardet et Olivier Besombes, d'un ouvrage de référence, Zorro, l'emblème de la révolte (éditions Yris, 2015). Issu d'une riche famille terrienne, don Diego Vega devient le pourfendeur de l'oppression et de l'injustice en opérant secrètement sous le nom de Zorro, "renard" en espagnol. Il révèle à la fin de l'histoire, qu'il est Zorro au gouverneur de Californie et à la population.
L'auteur s'inspire de trois personnages :
-Monrouge, (personnage de justicier anglais sous la Révolution française créé par la baronne Emma Orczy en 1903) où l'aristocrate anglais Sir Percy Blakeney revêt également un costume de justicier et il prête surtout assistance à d'autres aristocrates durant la Révolution française;
- Joaquin Murietta
(1829–1853) qui lors de la ruée vers l'or en Californie vengeait les
mineurs latinos des exactions perpétrés par les Anglo-américains (sa vie
avait fait l'objet d'un roman de John Rollin Ridge en 1854);
- et William Lamport (1611-1659), un contrebandier irlandais qui marquait ses victimes d'un Z influencé par l'esprit de justice de son grand-père Patrick,
il est escrimeur un hors pair. Aux côtés de pirates, il pille des
navires anglais, avant de jeter l'ancre en Espagne, afin d'y gagner les
faveurs de la Couronne et de se faire appeler Guillen Lombardo.
Envoyé au Mexique, probablement comme espion, il découvre
l'insupportable condition des Indiens et des esclaves noirs exploités
par les Conquistadores et s'acharnera à les libérer, agissant dans l'ombre. Accusé de sorcellerie et de conspiration par l'Inquisition, mais aussi d'adultère pour avoir séduit la femme d'un vice-roi, Guillen Lombardo
croupira de longues années en prison avant d'être condamné au bûcher.
En 1872, le général mexicain Riva Palacio, écrivain et franc-maçon,
emprisonné à deux reprises pour ses idées libérales, lui a consacré l'un
de ses romans historiques, "Mémoires d'un imposteur. Don Guillén de Lampart, roi du Mexique".
Quant au surnom de Zorro, McCulley l'a certainement emprunté à Martin Garatuza, autre roman historique de Riva Palacio, en 1868, qui met en scène un noble défiant l'autorité, cachant son identité sous un masque. Et surnommé El Zorro... Mais il serait réducteur de ne voir qu'opportunisme dans la reprise de ces trois personnages par McCulley, à savoir don Guillen, son ami don Diego et Martin Garatuza.
Il s'est nourri de ses lectures et de sa culture pour créer un
personnage correspondant à ses convictions. Certes moins complexe, plus
contemporain, surtout en butte à la corruption des puissants.
Mais Zorro, dont le nom signifie «renard»,
n'a pas attendu longtemps pour s'incarner à l'écran : en 1920 déjà
sortait une adaptation cinématographique de ses péripéties, sous le nom
de Le Signe de Zorro, dans laquelle Douglas Fairbanks, le Tom Cruise de l'époque, joue le rôle de Zorro. Zorro était si populaire que le public a demandé plus d'histoires sur Zorro après avoir vu Douglas Fairbanks adapter l'écran muet de la création de McCulley. Les nouvelles rencontrent un immense succès après les parties de l'histoire The Adventures of Zorro publié en 1922 et sont rééditées en 1924, en grand format cette fois, sous le titre The Mark of Zorro qui reprend aussi la nouvelle The Curse of Capistrano, où l'on voit don Diego, qui se fait passer pour un jeune homme timide et craintif combattre le sergent Gonzales et le capitaine Ramón. Quant à la jolie Lolita, elle n'est pas insensible au charme du rebelle. Et dans "The Adventures of Zorro", le méchant capitaine Ramón est ressuscité dans "La malédiction de Capistrano" pour qu'il puisse se venger avec une bande de pirates et kidnapper Lolita Pulido. Pour la sauver, Zorro doit encore reprendre le masque. En termes d'aventure pure, " The Adventures of Zorro"
est encore plus excitant - plus rapide et plus varié dans son action -
que l'original plus romantique. Un choix insupportable est proposé à la señorita Lolita : épouser l'odieux Ramón ou regarder son bien-aimé Diego être torturé à mort. Cela permet de réaliser un nouveau film avec Douglas Fairbanks en 1925, Don Q, Son of Zorro. Puis Johnstone McCulley revisite Zorro dans The Zorro Rides Again dans le magazine Argosy en 1931, et ayant révélé son identité dans Le Fléau de Capistrano, on comprend facilement l'aide de la population à son encontre dans ce roman. En 1941, dans The Sign of Zorro, Lolita est morte d'une courte fièvre après son mariage avec Diego, qui est ensuite resté autour de son hacienda jusqu'à ce que la belle Panchita Canchola
implore son aide et le pousse à revêtir à nouveau son masque. À la fin
de ce roman, la belle señorita semble devenir la deuxième Señora Vega, mais ses yeux étincelants ont dû perdre leur éclat parce que nous ne l'entendons plus jamais. Dans le magazine West en 1944, il introduit le serviteur muet Bernardo, le Franciscain Frère Felipe et son père Dom Alejandro, le respecté propriétaire du ranch de Reina de Los Angeles, qui sont les seuls à savoir l'identité secrète de Zorro, et en juillet, dans Zorro Draws His Blade, il introduit aussi le sergent Manuel Garcia, qui devient un antagoniste récurrent.
