L'influence
de l'écrivain se fait d'abord sentir dans le domaine littéraire, où ses
créations ont réactivé un genre qui date du XIXe siècle, la fantasy. A partir des années 1970 et surtout 1980, une heroïc fantasy très imprégnée de "tolkiénisme"
se développe, sur fond de décors légendaires, d'elfes et de dragons, de
magie et de lutte contre les puissances du mal. Son monde, "comme celui des contes de fées des frères Grimm au siècle précédent, est entré dans le mobilier mental du monde occidental", écrit l'Anglais Thomas Alan Shippey dans un essai non traduit consacré à l'écrivain.

Mais les décennies 1960 et 1970 lui réservent aussi un autre sort : dans les
campus universitaires américains, notamment celui de
Berkeley,
Le Seigneur des Anneaux devient un classique de la contre-culture hippie et se propage dans le monde entier. Les
Beatles ambitionneront même de racheter les droits cinématographiques et de jouer dans une adaptation en 1969 confiée à
Stanley Kubrick, où
John Lennon serait
Gollum. Á l'époque de
la guerre du Vietnam, on voit même fleurir des slogans comme
"Gandalf président", du nom du vieux magicien qui apparaît dans le roman, ou encore
"Frodon est vivant".
Signe que la légende a la vie dure, des autocollants satiriques furent
d'ailleurs encore imprimés durant la seconde guerre d'Irak :
"Frodon a échoué, Bush a l'anneau."
Aux États-Unis d'abord, puis dans tous les pays d'Europe et même en
Asie, le genre deviendra une énorme industrie, bientôt déclinée en
bandes dessinées, jeux de rôle, puis jeux vidéos, films, et même
musique, avec le rock progressif. Á partir des années 2000, des
"fan fictions" voient le jour sur Internet, chaque contributeur peuplant à sa guise le monde créé par
Tolkien.
Le Seigneur des anneaux se mue en une sorte d'entité autonome, vivant sa propre vie. Il inspire par exemple
George Lucas, l'auteur de la série
Star Wars, dont le premier film sort en 1977. Ou le groupe rock
Led Zeppelin, qui a incorporé des références au roman dans plusieurs chansons, parmi lesquelles
The Battle of Evermore en 1971.

Mais rien de tout cela n'émeut vraiment la famille, tant que les films de
Peter Jackson n'ont pas vu le jour. Il faut dire que dans les années 1970, le réalisateur
John Boorman est contacté par
United Artists pour adapter tout
Le Seigneur des Anneaux en un seul film, mais les changements de scénario sont trop radicaux (des relations sexuelles entre
Frodon et
Galadriel,
Gimli se faisant torturer pour obtenir le mot de passe permettant d'entrer dans la Moria,
Arwen transformée en un «guide spirituel adolescent» et laissant entièrement sa place à
Éowyn dans le cœur d'
Aragorn, avec, là encore, de forts sous-entendus sexuels), puis en 1977 la première adaptation de
Tolkien sous forme de long-métrage est une version animée du
Hobbit, créée pour la chaîne de télévision américaine
NBC par le studio
Rankin/Bass, qui modifie ou oublie certaines parties du livre, et les elfes deviennent des gnomes verts, et vient le film très réussi de
Ralph Bakshi
en 1978, qui est un succès commercial mais la deuxième partie ne verra
jamais le jour, du fait que les producteurs n'ont pas prévenu le public
d'une suite. Puis, Le studio
Rankin/Bass se charge de compléter ce que
Bakshi a commencé, et réalise, toujours en animation,
The Return of the King,
qui reprend là où le film de 1978 s'était arrêté, mais il est moins bon
que le précédent. En 1985, une nouvelle adaptation moins connue du
Hobbit,
qui est aussi la première à être tournée en prises de vues réelles,
voit le jour en URSS pour la télévision. Ce film est un navet
involontairement hilarant. Et en 1993, c'est au tour de la Finlande de
s'attaquer, sans grand succès, au
Hobbit et au
Seigneur des Anneaux avec une minisérie de neuf épisodes de 30 minutes, intitulée
Hobitit (
«Les Hobbits» en français), puis en 1994, après le fiasco du
Hobbit soviétique de 1985, la Russie se lance dans une nouvelle adaptation du roman de
Tolkien, cette fois en version animée. Il en ressort un prologue de six minutes d'un film qui se serait appelé
The Treasure under the Mountain; mais le reste du film ne verra jamais le jour, étant donné que les Russes ne possédaient pas les droits d'adaptation.

