dimanche 8 décembre 2019

Les X-Men de Hickman (épisodes 1-3)

Mégamachine et Suprémacisme

Un des aspects du succès des X-Men est à quel point cela a toujours été l'un des comic books les plus "politiques".

Les autres séries portent avant tout sur la responsabilité éthique individuelle, sur des sujets qui veulent (plus ou moins) bien faire, les X-Men portent  sur la question des choix de l'humanité face à son avenir et comme des métaphores transparentes sur le rapport de la démocratie américaine à ses minorités (les Américains Noirs dans les années 1960, même si tous les membres étaient blancs, et les Gays dans les années 1990 quand la Guerre culturelle des Conservateurs américains et la question du SIDA se concentra sur la question des "Styles de Vie" et des préférences sexuelles).

La série a commencé avec l'opposition entre le Rêve de Xavier (imité du Rêve du Révérend  Martin Luther King) et le suprémacisme mutant de Magneto (en écho au suprémacisme noir de Malcolm X et la Nation of Islam, qui avait fait parler d'eux dès des violences policières à New York en avril 1957 - Malcolm X quitta la Nation of Islam en 1964 et fut assassiné en 1965).

Pour simplifier à l'extrême, les deux épisodes les plus importants de la série (si on laisse de côté des épisodes au retentissement dramatique plus important mais moins politiques, comme la Saga du Phénix noir) sont :
  • (1) Uncanny X-Men n°14-16 (novembre 1965) la première apparition des Sentinelles
Le racisme anti-mutant conduit à la première hystérie avec la création de Robots pour exterminer les Mutants. C'est la Machine inhumaine qui est censée sauver les Humains face à son grand Autre qu'il craint et rejette. La Machine devient alors le symbole de l'aliénation et de l'inhumanité de toute la Machinerie du Génocide, avec ce Moule géant (Master Mold, X-Men n°15-16) qui forge les Sentinelles pour exterminer dans l'Oeuf dès le berceau tous les gènes des Mutants. La Matrice des Sentinelles est le Grand Moloch pour sacrifier les générations futures, le ventre de Mort de Phalaris, le grand Holocauste de métal (et bien plus tard la métaphore sera ensuite filée avec une Tour de Babel et la sentinelle nommée "Nemrod le Chasseur", Uncanny X-Men n°191). Ce Moloch est une imagerie de toute la Modernité depuis au moins le film Metropolis de Fritz Lang pour la puissance mortifère de nos progrès d'exploitation.

Lee & Kirby avaient matérialisé la Shoah comme "Mégamachine" (pour utiliser le terme de Lewis Mumford sur le développement urbain et technologique depuis les premières Cités du Croissant Fertile), et non plus simplement comme une personnification individuelle (Crâne Rouge). L'inconscient de Lee a appelé le créateur des Sentinelles  "Bolivar" comme si on voulait insister sur le Libérateur qui va annoncer tant de Dictateurs (et le film récent en fait un Nain pour ajouter un niveau de handicap physique où celui qui a été exclu par une norme "naturelle" veut créer un instrument artificielle de normalisation).

On avait déjà vu de nombreuses scènes de foule où les Humains voulaient lyncher des Mutants mais c'était la première fois que les X-Men ne luttaient pas seulement contre des Mauvais Mutants séparatistes mais contre la Mutantophobie de ceux avec qui ils sont censés se réconcilier.

Trask faisait référence à une sorte de crainte darwinienne : les Mutants menaçait de nous remplacer et de nous asservir et le remplacement par les Robots était la solution pour lutter contre l'Evolution. Le Progrès technologique comme barrage contre l'algorithme de l'Evolution naturelle. Samuel Butler avait créé en SF la crainte que le Robot ne remplace l'Homme mais je ne sais pas si on avait déjà imaginé avant les Sentinelles ce combat entre les deux fantasmes de la Machine et du Mutant, du Talos de Dédale et du Surhomme héracléen, du Cheval d'Ulysse contre le Héros achilléen.

