Dès ses premières œuvres, le romancier anglais J.R.R. Tolkien, posait les bases d'un genre nouveau, l'heroic fantasy, forme de science-fiction transposée en plein univers médiéval. Grâce au Seigneur des Anneaux, Tolkien
est devenu l'un des écrivains les plus lus et les plus célébrés au
monde. Dans son imaginaire, les chevaliers et les magiciens affrontaient
un bestiaire extraordinaire où les dragons côtoient les elfes... Je
m'excuse d'avance, si je vous donne des éléments des romans de Tolkien et plus particulièrement du Seigneur des Anneaux, je vous conseille de les regarder.
Né
à Blomfontein, en Afrique du Sud, le 3 Janvier 1892, et arrivé en
Angleterre dès 1896, dans le village de Sarehole (près du Pays de
Galles), au moment où son père décède en Afrique, J.R.R. Tolkien
sait lire à 4 ans, se démarque en dessin, langues (surtout le latin),
mais à l'automne 1899, il échoue à passer l'examen d'entrée à la King Edwards School,
qu'il réussit un an plus tard. La famille déménage dans la banlieue de
Birmingham (à Moseley). Pour économiser, sa mère le retire de cette
école (avec son frère) et le place à St. Philips, un collège catholique. Mais en 1903, Tolkien retourne faire ses études à Kings Edwards (le niveau de St. Philips était trop bas) et gagne un prix. Á la mort de sa mère, ils sont placés sous la tutelle du père Francis Morgan, de l'oratoire de Birmingham, puis habitent chez une tante en 1905. Dès sa jeunesse, J. R. R. Tolkien
aime écrire des histoires et inventer des langages qu'il se plaît à
doter d'une étymologie et d'une grammaire. Il exprime cette passion dans
A Secret Vice (1931, repris dans Les Monstres et les critiques et autres essais). À l'université d'Oxford,
il étudie à partir de décembre 1910 la littérature anglaise, plus
particulièrement l'anglo-saxon médiéval, et découvre la grammaire
finnoise, ce qui fut pour lui une véritable découverte linguistique et
la philologie. Il commence à écrire dès 1910, cette œuvre qui va
longtemps rester souterraine. Il se marie en 1916 avec Edith Brat rencontrée en 1905 chez sa tante, après l'avoir convaincue de rompre avec son fiancé George Field,
en 1913 et part pour la guerre en 1916 en tant qu'officier des
transmissions des fusiliers du Lancashire, où il passera un temps dans
les tranchés de la Somme. Rapatrié sanitaire à cause de la fièvre des
tranchés, c'est en convalescence qu'il commence à rédiger The Book of the Lost Tales qui deviendra The Silmarillion (1977, Le Silmarillion),
l'œuvre qu'il ne cessera de remanier tout au long de sa vie, et qui ne
sera publiée qu'à titre posthume. En 1917, il a son premier fils, John. Il commence ensuite une carrière littéraire puisqu'entre 1919 et 1920, il travaille pour l'Oxford English Dictionary, et devient entre 1920 et 1924 professeur assistant à l'université de Leeds, au moment où Michael, et Christopher, son deuxième fils et troisième fils naissent en 1920 et 1924, et le "livre des contes perdus" est pratiquement terminé en 1923 qu'il rebaptise alors le "Silmarillion", puis il est professeur en 1924, et entre 1925 et 1945 professeur titulaire de la chair de vieil anglais du Pembrock College d'Oxford. Tolkien participe à beaucoup de travaux, littéraires ou philologiques (avec notamment des études sur Chaucer – 1936 -, les poèmes anglo-saxons du VIIe siècle - comme Beowulf -, et d'autres thèmes, comme les légendes arthuriennes - Sir Gawain and the Green Knight, 1925-). Et en 1929, naît sa fille Priscilla.
Avant d'écrire le Seigneur des anneaux, Tolkien écrit The Hobbit, or There and Back Again (1937, Bilbo le Hobbit),
qui trouve son inspiration dans une histoire qu'il racontait à ses
enfants. Une de ses étudiantes découvre l'histoire avec enthousiasme, ce
qui le pousse à achever le récit avec entrain. Il s'agit de la quête
burlesque et passionnante d'un groupe de nains accompagné d'un magicien,
Gandalf, qui va chercher à reprendre un trésor volé par un dragon. Ils entraînent avec eux un hobbit, Bilbo,
qui ne connaît rien de plus excentrique que de faire des ronds de
fumée, ni de plus intéressant qu'un bon repas. Jusque-là, Tolkien n'a
publié qu'un essai très remarqué sur Beowulf, le grand poème épique et
peuplé de monstres écrit au Moyen-âge. Bien que très fier de ses ancêtres allemands, Tolkien refuse de faire traduire le "Hobbit" en allemand, lorsque l'éditeur demande de spécifier qu'il appartenait à la race aryenne. Après le succès de Bilbo le Hobbit, sa maison d'édition Allen & Unwin n'apprécie pas du tout le "Silmarillion" que Tolkien
leur propose et lui font comprendre que ce n'est pas ce que le public
attend. Trop difficile, décrète l'éditeur qui continue de le harceler.