Depuis, pas moins de 55 films mettent en scène le héros masqué Zorro dont le premier film couleur de Republic Pictures en 1936, The Bold Caballero et un sérial de 1937 en 12 chapitres, Zorro Rides Again (1937), puis Tyrone Power
l'incarne en 1940 dans l'une des versions du personnage les plus
appréciées, et d'autres dans des films européens entre 1952 et 1973, avec
Walter Chiari (1952), avec Tony Russel (1965), avec Howard Ross (1965), avec George Ardisson (1968), avec Dean Reed (1968), avec Alberto Dell'Acqua dans une comédie avec Franco Franchi & Ciccio Ingrassia, Il figlio di Zorro (1973), Alain Delon l'interprète aussi en 1975 pour "faire plaisir à son fils", Georges Hamilton (Dracula) suit dans le parodique La Grande Zorro en 1981 et, plus récemment, l'espagnol Antonio Banderas en 1998 dans l'adaptation de Martin Cambpell en 1998 qui redonne un souffle nouveau à Zorro au cinéma, puis 2005, alliée de sa sémillante coéquipière Catherine Zeta-Jones; mais aussi des séries télévisées dont la plus fameuse est produite par Walt Disney en 1957, un an avant la mort de Johnston McCulley (en 1958), son générique est devenu célèbre, et c'est Guy Williams
- 1m 90 et un vrai talent d'escrimeur - qui joue le justicier
hispanique de cette série, colorisée en 1992, il y exécute sans doublure
tous les duels alors que la pointe des épées n'était pas mouchetée,
sans oublier la série des années 1980, Zorro and Son, la série de 88 épisodes, Les Nouvelles Aventures de Zorro, coproduite par Ellipses (France), Rai (Italie) et New World (États-Unis) entre 1990 et 1993, tandis qu'en Colombie et aux Philippines, ont été récemment tournées des séries télé de Zorro,
comptant respectivement 112 épisodes (2007, vendue dans 97 pays) et 98
(2009); et des dessins animés parmi les plus connu celui de Mondo Television (Italie), La Légende de Zorro en 1992 sous le format de l'animation japonaise et sa dernière adaptation audiovisuelle remontant à 2015 avec Les Chroniques de Zorro, un dessin animé en images de synthèse diffusé sur France 3; ainsi que d'autres romans, notamment "Zorro : The Novel" de 2005, où la romancière chilienne Isabel Allende imagine l'arrière-plan du personnage de Zorro et le décrit comme "un mélange de Robin Hood, Peter Pan et Che Guevara".
La BD notamment un comics britannique publié en 1952 par L. Miller & Son dans une version moderne utilisant des avions, celles de Dell de 1938 à 1955, et de 1956 à 1959, les aventures de Zorro que dessina Jean Pape de 1967 à 1980 à partir de la série TV, de Marvel en 12 volumes en 1990 avec son sideckick féminin Lady Rawhide, puis avec Zorro vs Dracula en 1993, le comic strip entre 1999 et 2001, le comic book Django/Zorro, publié en 2014 par DC et Dynamite Entertainment, dont l'intrigue se déroule quelques années après les événements de Django Unchained, et menacé par un mandat d'arrêt, le cow-boy vengeur parcourt l'ouest des États-Unis, met sa femme, Broomhilda en sécurité à Chicago, et sur sa route, il croise le chemin de Don Diego de la Vega, alias Zorro,
et décide de devenir son garde du corps, alors que les deux hommes se
donnent alors pour mission de sauver des peuples autochtones de
l'esclavage, puis une série de comic book entre 2018 et 2019
pour le 100 ans du personnage, où il affronte des démons, des vampires
et d'autres menaces paranormales ; la chanson comme celle du Français Henri Salvador, 1964; ou les jeux vidéo notamment Zorro and Son sur Commodere 64 et Apple II, Zorro : A Cinematic Adventures, sur Capstone DOS Video en 1995, The Mask of Zorro sur Game Boy Color en 1999, Shadow of Zorro sur Playstation en 2000, Zorro sur Nintendo Wii en 2009 et Nintendo DS en 2010, et une apparition sur le jeu Persona 5 en 2017 sur Playstation 4, ont aussi copieusement exploité l'image de Zorro. Le créateur de Batman, Bob Kane, a dit avoir très influencé par le film muet "Le signe de Zorro", avec Fairbanks, pour inventer son super-héros à la cape noire, et même par le destrier Tornado pour imaginer sa Batmobile, et Zorro fut aussi une inspiration pour El Aguila chez Marvel Comic.
Les aventures de Don Diego de la Vega,
fils d'un notable, qui se fait justicier la nuit, dissimulant sa
véritable identité derrière un loup noir, ont su toucher des millions de
lecteurs et de spectateurs jusqu'à aujourd'hui, 100 ans après la
naissance de Zorro. Et l'aventure continue. Un projet, avec l'acteur mexicain Gael Garcia Bernal, est en préparation à Hollywood. En 2016, Bold Venture Press a republié les histoires de Zorro, puis des histoires originales en 2018 comme Zorro and Little Devil, et souhaite publier en 2019 les Tales Old's Zorro California de Johnston McCulley. Enfin, Quentin Tarantino, réalisateur de Pulp Fiction et Kill Bill travaille sur une adaptation de sa bande dessinée mettant en scène Django et Zorro.
Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures qui m'ont beaucoup aidé :
Roy Thomas, Alter Ego #158, TwoMorrows Publishing, 2019,
https://www.heraldnet.com/life/zorro-the-masked-avenger-is-still-a-thrill-100-years-later/, http://www.hurriyetdailynews.com/z-for-zorro-100-years-on-145469,
Merci !
1 commentaire:
Sur les liens entre Zorro et Batman, mais aussi avec le vampire Dracula ou le détective Sherlock Holmes, plusieurs illustrateurs de bande dessinée ont confirmé.
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