La métaphore des Sentinelles dans ces premières apparitions est certes assez  simpliste car les Humains n'auront même pas à dépasser leur haine, immédiatement l'arme anti-mutante se révèle aussi anti-humaine. C'est donc assez facile : les Mutants doivent sauver les Humains de ce qui était censé les délivrer de la domination mutante, comme les Jeunes Hippies croient pouvoir sauver leurs Parents d'eux-mêmes (Lee & Kirby appartiennent à la génération d'avant mais ils ont su très bien représenter les fantasmes des Baby Boomers des années 1960-1970).

Et Arnold Drake ajoute ensuite l'idée que Bolivar Trask était animé par un rapport complexe à son fils qui était un Mutant. (le fait que les racistes puissent avoir eux-mêmes un enfant mutant déplacera la métaphore de minorités ethniques vers les minorités sexuelles puisqu'un des aspects des X-Men est toujours un changement à l'adolescence et une opposition générationnelle).

Toute la Saga de voyage dans le temps des Days of Future Pasts (à partir de X-Men n°141, 1981, tout à la fin de la période Claremont-Byrne, où on révèle les futurs dystopiques où les Sentinelles ont fini par l'emporter, exterminer tous les Mutants et pris le contrôle de l'Humanité sont assez directement sortis de cet épisode de Lee & Kirby qui spéculait déjà sur l'avenir prévisible des Mutants.

  • (2) Uncanny X-Men n°161 (septembre 1982), le grand révisionnisme de Chris Claremont sur Magneto

Le Magneto de Lee & Kirby n'était pas du tout représenté comme un leader sincère de la cause mutante. C'était un opportuniste cynique, un fasciste haineux qui voulait exploiter ses congénères mutants pour satisfaire sa Volonté de Puissance. Loin d'être un défenseur de minorités, c'était un suprématiste, le miroir inversé du racisme de la majorité, tout comme l'était la Nation of Islam (même si Malcolm X a commencé à critiquer certains points de la prétendue "Nation of Islam" à partir de 1964 avant d'être assassiné par des membres de cette organisation fanatique).

Cependant, il est vrai que dès le début, Charles Xavier présente sa relation avec Magneto avec une certaine symétrie, comme une sorte de rivalité entre deux dirigeants politiques et non pas seulement une guerre entre le Bien et la Confrérie des Mauvais Mutants. On savait que Magneto et Xavier se connaissaient depuis longtemps mais pas qu'ils avaient été amis et alliés.

Magneto n'était même pas représenté comme juif auparavant, même si on savait qu'il avait vécu en Europe centrale et qu'il avait sauvé des Roms mutants de pogroms (il était d'ailleurs intéressant que Lee & Kirby déplacent toujours la question juive vers les Roms, de même avec les origines de Dr Doom). Magneto était même plutôt au début une image de Hitler dans sa démagogie en faveur des Übermenschen Homo Superior.

Un long processus commença dès les années 1970 quand Magneto fut révélé comme le père de plusieurs héros comme Pietro & Wanda Maximoff ou Lorna Dane.

Chris Claremont alla plus loin dans "l''humanisation" de l'Ennemi en faisant de Magneto un survivant des Camps de la mort. Cela changeait beaucoup de choses dans la dynamique car il était maintenant une Victime de Hitler qui avait des raisons compréhensibles pour en vouloir à toute l'Humanité (ce que les films X-Men et notamment First Class vont adapter directement en faisant de Magneto un Chasseur de Nazis sincère). Pour la première fois, Magneto est montré dans le "Bon Camp" contre le racisme néo-nazi de HYDRA qui occupe tant Captain America et d'autres titres Marvel.

Magneto restait certes encore un Ennemi mais il était plutôt quelqu'un qui s'était fourvoyé et qui suscitait de l'empathie. Il y a une évolution assez générale de notre rapport au Héros (comme on peut le voir par exemple dans le rapport à la Guerre et notamment à la Seconde Guerre mondiale). On est passé du Héros (littérature épique) à la Victime (roman psychologique) et ensuite au Anti-Héros ambigu (mélodrame qui n'arrive même plus à croire à l'innocence des Victimes).