L'écrivain accepte alors, un peu à contrecœur, de se lancer dans une
nouvelle histoire. Tolkien entame le deuxième tome fin 1938; il s'interrompt un an (1940) au milieu du tome II. Il attaque le chapitre 31 (fin livre III) en décembre 1942. En 1947, Tolkien fait lire le "Seigneur des Anneaux" à Rayner Unwin (fils de Allen Unwin) qui apprécie beaucoup le roman (c'était le jeune critique du "Hobbit" dix ans auparavant). Après quelques mois de correction minutieuse, Tolkien met le point final au "Seigneur des Anneaux"
en 1949. Il aura fallu en tout douze ans pour l'écrire. Durant la
période de publication du roman (elle a duré cinq ans, de 1949 à 1954),
Tolkien, qui souhaite toujours faire paraître "le Silmarillion" en même temps que "le Seigneur des Anneaux", se fâche avec Allen & Unwin. Il a recours à un autre éditeur, Collins, mais ce dernier ne laisse aucun compromis à Tolkien; le manuscrit revient finalement à Allen & Unwin... au grand dam de Tolkien, le roman est divisé en trois livres pour des raisons techniques et économiques. Mais Unwin et son fils s'engagent à publier le Silmarillion lorsque celui-ci sera terminé.
The Lord of the Rings (1954-55, Le Seigneur des anneaux), paraît alors en trois volumes (La Communauté de l'anneau, Les Deux Tours, Le Retour du roi)
et connaît un succès qui ira grandissant, surtout lors de sa
publication aux États-Unis, en 1966, où il est particulièrement apprécié
sur les campus universitaires. Pour être la suite de Bilbo le Hobbit, ce roman n'en est pas moins très différent. Inspiré du Kalevala, chant mythique finnois que Tolkien avait lu dans sa version originale, il n'est plus écrit pour des enfants, mais pour des adultes. Chez Tolkien on sait qu'on est dans un monde à part, avec de la magie : on est dans la fantasy, c'est une autre branche de la littérature de l'imaginaire. Mais de la fantasy
avec un contexte. La mort de sa mère quand il avait douze ans l'a
marqué. Déjà orphelin de père, il fut élevé avec son frère par un prêtre
oratorien. Cette perte, et les tranchées de la guerre de 1914 où il fut
envoyé comme officier à vingt-deux ans, et où il a perdu des amis très
chers, ont laissé en lui une tristesse indélébile qui explique la
couleur mélancolique de son imaginaire. Dans ses romans, les victoires
sont toujours provisoires et le bien advient parfois par le mal. Cette
vision mélancolique prend aussi pour base son éducation et sa pratique
catholique, à travers le sentiment de loyauté qu'il construit comme une
vertu après son expérience lors des batailles sombres et sanglantes de la Première Guerre mondiale
qui ont alimenté la communauté de l'anneau avec quatre hobbits, deux
hommes, un elfe, un nain et un magicien, une communauté qui a connu des
moments sombres de désespoir et qui est même témoin de trahison - pas
seulement la tentation de Boromir (et Frodon à la fin, une fois qu'il atteint le Mont Destin) qui se ressaisit comme Pierre, mais aussi celle plus surprenant de Saroumane, le sorcier blanc, que Gandalf avait aimé, comme Jésus avait aimé Judas. Tolkien
s'intéressait aussi beaucoup à la nature... les grandes descriptions de
la faune et de la flore, surtout de la flore, sont une corde principale
de l'écriture de Tolkien. C'est quelque chose que l'on retrouve beaucoup dans la littérature fantasy
de cette époque, car nous sommes en pleine industrialisation, c'est une
époque de destruction massive de la vie sous toutes ses formes et
beaucoup d'auteurs essayent de faire revivre la nature dans leurs
œuvres. Son univers, «comme celui des contes de fées des frères Grimm au siècle précédent, est entré dans le mobilier mental du monde occidental», estime l'universitaire Thomas Alan Shippey. Les écrits de Tolkien marquent la renaissance de l'heroïc fantasy, ce genre né au XIXe siècle qui foisonne aujourd'hui. Mais, les femmes sont assez absentes dans la trilogie du Seigneur des anneaux, on peut compter 4 ou 5 personnages féminins et surtout elles sont très statiques (Baie d'Or est l'épouse de Tom Bombadil et reste avec lui, Arwen reste à Fondcombe, Galadriel en Lórien, est une princesse elfique, majestueuse et inaccessible, et Éowyn
doit se faire passer pour un homme avant de participer vraiment à
l'action du récit)... Il y a une mise à l'écart des personnages féminins
qui sont idéalisées d'après le topos médiéval qu'utilise l'auteur.