C'est la sortie du premier volet de la trilogie réalisée par
Peter Jackson produite par
MGM et
New Line,
en 2001, qui modifie la nature des choses. Les réactions ont été
mitigées parmi les téléspectateurs qui connaissaient les livres, mais
aussi par ceux qui ont remarqué qu'il s'inspire du film d'animation de
Ralph Bakshi
dont il copie certaines scènes allégrement. Pour autant, le succès
critique et commercial est indéniable, et le dernier film obtiendra même
11 oscars en 2004. Certains, en particulier des adolescents, se sont
opposés aux modifications de l'intrigue, tandis que d'autres ont estimé
que les films étaient aussi fidèles que possible, et beaucoup les ont
félicités pour avoir suscité un nouvel intérêt pour les livres. En trois
ans, de 2001 à 2003, il s'est vendu 25 millions d'exemplaires du
Seigneur des anneaux - 15 millions en anglais et 10 millions dans les
autres langues. Et au Royaume-Uni les ventes ont augmenté de 1000 %
après la sortie du premier film de la trilogie, La Communauté de
l'anneau, confirme
David Brawn, l'éditeur de
Tolkien chez
HarperCollins, qui détient les droits pour le monde anglo-saxon, à l'exception des États-Unis. Enfin, en 2007 :
MGM et
New Line annoncent, à l'étonnement général, qu'ils considèrent la possibilité de produire deux films tirés du
Hobbit avec
Peter Jackson au poste de producteur exécutif. En 2008,
Warner Bros rachète
New Line. Le cinéaste mexicain
Guillermo Del Toro, qui était en contact avec
Peter Jackson depuis des années, est engagé pour réaliser
Le Hobbit, et la pré-production du film commence au mois d'août.
Guillermo Del Toro accepte le poste uniquement sous la condition que
Peter Jackson soit également de la partie. Puis en 2010, face aux déboires financiers de la
MGM qui retardent sans cesse la production,
Guillermo Del Toro préfère abandonner le projet. Peu après, on apprend que
Peter Jackson est finalement en négociation avec le studio pour devenir le réalisateur des deux opus du
Hobbit.

Cette hypothèse est officiellement confirmée fin 2010, et
Jackson annonce qu'il tournera les films en 3D, mais se ravise ensuite. À la même époque,
MGM et
New Line
donnent enfin le feu vert à la production du projet, dont le tournage
devra débuter quelques mois plus tard. Le tournage des films, qui se
déroule en Nouvelle-Zélande, débute le 21 mars 2011 après de nombreux
contretemps. Puis en 2012, en juillet, à seulement quelques mois de la
sortie du premier volet du
Hobbit,
Peter Jackson
annonce que la saga ne comportera finalement pas deux mais trois films,
et précise qu'il piochera abondamment dans les appendices du
Retour du Roi pour étoffer son scénario.
Un Voyage Inattendu
sort le 12 décembre sur les écrans et remporte immédiatement un succès
considérable. Puis en 2013, la sortie du troisième et dernier volet du
Hobbit est repoussée de l'été à l'hiver 2014, en raison de la sortie de
X-Men : Days of Future Past en juillet de la même année, risquant de concurrencer le film. Le tournage additionnel du
Hobbit
débute en mai pour une durée de 10 semaines... Et c'est ainsi que,
après des années de tractations, procès, retards et complications
diverses, les fans de la trilogie de
Peter Jackson ont
enfin eu le plaisir de retourner en Terre du Milieu et de retrouver
leurs personnages favoris dans une nouvelle saga qui s'annonce aussi
épique que la première. Mais la trilogie le
Hobbit
même si elle est bonne, aurait pu être plus courte et durer sur 2
parties seulement comme le souhaitaient les fans du roman et ressemblerait
moins à la trilogie précédente du
Seigneur des anneaux.

Ces succès expliquent que la nouvelle version du livre
«Les Enfants de Hurin», parue en 2007, un roman sur la Guerre entre les elfes et le premier Seigneur des Ténèbres Morgoth,
Beren et Lúthien qui décrit l'histoire d'un amour impossible entre l'humain
Beren et la princesse elfe
Lúthien, parue en 2017, ont par exemple trouvé preneurs, mais aussi l'adaptation par
Peter Jackson de cet œuvre et du
Sillmarion en 2015 par
Warner Bors, tandis que
La Chute de Gondolin, l'un des premiers écrits de l'auteur du
Seigneur des anneaux, est disponible en librairie depuis 2018 dans une nouvelle édition définitive sous la direction de
Christopher Tolkien, troisième fils et exécuteur testamentaire de l'écrivain, est une pépite écrite en 1917 par le père de la
fantasy alors qu'il était en convalescence, au lendemain de
la bataille de la Somme.
L'affrontement le plus sanglant de la Première Guerre mondiale lui
inspira ce récit guerrier Le texte se déroulant lors du Premier Âge,
bien des siècles (près de 7000 ans) avant les événements du
Hobbit et du
Seigneur des anneaux, et racontant le siège d'une ville elfique, Gondolin, qui est attaquée par les forces du mal, celles du seigneur sombre
Morgoth (et maître de
Sauron), qui est présenté par la maison d'édition
HarperCollins comme un ouvrage fondateur de la Terre du Milieu.
Le filon est loin de se tarir comme le trésor de Smaug, après les films de Peter Jackson, Le Seigneur des anneaux aura bientôt droit à une adaptation télé produite par Amazon Prime Video. Cette adaptation télé du Seigneur des anneaux devrait explorer de nouvelles histoires, qui précèdent La Communauté de l'anneau. Selon le site américain Variety en 2018, le contrat ne devrait toutefois pas couvrir le roman The Silmarillon, publié de manière posthume par le fils de Tolkien.
Enfin,
je vous conseille ces lectures sans lesquelles je n'aurais pas pu faire
ces deux articles :
Lord of the Rings and J. R. R. Tolkien, Encyclopedia of Children and Childhood in History and Society, The Gale Group Inc., 2004,
Leo Carruthers, Tolkien et la Religion, Comme une lampe invisible, Presses Universitaires de la Sorbonne, 2016,
Merci !
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