Au lieu d'une différence Bien-Mal, on avait maintenant une différence qui évoquait plus le Proche-Orient et l'Etat d'Israel (qui est au centre de cet épisode n°161 dans le flash-back). De manière inconsciente, les Humains devenaient les Palestiniens et les Mutants les Israéliens (voire les juifs de la Diaspora).

Xavier était l'Ordre international de l'ONU ou plutôt les juifs de gauche qui continuent  à
vouloir accorder une place aux Palestiniens et Magneto était la droite israélienne qui était prête à une politique de nettoyage ethnique des Territoires occupés depuis 1967 au nom des violences subies dans l'Histoire. Certes, Charles Xavier a un nom très chrétien mais l'épisode va fonder la base de toute sa famille israélienne (son fils, le Mutant Légion est le fils de Gabrielle Haller qui apparaît pour la première fois dans cet épisode).

Par la suite, la superposition des métaphores avait ajouté Genosha, le pays où les Mutants ne sont pas exterminés mais parqués et exploités et qui était ensuite devenu brièvement une Terre Promise des Rebelles mutants conduits par Magneto avant de se faire génocider tous à leur tour. Le parcours était là l'Afrique du Sud de l'Apartheid mélangé avec toutes les anxiétés sur le dépassement de ces injustices et l'avenir d'Israel (dont on ne sait jamais si elle finira par être victime d'un nouveau crime contre l'Humanité ou bien par perpétrer un nouveau crime contre l'Humanité). L'idée de Terre Promise est importante pour comprendre toutes les projections des USA sur le Proche-Orient en reflet de leur propre représentation d'eux-mêmes.

John Byrne, qui était parti depuis plus d'un an du titre, ne fut jamais d'accord avec le révisionnisme de Claremont et continua dans sa propre utilisation de Magneto de le faire revenir à son image de quasi-Hitler du début. Mais au fil du temps et malgré des contradictions entre les divers scénaristes, c'est ce révisionnisme de Claremont qui a eu le plus d'effet sur les X-Men. Progressivement, le rapport des X-Men à Magneto et même au Hellfire Club devint plutôt une sorte de rivalité entre des tendances politiques à l'intérieur d'un même "Parti". Magneto et Emma Frost dirigèrent l'Ecole de Xavier, Cyclops, qui était clairement l'Héritier présomptif de Xavier avant de littéralement "tuer le Père", passa de plus en plus clairement vers l'idée que la protection des Mutants devait l'emporter sur la protection des Humains (et où paradoxalement, c'était Wolverine et Storm qui préservaient une part de l'idéalisme du Rêve de Xavier dans une guerre civile entre X-Men au début des années 2010. symboliquement, Cyclops avait construit sa base Utopia à partir de l'Astéroïde M qui servait de repaire à Magneto et on ne pouvait pas plus clairement montrer que l'opposition s'était brouillée. Claremont était revenu dans une série Excalibur sur une collaboration politique entre Magneto et Xavier après l'extermination de la nation de Genosha.

Au fil des nombreux massacres de Mutants pendant des décennies, le Rêve de Xavier est donc de plus en plus terni et même Xavier partage au minimum avec Magneto l'idée qu'il aurait été trop angélique et qu'il n'aurait pas été assez pro-actif dans la préservation des Mutants.


Hickman, Krakoa & Moira

L'Utopie mutante
Jonathan Hickman est sans doute l'un des plus brillants scénaristes de Marvel en ce moment par sa capacité à intégrer à la fois une véritable réflexion de science-fiction et une synthèse de milliers d'histoires antérieures pour les faire évoluer de manière organique. Il y a des analogies avec son run sur les Quatre Fantastiques (2009-2012) où il avait semblé brasser tous les concepts originels en faisant réfléchir Reed Richards à l'optimisation de tous ses Plans.