Les tomes I et II sortent en 1954 : les critiques sont presque toutes unanimes, et le tirage de 4500 exemplaires est vite épuisé.
Dans La communauté de l'anneau
nous voyons que dans les vertes prairies de la Comté, les Hobbits, ou
Semi-hommes, vivaient en paix... Jusqu'au jour fatal où l'un d'entre
eux, au cours de ses voyages, entra en possession de l'Anneau Unique aux
immenses pouvoirs. Pour le reconquérir, Sauron, le seigneur ténébreux, va déchaîner toutes les forces du Mal. Frodon, le Porteur de l'Anneau, Gandalf, le magicien, et leurs intrépides compagnons (Samsaget Gamgie (dit Sam), Meriadoc Brandibouc (dit Merry) et Peregrin Touc (dit Pippin), l'Arpenteur (Aragorn), qui se révèle être un ami de Bilbo et de Gandalf, et aussi l'héritier du trône du Gondor, Boromir le fils de l'intendant du Gondor, Legolas, fils de Thranduil, le roi des Elfes de la Forêt de Grand'Peur, et Gimli, un Nain, fils de Glóin, l'un des compagnons de Thorin Lécudechesne dans Le Hobbit) réussiront-ils à écarter la menace qui pèse sur la Terre du Milieu ? Les sacrifices sont grands car Gandalf dans les mines de la Moria affronte le Balrog pour leur permettre de passer et on le pense mort, puis à Fendeval, où ils rencontrent le roi des Elfes Elrond et Galadriel, puis poursuivent leur chemin, et à la hauteur des chutes de Rauros, Boromir
qui tente de prendre l'anneau à Frondon se ressaisit au moment où la
communauté est attaqué par des orques et trouve la mort en protégeant Merry et Pippin, ce qui pousse Frodon et Sam à aller au Mordor seul.
Puis dans Les Deux Tours, dispersée dans les terres de l'Ouest, la Communauté de l'Anneau (Aragorn, Legolas et Gimli), affronte les périls de la guerre dans les plaines du Rohan et dans la forêt de Fangorn (Merry et Pippin), où Gandalf
que l'on croyait mort les retrouver et doit mener la bataille du
Gouffre de Helm contre les orques et les uruk-hai ressemblant à la bataille de la Somme en 1916 et au siège de Vienne en 1683 où la cavalerie polonaise sauva la ville comme dans le roman celle de Rohan, et celle de contre la forteresse de Saroumane (qui a trahi pour Sauron), Isengard, que mènent les deux hobbits, Merry et Pippin avec les Ents de Barbebois (qui ont découvert qu'il détruit la forêt pour alimenter le feux de ses machines), tandis que Frodon, accompagné du fidèle Sam Gamegie,
poursuit une quête presque désespérée : détruire l'Anneau Unique en le
jetant dans les crevasses d'Oradruir, la Montagne du destin. Mais aux
frontières du royaume de Mordor, une mystérieuse créature Gollum les épie... pour les perdre ou pour les sauver ?
Les lecteurs attendent avec impatience le tome III. Mais plusieurs cartes sont à refaire (c'est Christopher Tolkien
qui s'y attelle), et de nombreux lecteurs réclament des
éclaircissements sur les personnages, les territoires... Ce qui retarde
grandement la publication. En mars 1955, peu avant la publication du tome III, Tolkien écrit : "Je
souhaiterais à présent n'avoir jamais prévu d'appendices ! car leur
publication, sous forme tronquée et abrégée ne satisfera personne ; et
certainement pas moi, et manifestement pas non plus, à voir le nombre de
lettres (en quantité ahurissante !) que je reçois, les gens qui aiment
ce genre de choses -et ils ont étonnamment nombreux".
Le tome III paraît en 1955, et c'est un nouveau concert d'éloges... Il faut dire que Le retour du roi nous montre que le royaume de Gondor s'arme contre Sauron,
le seigneur des ténèbres, qui veut asservir tous les peuples libres,
hommes et elfes, nains et hobbits. Mais la vaillance des soldats de
Minas Tirith ne peut rien désormais contre la puissance maléfique du
Mordor. Minas Tirith est finalement libéré par les cavaliers du Rohan, et par Aragorn
à bord des navires d'Umbar, ce dernier ayant libéré le sud du Gondor
grâce à l'armée des Morts. La bataille des champs du Pelennor se conclut
par une défaite des forces de Sauron et par la mort, donnée par Eowyn de son plus puissant lieutenant, le Roi-Sorcier.