Dans sa mini-série de 2019 House of X / Power of X, Hickman a de même radicalement changé le statu quo mais tout en semblant continuer assez clairement de très nombreuses pistes des titres antérieures. Peu d'auteurs réussissent cette gageure d'avoir à la fois une voix reconnaissable et de savoir se mêler dans les nombreux fils d'une feuilleton étalé sur plus de six décennies. C'est relativement accessible grâce à un effet de rupture mais Hickman contente aussi les plus fanatiques complétistes par son goût encyclopédique.

Parmi les changements importants, il y a d'abord l'idée d'une grande coalition de tous les Mutants. Xavier accepte un compromis politique avec toutes les factions à la fois, Magneto, le Hellfire Club et même Sinister ou Apocalypse, le premier Mutant immortel qui hante l'Humanité depuis l'Antiquité. La réconciliation avec tous les Terroristes mutants semble presque totale et il ne semble même plus y avoir beaucoup de résistances des X-Men contre ce grand compromis politique de leur fondateur. C'est sans doute le culminant du processus de révisionnisme de Claremont sur Magneto. Il n'y a plus de vilains, que différents mutants tous unis comme bouc-émissaires de l'Humanité. La seule exception interne pour l'instant a été le brutal Sabertooth, condamné pour meurtre commis après la coalition. Même des vilains comme Selene (qui vampirise les autres Mutants) sont acceptés comme des éléments de la vie mutante tant qu'on peut les surveiller.

Cyclops, le héros Oedipien par excellence qui scelle son regard pour inhiber les risques de destruction, a l'air complètement réconcilié avec son Père adoptif qui lui avait forgé ses lunettes (oui, historiquement, certaines histoires disent que c'était Sinister et non Xavier qui avait créé les oeillères de Scott mais Hickman commence symboliquement par un flash-back sur cet objet et la première histoire des X-Men et des New Mutants met à nouveau en scène le père génétique de Scott, Corsair.

(En passant, le plan de la demeure des Summers sur la Zone Bleue de la Lune semble suggérer que Scott, Jean et Logan vivent dans une relation libre ou je projette un ménage à trois là où il n'y en a pas ?)

Au lieu de réutiliser le pays fictif de Genosha (qui fut gouverné par Magneto et détruit), Hickman reprend l'Île vivante de Krakoa, qui occupe une place à part dans la mythologie X-Men comme ce fut le premier adversaire des Nouveaux X-Men en 1975 dans Giant-Size X-Men 1.

L'Île avait été révélée comme un Mutant symbiotique créé par les premiers tests nucléaires (Krakoa est toujours dans le Pacifique même s'il a un Portail vers une de ses "branches" dans l'Atlantique, peut-être pour être plus près de Genosha ou bien de l'Atlantis de Namor). House of X n°6 dit qu'elle mesure environ 800 km2 (soit à peu près la taille de Basse-Terre en Guadeloupe, l'île de Chios ou Bahreïn), mais c'était avant son extension récente.

Un retcon récent dans Deadly Genesis (2005) avait aussi ajouté que l'île abritait Vulcan, le frère de Cyclops et Havok. Krakoa avait erré dans l'espace et avait émis des spores qui devinrent d'autres îles mutantes avant de revenir sur Terre. Le Hellfire Club produisit même plusieurs Clones de ce territoire pour s'en servir comme d'une arme biologique. L'un de ces mutants fusionnant tout un écosystème de faune et de flore fut aussi le site de l'école des Mutants de Wolverine (l'école "Jean Grey", nommée ainsi pour neutraliser la référence au Père encombrant Xavier) et devint même membre de l'école dans la série Wolverine & the X-Men (deux volumes différents de 2011 à 2014, par Jason Aaron).

Krakoa est devenue plus qu'une Base pour les X-Men, c'est la nouvelle Terre Promise de tous les Mutants. Ce n'est pas seulement un refuge car Xavier veut en quelque sorte statuer que tout Mutant sur Terre en est de droit un citoyen, quelle que soit sa nationalité originelle et même si son Etat refuse ce changement de citoyenneté (comme semblent le faire les Grandes Puissances au début, et notamment les USA ou la Russie).

Le Séparatisme mutant va si loin que Hickman a même créé un Alphabet nouveau pour les Krakoans (un peu comme l'Alphabet qu'utilise la Légion des Superhéros 1000 ans dans le futur).

Cette Terre Sainte est aussi la Corne d'Abondance un peu trop omnipotente de la série. Elle fournit à la fois de nombreuses ressources (gemmes, médicaments, Portails de téléportation... ) et même l'Immortalité (grâce à Cérébro, qui a archivé tous les Mutants connus). Et Xavier a commencé un projet de résurrection en masse des tous les Mutants décédés. Et toute l'équipe est déjà morte et ressuscitée une fois depuis le début de la série, dont Jean Grey, sans que le Phénix y soit pour rien cette fois-ci.

On commence donc clairement dans un Retour au Paradis Perdu même si on peut déjà s'attendre aux Guerres civiles futures au Paradis et à de nouvelles Chutes ou Exils hors de ce Jardin des Nouveaux Adams.

L'île a Xavier en Roi-Prophète mais il a instauré un gouvernement nommé le "Calme Conseil" composé de 11 autres membres divisé en 4 "Saisons", où les X-Men historiques sont une minorité : Magneto, Apocalypse, Mr Sinister, Exodus, Mystique, Sebastien Shaw, Emma Frost, "Le Roi Rouge" (identité pour l'instant inconnue mais choisi par La Reine Blanche), Storm, Jean Grey et Nightcrawler, plus l'île de Krakoa elle-même, avec Douglock en interprète de ses volontés. C'est la dramatisation de ce Conseil gouvernemental qui illustre bien que le titre est plus politique que ne pouvait l'être les Quatre Fantastiques ou même les Vengeurs.

Krakoa est un être vivant. Il/elle se reproduit et elle peut être attirée par d'autres Îles vivantes (X-Men n°2). Iel se nourrit de Mutants, avec un régime relativement frugal (un télépathe par an), ce qui fait que la population importante de télépathes est suffisante pour le/a contenter sans qu'ils soient absorbés ou dévorés, du moins tant que ses éléments et notamment ses fleurs dans la Terre Sauvage ne sont pas trop endommagées (X-Men n°3). Il/elle est aussi en symbiose avec Black Tom Cassidy, le cousin de Banshee qui peut s'associer aux végétaux.



μοῖρα
 

L'autre thème majeur de la nouvelle série X-Men est la transformation de Moira McTaggart (orthographe correcte actuelle MacTaggert, j'ignore pourquoi) en une Mutante.

Originellement, Moira est une généticienne, collaboratrice (et amante) de Xavier et la mère d'un Mutant omnipotent nommé Proteus. Elle apparut longtemps comme la principale alliée humaine des Mutants et la spécialiste de leur génétique.

A présent, on apprend qu'elle a le pouvoir de se réincarner à travers le Multivers en gardant à chaque fois le souvenir de sa vie antérieure et qu'elle essaye en vain de changer le futur après chacun de ses décès en un des futurs possibles (un peu comme la Wonder Girl de John Byrne ou par coïncidence plus récente, la nouvelle Rose/Thorn de Brian Bendis dans Legion Millenium).

Moira était déjà morte, tuée par Mystique et Sabertooth mais on révèle que ce n'était qu'un Golem shiar qui avait été touché à cette époque (peut-être parce qu'il n'était pas certain que Cérébro ait en mémoire toutes les archives de Moira si Xavier ignorait qu'elle était une Mutante).

Moira signifie le Destin en grec (littéralement "la part" alloué à chacun) et elle vient annoncer la Destinée de toutes les continuités temporelles. Elle est la Bodhisattva des X-Men et elle a une Mauvaise Nouvelle : "Xavier doit se réveiller de son Rêve. Nous perdons toujours".