Un fragile espoir, toutefois, demeure : le Porteur de l'Anneau, jour
après jour, s'approche de la montagne où brûle le feu du destin, seul
capable de détruire l'Anneau Unique et de provoquer la chute de Sauron, et Aragorn mène une armée devant la Morannon, la Porte Noire du Mordor afin de faire diversion... Finalement Frodon, le héros du Seigneur des anneaux, chargé de détruire l'anneau de pouvoir que convoite le maléfique Sauron en le jetant dans un volcan, au dernier moment ne voudra plus s'en séparer. Frodon échoue et pourtant la quête aboutit : c'est le triste Gollum qui, en se jetant dessus pour s'en emparer, tombe avec l'anneau dans le volcan. Tolkien n'est jamais manichéen. La destruction de l'anneau entraîne la chute de Sauron et permet la restauration d'une royauté heureuse, mais Frodon est définitivement brisé.
Le premier chèque de droits d'auteur envoyé par Allen & Unwin, en 1956, dépasse le montant de son salaire annuel à Oxford ! Tolkien
sera surpris de cette fortune tardive après des années d'économie;
mais, en bon Hobbit, il ne vivra pas dans le luxe pour autant. Mais ce
n'est pas avant le milieu des années 60 que l'univers de Tolkien capture l'attention du grand public, lorsque que le "Seigneur des Anneaux" est publié en livre de poche.
En 1957, Tolkien reçoit une proposition d'adaptation de sa trilogie par Forrest J. Ackerman,
auteur et éditeur de science-fiction. Le film serait un savant mélange
de prises de vue réelles, de miniatures et d'animation, avec une durée
totale de trois heures – durée très inhabituelle pour l'époque, mais il
s'avère réticent dans les coupes faites au scénario. La même année, Tolkien doit aller aux États-Unis pour recevoir différents honneurs à Harvard (et dans d'autres universités...) mais le voyage est annulé en raison de la santé de sa femme Edith. Après avoir quitté son poste de professeur en 1959, Tolkien passe le reste sa vie à travailler sur les textes du "Silmarillion",
un cycle de mythes complexes de la Terre du Milieu. Il déménage au bord
de la mer pour rester avec sa femme mourante. Le 28 mars 1972, Tolkien est récompensé pour son œuvre, il est fait commandeur de l'Ordre de l'Empire Britannique par la reine Elisabeth II et reçoit un doctorat ès lettres honoraire de la part d'Oxford. Quand il meurt, le 2 septembre 1973, après la mort de sa femme Edith le 29 novembre 1971, où il fait écrire sur sa tombe "Lúthien", car c'est elle, lorsqu'ils étaient encore étudiants, qui lui inspira le plus beau passage du Silmarillion en dansant pour lui dans les bois, il reste alors une gigantesque part inédite : Bilbo le Hobbit et Le Seigneur des anneaux
ne sont que des épisodes d'une histoire imaginaire s'étendant sur des
millénaires. Avant cela, en 1966, l'écrivain vend en effet au studio d'Hollywood United Artists les droits cinéma et produits dérivés pour Bilbo le Hobbit et Le Seigneur des anneaux.
La transaction s'élève à 100 000 livres sterling, un prix non
négligeable pour l'époque, mais dérisoire quand on sait ce qu'il est
advenu.
Le "Silmarillion" paraîtra bien plus tard en 1977, quelques années après la mort de l'auteur, grâce à son fils Christopher. Cet ouvrage nous parle des Premiers Jours du Monde étaient à peine passés quand Fëanor, le plus doué des Elfes, créa les trois Silmarils. Ces bijoux renfermaient la Lumière des Deux Arbres de Valinor. Morgoth,
le premier Prince de la Nuit, était encore sur la Terre du Milieu, et
il fut fâché d'apprendre que la Lumière allait se perpétuer. Alors il
enleva les Silmarils, les fit sertir dans son diadème et garder dans la
forteresse d'Angband. Les Elfes prirent les armes pour reprendre les
joyaux et ce fut la première de toutes les guerres. Longtemps, longtemps
après, lors de la Guerre de l'Anneau, Elrond et Galadriel
en parlaient encore. C'est cette combinaison d'aventure dynamique
(susceptible de plaire au grand public) et de légendes oubliées
(apportant une touche mythologique) qui sera la clé du succès, et qui
constituera l'inspiration de nombre d'aventures d'"heroïc fantasy".
Merci !
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