Les Mutants finissent toujours vaincus par la Machine, que ce soit les Sentinelles ou le virus techno-organique de la Technarchie (Warlock) et de la Phalange qui ont joué un rôle important dans les Nouveaux Mutants ou dans l'histoire du fils perdu de Scott et Jean, Nathan Summers alias Cable. On naît avec le Gène Mutant mais un Humain peut être infecté par le virus techno-organique (Warlock étant lui-même décrit comme une forme mutante de ce Virus). La branche "humaine" (cyborg) de la Phalange était composée de militants anti-mutants et la Guerre entre Technologie et Nature organique est donc superposée avec celle entre Homo Sapiens et Homo Superior. comme ces Reavers qui sont prêts à se changer complètement en armes robotisées dans leur croisade contre les Mutants (X-Force n°1-2).

Borges, a dit en plaisantant que toute histoire était soit l'Iliade soit l'Odyssée. Les Fantastic Four étaient une Odyssée d'exploration et de retour vers la Famille. La plupart des titres X-Men sont avant tout une Iliade, qui a quelque chose de fatale et qui se répète à travers toutes les myriades des futurs, entre l'Humanité et sa Post-Humanité, avec Moira en Cassandre.

Et c'est probablement un Siège de Krakoa et une chute de la Cité des Mutants qui s'annonce après le énième assassinat de Xavier dès le numéro 1 de X-Force. Le désavantage de cette Guerre interminable est que si la Coalition des Mutants peut être ambiguë, il est difficile de voir une complexité symétrique du côté des Humains du Projet Orchis qui ne rêvent que de génocides.

Mais malgré ce problème de la Guerre des Descendants d'Adam, la force de Hickman est d'avoir cultivé ici toute la thématique des X-Men vers une convergence de la SF transhumaniste actuelle : l'Humanité se condamne-t-elle en croyant atteindre l'Immortalité ou la transcendance dans la Singularité technologique ?

Pour l'instant, Hickman ne semble pas vouloir réutiliser le Phénix et c'est un moratoire bienvenu après tant d'années de retours cycliques. De manière plus intéressante, c'est la Sorcière Rouge qui est décrite comme la plus honnie de toutes les "Mutantes" à cause du sortilège qu'elle avait lancée (lors de l'événement appelé "Décimation" après House of M) qui avait transformé les Mutants en espèce en voie d'extinction en changeant l'immense majorité en Humains "normaux" (Marvel a changé plusieurs fois d'avis sur la question de savoir si la Sorcière était bien ou non la fille de Magneto pour d'obscures raisons de droits dérivés des films). La dé-mutantisation n'était pas un acte d'extermination mais le texte l'évoque comme une violence tout aussi extrême que celle des militants fanatiques.

Les premiers épisodes me semblent déjà s'annoncer comme un des meilleurs runs de toute la série depuis Chris Claremont. Hickman cite souvent Jason Aaron en référence immédiate (et Aaron arrivait aussi à ne pas se soumettre trop totalement à l'ombre écrasante de Claremont) mais c'est peut-être l'ambiguïté politique des scénarios de Kieron Gillen qui se rapprochait le plus de ce qu'il est en train de faire, comme l'équipe de Scott sous Gillen était passée du côté de la Cause de Magneto.

Et pour polémiquer un peu, Grant Morrison avait eu il y a 20 ans un impact énorme sur les fans de cette période mais finalement, que reste-t-il de ses concepts en dehors de l'amour entre Scott et Emma Frost ou des concepts comme Cassandra (la Jumelle Maléfique de Xavier, une de ses pires idées de vilain) ou l'incohérent Xorn ?

Le risque de la technique d'écriture de Hickman qui synthétise tant de fils narratifs est que cela pourrait sonner vraiment comme une Conclusion difficile à continuer...

Sourcehttps://anniceris.blogspot.com/2019/12/les-x-men-de-hickman-episodes-1-3.html

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